Histoire de monnaie de « singe »
Des économistes suggèrent de supprimer la misère en faisant marcher la planche à billets à grande échelle ; pour d'autres, cette proposition est absurde, les obligations perdraient beaucoup de leur valeur en raison de la dépréciation de la monnaie. Un mouvement milite pour un revenu universel versé de la naissance à la mort de tout individu. Ce revenu permettrait de supprimer : aide sociale - assurance invalidité - prestation perte d'emploi - allocations familiales - bourses d'études - ainsi que les contrôles fiscaux et administratifs.
La monnaie a un triple rôle : étalon de valeur - instrument d’échange - réserve du pouvoir d’achat mais elle reste une échelle d'appréciation de la valeur d’un « bien ». Au début de l’humanité l’on procédait au troc, c’est à dire à l’échange d’un bien contre un autre. Le temps passant on accorda plus de valeur à une chose qu’à une autre aussi devint-il nécessaire de quantifier cette échelle de valeur. Cet aspect n’a pas encore totalement disparu, dans certaines régions du globe, on y procède encore, particulièrement lors de mariage ou l’un des conjoints vaut par exemple « X » têtes de bétail qui servent de référence à la valeur.
Une ordonnance royale du 5 décembre 1360 signée par Jean le Bon crée le franc et fixe son poids en or de 24 carats : « Le denier d'or fin que nous faisons faire à présent et entendons à faire continuer sera appelé franc d'or. » Cette monnaie surnommée le « franc à cheval » qui représente le souverain sur son destrier a été émise pour payer la rançon du roi Jean II captif des Anglais. pèse environ 4 grammes et a une valeur faciale proche du prix d’une livre d’or (490 grs).
La monnaie métallique va être rendue possible avec l'apparition de la métallurgie et les premières pièces vont apparaître vers 2 000 ans avant notre ère. Vers le VI eme siècle avant JC, la monnaie métallique (or, argent bronze) a une valeur identique à celle de son poids de métal, mais elle présente un défaut de taille qui va inciter à sa contrefaçon. Sa valeur marchande est supérieure à son coût de fabrication. Deux cents ans plus tard, les Athéniens vont commencer par mettre du plomb dans leurs pièces d’argent. La contrefaçon va avoir pour conséquence de saper la confiance du public dans la monnaie. En l'an 308, l'Empereur Constantin le Grand crée l'Aureus imperial stable ou Solidus, une monnaie va rester intacte jusqu'au XIe siècle. Un certain Alexis Ie Comnene entreprend de substituer une partie d'or à une masse égale de cuivre, le Solidus va devenir au fil du temps une vulgaire pièce en alliage de cuivre. En 1239, le pape Grégoire IX accusa Frédéric II roi de Sicile de contrefaire des deniers en recouvrant d'argent une pièce de cuivre. L'origine de l'expression « monnaie de singe » qui signifie ne pas payer ou le faire avec une monnaie sans valeur remonte au XIIIe siècle.
Le papier monnaie apparaît en Chine vers le IX ème siècle pour faire face à une pénurie de cuivre, mais il va rester cantonné à usage interne, l’or et l’argent restant le seul paiement admis pour les achats internationaux. C'est la navigateur Marco Polo qui rapportera sa découverte au XIII° siècle bien avant que la Chine ne renonce au papier monnaie vers 1455. L'utilisation du papier-monnaie pour régler des échanges commerciaux ou se procurer des liquidités à crédit fera son apparition en Europe vers le XVII° siècle avec l’impression de billets émis par des banques privées. Le trésor public voyant là des recettes lui échapper, va émettre ses propres billets avec lesquels il va payer ses fournisseurs et ses fonctionnaires qui n'ont d'autre choix que d’accepter, contraints, ce papier monnaie. La banque de France créée en 1800 par des proche du Premier Consul obtient en 1848 le monopole de l’émission des billets pour toute la France. Battre monnaie restera un privilège réservé aux États.
Le papier-monnaie ne peut guère être considéré comme une monnaie marchandise, un billet de X euros, dollars, ou devise ne vaut que les quelques centimes qu'ont coûté sa fabrication, la différence entre le coût de fabrication et la valeur faciale s'appelle le seigneuriage. Le papier-monnaie est une monnaie fiduciaire, c'est-à-dire basé sur la confiance. Au début, le papier-monnaie était entièrement gagé et sa valeur garantie par les réserves en or des États. Dans notre système actuel, le papier-monnaie n'est plus garanti, les dépôts à vue sont représentés par une ligne d'écriture comptable dans les registres des banques. Quant à l'origine de l'expression « monnaie de singe » qui signifie ne pas payer ou le faire avec une monnaie sans valeur, elle remonte au XIIIe siècle. A l'époque, le roi Saint-Louis avait exigé qu'une taxe soit payée par toute personne empruntant un pont menant à l'île de la Cité, en était dispensé celle qui possédait un singe, à charge pour elle de faire exécuter un numéro par leur animal !
Le Golden exchange standard de 1922 va marquer le recul de l'or par rapport aux devises et le krach de 1929 entraîner une augmentation du cours de l'or. En 1934, le Président Roosvelt fixe la parité pour le dollar à 35 dollars l'once. La Seconde Guerre mondiale a pour conséquence d'entraîner une réduction de la production du métal précieux et par ricochet venir lézarder l'équilibre monétaire international. La signature de l'accord de Bretton-Woods par une quarantaine de pays en juillet 1944 instaurent le dollar comme la seule monnaie convertible en or dans les échanges internationaux. Au sortir de la Seconde Guerre mondiale, les Américains possèdent 80 % des réserves d'or mondiales.
La guerre terminée, des fausses livres sterling inondent l'Europe. La seule solution pour rétablir la confiance en cette monnaie serait que la Banque d'Angleterre rappelle tous les billets en circulation, les vrais et les faux, et ensuite de remettre en circulation de nouvelles coupures. Le rapport du MI-5 (contre-espionnage britannique) de préciser : « En général, on peut dire que l'objectif allemand de détruire la confiance à l'étranger contre la Banque d'Angleterre a été atteint. À l'heure actuelle, plus personne n'acceptera une livre sterling dans n'importe quel pays d''Europe, sauf en pays neutre et avec une décote très importante. Il est difficile de voir comment les autorités britanniques peuvent faire face à la situation et rétablir la confiance dans la monnaie britannique, sauf par le rappel de tous les billets de 5 livres et plus en circulation et de faire une nouvelle émission. »
L'« Opération Bernhard » reste toujours considérée comme la plus vaste fabrication de contrefaçon de l'histoire. Le 18 Septembre 1939, une bien étrange conférence à lieu au ministère des Finances au numéro 61 de Wilhelmstrasse à Berlin. La question inscrite à l'ordre du jour : « Comment effondrer le système économique d'une puissance mondiale ? » Deux antériorités sont évoquées : au 18° siècle d'abord, les Anglais ont répandu de grandes quantités d'assignats contrefaites en France afin d'accroitre l'inflation et compromettre la révolution, Napoléon de faire de même avec la complicité du Ministre de la police qui a fait répandre de la fausse monnaie à Londres, à Vienne et à Moscou.
Le projet a véritablement débuté le 16 juillet 1942 avec un courrier du Reichführer Heinrich Himmler. Le major Bernhard Krüger placé à la tête d'une équipe de 144 faux-monnayeurs sélectionnés parmi les prisonniers du camp de Sachsenhausen, dispose d'un budget de deux millions de reichmarks. Ces spécialistes dont le plus jeune a à peine 20 ans et le plus âgé 60, sont de véritables artistes. Installés dans leur atelier situé au numéro 6 Delbrückstraße dans le quartier de grunewald de Berlin, il ne va leur falloir que deux mois pour découvrir les sécurités qui authentifient les véritables livres sterling, certaines lettres par exemple sont délibérément déformées légèrement, et casser le code à la base de la numérotation des billets officiels. Les faussaires vont ensuite fabriquer le papier filigrané qu'ils ne peuvent se procurer et une encre similaire à celle utilisée par la Banque d'Angleterre, graver les plaques en taille douce et imprimer 400 000 billets.
Un matin de 1943, c'est un Kruger très satisfait qui déclare aux ouvriers faussaires : « des banques britanniques ont accepté les coupures comme de vraies ! Je vous félicite pour votre excellent travail. » On peut parler de faux presque parfaits qui sont très prisés des numismates. Les faussaires travaillant pour le Troisième Reich vont fabriquer près de neuf millions de billets pour une valeur nominale de plus de 134 millions de livres, ce qui représente 13 pour-cent du montant en circulation des billets de banque authentiques !
La Force spéciale opérationnelle du Commandement général s'installe dans un hôtel situé sur les hauteurs de Merano sous le nom de « Panzer corps germanique ». Le service qui emploie 50 personnes est dirigé par l'homme d'affaires Friedrich Schwend qui a reçu le grade de SS-Sturmbannführer. Ce service chargé d'écouler les faux à 33 % de leur valeur nominale à d'autres organismes militaires, va acquérir des villas, des hôtels, et des entreprises commerciales (certaines seront le fleuron de l'économie allemande d'après guerre).
Ces faux-billets ont été mis également en circulation : au Portugal, en Espagne, en Suisse, en Yougoslavie, et en Égypte avec un triple objectif : recueillir des fonds pour la cause nazie - payer les agents doubles - et entraîner la perte de confiance dans la monnaie britannique. Les fausses coupures ont été achetées à bas prix, même par les soldats alliés et des fonctionnaires du Foreign Office pour les envoyer à leurs proches en Angleterre. Si dans un premier temps quelques-uns des faux billets ont atteint la Grande-Bretagne, tout change en 1944 avec le débarquement allié en France. Cette fausse monnaie va se répandre avec la vente de biens provenant des magasins US via les activités de marché noir. Les francs utilisés pour régler les achats servent ensuite acheter des livres Sterling. L'opération conçue par les Allemands pour mettre à mal l'économie anglaise allait se retourner contre elle. La rémunération des agents allemands en pays neutres avec de fausses coupures allait avoir pour effet d'alerter les autorités anglaises sur leur présence et beaucoup d'espions et agents doubles d'être interpelés pour trafic de fausse monnaie.
En 1959, le magazine allemand Stern allait accrocher l'attention du public avec le titre : « Des tonnes de monnaies. » Une énorme quantité de livres sterling a été découverte dans les eaux du lac Toplitz à Styria dans le comté de Salzkammergut (Autriche), proche de la zone où des soldats américains avaient aperçu des billets de : 5 £, 10 £, 20 £ et 50 livres sterling flottant à la surface de la rivière Traun en mai 1945... L'endroit situé à 1 000 mètres d'altitude allait attirer de nombreux chercheurs de trésors et bon nombre d'agents secrets occidentaux. Plusieurs morts mystérieuses ne seront jamais élucidées.
Actuellement, le dollar reste la monnaie la plus copiée au monde, cela est lié non seulement à sa relative « facilité » de reproduction, mais également au fait qu’il constitue une monnaie internationale. Près de 60 % des billets américains circulent hors des États-Unis, auxquels viendrait s’ajouter 30 % de faux (estimation) ! Une des solutions envisageables consisterait à remplacer les billets par un nouveau modèle, mais cela n'est pas sans poser un problème. Si l’état américain refuse les faux en circulation, c’est l’économie mondiale qui se voit amputée d’une somme énorme. S'il les accepte, il est obligé de jouer avec la planche à billets pour accroître la masse en circulation, de quoi bouleverser l’économie et toutes les « belles » prévisions des économistes.
Il se murmure que Saddam Hussein aurait été bien imprudent en annonçant qu'il souhaitait dans le futur ne plus être payé en dollars mais en euros... Imaginez le pavé dans la marre de l'or-noir dont la monnaie d'échange reste les pétrodollars, quand le dollar se « rétracte », les revenus des pays producteurs sont « baissiers »... L'intervention voulue par Nicolas Sarkozy en Libye trouverait-elle son origine dans le souhait exprimé par Kadhafi de vouloir remplacer le Franc de la Communauté financière africaine (CFA) utilisé depuis 1945 par une quinzaine de pays par une monnaie or panafricaine fabriquée en Libye ? Pour prendre toute la mesure de l'enjeu, sachez que le franc CFA est non seulement arrimé à l’euro, mais que les pays de la zone CFA ont l’obligation de déposer 50 % de leurs réserves de change auprès du Trésor public français, somme qui représente environ 65 milliards d'euros... Petite phrase du jour : « Il n'y a pas de monnaie sans souveraineté. » (André Orléan)
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