Hangover de Psy feat. Snoop Dogg : YG refait son cinéma
Annyeong Haseyo ! Le nouveau clip de Psy, Hangover, est en ligne sur la toile. Si le résultat est de bien meilleure qualité que Gentleman, rien de nouveau sous le soleil : Psy continue d'enchaîner les tubes dans la veine de Gangnam Style. Psy le musicien, lui, reste en retrait. Le music vidéo de Hangover s’avère cependant plutôt réussi et intéressant à plus d’un titre, notamment pour ce qu’il nous dit de la politique de YG Entertainment et des futurs échanges entre la Kpop et le Hip Hop américain. Notre analyse.
Prenez Gangnam Style, mélangez avec du Snoop Dogg et ajoutez une bonne dose de Very Bad Trip ; puis, saupoudrez le tout avec quelques personnalités phares de la Kpop, ou plus précisément du label YG Entertainment. Vous obtiendrez le clip de Hangover, dans lequel le rappeur sud-coréen se réveille amnésique en compagnie de Snoop Dogg dans une chambre d'hôtel dévastée, à la manière de Bradley Cooper et ses potes dans le célèbre film de Todd Philips. La suite de la vidéo nous entraîne dans une virée invraisemblable, bien arrosée (avec du soju, évidemment) et somme toute drôle et sympathique, mais un tantinet prévisible. Avant tout commentaire, si vous ne l’avez pas encore vu, découvrez le clip de Hangover de Psy feat. Snoop Dogg.
Psy, le fauteur de troubles, est de retour
Compte tenu des récents déboires de Psy avec la censure coréenne – à cause d'un coup de pied dans un plot, son clip Gentleman avait été interdit sur KBS sous prétexte de troubler l'ordre public – il y a quelque chose de jouissif à voir le rappeur sud-coréen s’éclater dans une vidéo aussi fortement alcoolisée aux côtés d'un personnage subversif comme Snoop Dogg. Psy l’humoriste reste fidèle à lui-même en tant que fauteur de troubles. Pour rappel, son premier album sorti en 2001, Psy from the Psycho World !, avait été fermement condamné par les autorités coréennes pour son « contenu inapproprié ». L’année suivante, son second album, Ssa2, était accusé de donner le mauvais exemple à la jeunesse et avait fini par faire l’objet d’une interdiction de vente aux moins de dix-neuf ans. Dans Hangover, Psy s’acoquine avec Snoop Dogg, qui n’est lui non plus pas à une provocation près, et se met en scène dans une beuverie dans les rues de Séoul. Pas sûr que cela plaise aux chaînes de télé locales.
Pour le délire, nous sommes servis avec la vidéo de Hangover. L’esprit est identique à celui de Gangnam Style, avec le même décalage entre le fantasme et la réalité, mais dans une ambiance plus spécifiquement coréenne. Psy et Snoop traînent dans les rues et se rendent dans des lieux typiques de la vie nocturne de Séoul. Restaurant barbecue, convenient store 24/7, karaoké (les fameux noraebang)… ceux qui ont eu la chance de faire la fête dans la capitale sud-coréenne seront en terrain connu, les autres un peu moins. Nos deux lascars sont persuadés d'être en charmante compagnie avec des bombes sexuelles alors qu’ils se sont fait harponner par des ajummas comme on en voit couramment à Séoul, avec des tenues aux couleurs flashys. Les visions fantasmées de danseuses sexy remuant leur postérieur autour d’une voiture de luxe, à la manière des clips de rap américain, n’en deviennent que plus comiques. Une minute… au karaoké, ne serait-ce point G-Dragon, l’icône de la Kpop, qui fait son show ? Psy se fantasmerait-il en idole alors qu'il n'a pas tout à fait le physique de l’emploi ? Au final, les deux compères parviennent surtout à provoquer une bagarre collective dans un resto, qui s’achève en un énorme chaos. Le message est clair : « Tu t’es vu quand t’as bu ? », disait une vieille pub française. L’ambigüité n’est tout de même pas bien loin : Psy dénonce-t-il l’alcoolémie par l’humour ou en fait-il la promotion avec cette vidéo délirante ? La polémique est déjà en marche sur les réseaux sociaux, notamment en Corée du Sud.
Si le titre se révèle beaucoup plus réussi que Gentleman, on ne peut s’empêcher de voir dans toute cette affaire une énième tentative de reproduire l’effet Gangnam Style, ce qui pourrait bien finir par lasser même les plus convaincus d’entre nous. D’autant que Psy n’est pas le seul à tenter de rejouer son propre succès : l’année dernière, Lim Chang Jung s’y essayait lui aussi avec le sympathique Open the Door, qui n’a finalement pas traversé les frontières.
Pas de panique : si la presse française, qui a toujours un métro de retard, vous prédira la chute prochaine de Psy, les connaisseurs savent que le bonhomme a plus d’un tour dans son sac. Il suffit d’écouter ses tout premiers titres (Entertainer et son clip touchant et entraînant, le fond sonore aux accents rock de The End) ou même les chansons qu’il a composées pour d’autres artistes (on lui doit une bonne partie du superbe album The Dream of a Moth de Lee Seung Gi) pour se douter qu’il saura rebondir une fois l’effet Gangnam Style définitivement retombé. On ne se fait donc pas de mouron pour Psy.
YG fait à nouveau son cinéma
Le hic pour ceux qui rêvent de le voir revenir vers l’originalité et la richesse musicale de la première partie de sa carrière, c’est que l’effet Gangnam Style n’est toujours pas complètement retombé. Car quoiqu’en diront ses détracteurs, le clip de Gentleman est bel et bien un immense succès sur YouTube. Sept-cent millions de vues, un score rarissime qu’aucun artiste français ne peut espérer approcher pour le moment. Hangover prend le même chemin : sitôt sorti, il cumule déjà près de trente millions de vues en à peine plus d’une journée. On comprend que Psy ne soit pas prêt à abandonner ce filon. D’autant qu’il n’est pas seul maître à bord : le label YG Entertainment et son boss Yang Hyun Seok ne sont pas innocents dans l’affaire.
A ce titre, un bon indicateur de l’influence de YG est l’identité des stars faisant des caméos dans le clip de Hangover…
Dans Gangnam Style, nous avions eu droit à HyunA de 4minute, et aux animateurs télé Yoo Jae Suk (auquel je voue personnellement un culte) et Noh Hong Chul – respectivement l’homme en jaune et l’homme de l’ascenseur. Gentleman mettait à l'honneur Ga-in de Brown Eyed Girls et voyait revenir Yoo Jae Suk et Noh Hong Chul, accompagnés cette fois de tous les autres membres du variety show Infinite Challenge (MBC), une institution à la télé coréenne. Psy réalisait ainsi un véritable coup de maître : si Gentleman reprenait les ficelles de Gangnam Style et donnait un peu l’impression, par son indigence musicale, de se moquer ostensiblement du spectateur occidental (une intention qui serait assez typique du personnage), la présence des membres d’Infinite Challenge créait une complicité en mode private joke avec les amateurs de culture pop coréenne à travers le monde puisque, comme nous l’avons souligné dans un précédent article, les variety shows coréens font fureur (c’est ainsi que les fans de l’animateur Haha assistèrent à la dernière apparition de son personnage-culte Hybrid Sammy Sosa Rio Raybe…).
Or qui voit-on dans le clip de Hangover ? G-Dragon du groupe BigBang (dans le karaoke) et CL du groupe 2NE1 (dans la séquence où Psy ressort son costume de Bruce Lee, comme dans Entertainer). Fini les animateurs télés que seuls les Coréens ou les connaisseurs identifieront. Place à des choix plus corporate, place aux cartes maîtresses du label YG Entertainment.
Pour rappel, avant le phénomène Gangnam Style, la moitié du chiffre d’affaires de YG provenait du groupe BigBang, dont G-Dragon, également auteur-compositeur, est le leader. Avec Gangnam Style, le chiffre d’affaires de YG avait connu une hausse de 50% entre 2011 et 2012. Le phénomène a sérieusement mis en danger la suprématie de SM Entertainment sur le marché coréen. Depuis, G-Dragon a fait son chemin en solo, s’est extirpé de son image d’idole de Kpop et a gagné ses galons auprès de la critique locale mais aussi des Américains. Il a notamment sorti en 2013 un album coup de poing, Coup d’Etat, dans lequel on trouvait entre autres des featurings de Missy Elliott et Sky Ferreira. A l’instar de sa collègue de 2NE1, la rappeuse CL, qui a déjà eu le temps de collaborer avec Will.i.am (dans Gettin Dumb, CL intervient vers 1mns30), G-Dragon fait partie de ces artistes coréens de plus en plus courtisés par les labels d'Outre-Atlantique. Il y a quelques jours encore, GD s’affichait à Paris avec Pharrell Williams. Ce dernier lui avait déjà envoyé un tweet enflammé il y a quelques mois pour lui proposer une collaboration.
En fin de compte, dans le clip de Hangover, il ne manque plus que Taeyang pour compléter la panoplie des artistes que YG Entertainment cherche à pousser vers le marché international. Mais Taeyang était sans doute trop occupé avec la sortie de son album Rise. Les synergies ont toujours été l’un des points forts des maisons de disques coréennes et YG n’en est pas à son coup d’essai en termes de caméos : on relevait déjà, dans le clip de The Baddest Female de CL, des apparitions de GD, Taeyang et Teddy Park. Il n'empêche, voir YG utiliser le dernier clip de Psy comme relai de promotion pour imposer G-Dragon et CL sur le marché américain laisse sceptique. G-Dragon a-t-il vraiment besoin de ça ? Les ambitions de Psy se réduisent-elles à promouvoir le label ? Les deux artistes, en tout cas, n’ont pas du tout la même sensibilité.
Do you remember...
Heureusement, la présence de Snoop Dogg, qui ressemble davantage à un choix personnel de Psy, nous rassure un peu sur la capacité à du rappeur à conserver son identité. Et puis, la première partie de Psy 6 (Six Rules) comportait quelques pièces de qualité, à commencer par Year of 77 avec LeeSsang et Kim Jin Pyo (le refrain "Do you Remember" par Gil nous trotte encore dans la tête), et l'on espère en dire autant de la seconde, qui devrait arriver prochainement.
En attendant quelque chose de plus consistant, Hangover est une bonne récréation ludique, agréable à l’écoute, et son clip nous plonge davantage dans l'ambiance propre à Séoul. Reste à attendre le grand retour de Psy, le musicien, l’artiste, et plus seulement le faiseur de tubes. Park Jae Sang ssi, l’attente commence à être un peu longue !
Elodie Leroy
www.stellarsisters.com
Ci-dessous, un live du titre Father de Psy avec des sous-titres anglais. Le titre est aussi sur l'album The Dream of a Moth (2004) de Lee Seung Gi, en duo avec celui-ci.
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