Hollande sans discernement
Toujours pire. Intervenant sur un fait divers sans grandeur, le Président de la République a une fois de plus touché le fond, samedi, au terme d’une communication désastreuse. La fin du hollandisme ?
Petite cause, grands effets, comme dirait Patrice Evra. Une banale expulsion d’étrangers en situation irrégulière aura au final coûté très cher au Président de notre beau pays. François Hollande, conseillé par on ne sait qui, s’est cru obligé d’intervenir samedi sur un dossier secondaire, pour calmer peut-être l’excitation adolescente de lycéens imberbes qui voulaient partir en vacances plus tôt. Ou pour calmer peut-être certains dans sa majorité qui n’en peuvent plus de Valls et du blanc seing qui semble lui être accordé par l’exécutif. Intervenir, mais toute précaution prise : on enregistre d’abord l’allocution histoire de ne pas se prendre les pieds dans le tapis persan. Ou roumain. Mais patatras, enregistrée ou pas, l’intervention est calamiteuse : les deux premiers tiers sont bons, soutien à Valls, rien à dire sur la légalité du procédé, tout au plus quelque manque de tact (on dit discernement en hollandais) de la part des policiers, tout est bon donc jusqu’à la fin et là, catastrophe, au nom d’une ronflante humanité, Hollande autorise la dénommée Léonarda « si elle en fait la demande » à revenir poursuivre ses études, mais « elle seule », c’est-à-dire sans ses parents, ses sœurs et le reste de la famille. Immédiatement une question vient à l’esprit : qui a bien pu écrire et valider une telle proposition ? Et comment le chef de l’Etat a-t-il pu accepter d’énoncer une telle offre ? On croit rêver, on hallucine. Pour résumer, Valls a tout bon, la loi est respectée mais l’expulsée peut revenir…en abandonnant ses parents, sa famille. (Désir lui, premier secrétaire peu loyal, prendrait toute la famille sauf le père…qui dit mieux ?) Le hollandisme version caricature. Ne pas trancher, quitte à dire tout et son contraire. Quitte à empirer les choses. Valls expulse, Hollande sépare les familles. Sarkozy n’aurait jamais fait mieux.
Du coup, évidemment, c’est la scission à gauche, version évacuation de camp de roms, ça hurle, ça crie, ça menace, manifestement on n’en croit pas ses oreilles dans les états majors. Valls, lui, savoure et se tait, tout au plus précise-t-il dans le JDD que la famille de Léonarda ne reviendra pas. La famille, elle, campe devant les caméras, s’indigne, prétend que le Président « sans cœur » les traite « comme des animaux ». La droite se régale, le débat en incompétence revient, Mélenchon n’en peut plus, Royal fait des efforts pour ne pas se marrer, les Verts passent au rouge, le grand cirque continue et les extrêmes savourent, en silence. On a rarement vu ça, un Président pompier pyromane de ce niveau, c’est inédit. Derrière lui, qui rédigent ses discours, certains doivent se sentir un brin merdeux devant un tel naufrage. Au premier rang desquels un certain Claude Sérillon, qui sert à quoi, on se le demande. Mais en dehors de la responsabilité évidente de ces sbires là, tout de même, on peut s’interroger sur le bon sens de Hollande, sur ce qui le laisse penser que sa solution de séparer la jeune fille de ses parents et de ses frères ou sœurs était une bonne solution, humaine et juste, de gauche. Mais avant même ce raisonnement là, une question évidente, simple et directe, si ce n’est cruelle : pourquoi intervenir ? Et pourquoi lui ?
Pourquoi intervenir ? Parce que Libération le quotidien bobo le demandait instamment vendredi ? Ce serait faire grand cas de l’influence du quotidien de la famille Rostchild. Par peur d’une contagion étudiante au mouvement lycéen ? Il n’y a pourtant pas encore de mouvement, juste quelques maigres manifestations floues et sympathiques, qui s’éteindront dès les vacances venues, c’est-à-dire aujourd’hui même. Pour soutenir Manuel Valls, alors ? C’est le plus probable. Hollande ne peut pas se passer de son ministre de l’Intérieur, seule force du gouvernement, régulièrement taclé par la gauche de la gauche les verts ou les amis de Taubira. Sa montée au créneau était une fois de plus destinée au catalan, pour bien lui montrer qu’il comptait sur lui jusqu’aux municipales au moins. Mais il n’en reste pas moins que la pertinence d’une telle intervention reste posée. Si le Président doit se fendre d’un discours à chaque expulsion d’étranger en situation irrégulière, il va passer sa vie devant les caméras. Et quand bien même il serait de bon ton de porter parole, quid du premier ministre, chef du gouvernement ? En prenant sa place, Hollande le discrédite un peu plus et chausse les talonnettes de son prédécesseur, que l’on critiquait suffisamment pour son omnipotence. Hollande fait de Ayrault son collaborateur, rien de plus. Sarkozy quand tu nous tiens, toujours : en réagissant ainsi à un simple fait divers, Hollande reprend les mauvais réflexes de son prédécesseur.
Léonarda ne méritait pas ça, tout ce ramdam autour de son expulsion, parfaite application de la loi. Son cas, qui aurait dû juste alimenter des statistiques, s’est retrouvé instrumentalisé par la presse qui en a fait une affaire, rien que de très normal jusqu’ici mais que le chef de l’Etat cède à de telles sornettes laisse sans voix, inquiet et dubitatif quant à la capacité du personnage à diriger notre beau et accueillant pays.
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