Hommage à la démocratie états-unienne
Après avoir célébré dans mon dernier article la continuité admirable entre les mandats de Nicolas Sarkozy et François Hollande, je tenais à rendre hommage au système politique le plus génial jamais conçu et mis en oeuvre par l'homme à l'échelle d'un continent. Depuis près de deux siècles, tous les 4 ans, le miracle se répète. En novembre 2012, le président Barack Obama était élu pour un second mandat et c'était l'occasion pour moi de rendre un vibrant hommage à la démocratie états-unienne.
Nous structurons tous nos existences autour d’événements qui reviennent à intervalles réguliers. Pour certains ce sont les jeux olympiques ou la coupe du monde de foute, pour d’autres le retour du printemps ou les premières neiges, quant à moi ce sont les élections présidentielles étasuniennes. Je les attends tous les 4 ans, oserais-je le dire, avec encore plus d’impatience que les présidentielles françaises : c’est pour moi le moment le plus important du monde. La récente réélection de Barack Obama à la tête des USA me donne l’occasion de rendre hommage à la démocratie étasunienne.
Cette position que je prends, précisons-le, n’a rien d’original. Il n’est que de constater la couverture médiatique massive et enthousiaste de l’événement en France. Cette couverture montre à quel point la démocratie étasunienne constitue un modèle absolu, en comparaison par exemple du Venezuela ou de la Russie, dont TF1 et le Monde nous montrent bien que ce sont de fausses démocraties où les élections sont systématiquement entachées d’irrégularités.
Une campagne bénéficiant de fonds massifs
Chacun sait que la valeur d’une chose ou d’un être se mesure au prix que l’on est prêt à y mettre. L’amour de la démocratie, de l’autre côté de l’Atlantique, doit d’abord se mesurer aux sommes d’argent fantastiques qui sont consacrées lors de cette élection. Lors de la dernière élection, pas moins de 6 milliards de dollars ont ainsi été dépensés pour les deux candidats républicains et démocrates. Ce budget énorme (en hausse de 7% par rapport à la précédente) est d’autant plus remarquable que les Etats-Unis traversent la plus grave crise économique et financière de leur histoire. Heureusement, astuce étasunienne, les candidats n’ont pas à creuser le déficit de l’état pour se faire élire, puisque l’essentiel des fonds de campagnes proviennent de grands groupes privés altruistes comme Monsanto, Goldman Sachs, ou Microsoft, qui prennent sur eux la responsabilité citoyenne de financer largement ces campagnes.
Un système qui favorise le bipartisme
Le système étasunien favorisant le bipartisme, les citoyens étasuniens n’ont presque toujours le choix qu’entre deux candidats, un membre du parti républicain, et un membre du parti démocrate. Cette bipolarisation est garante de la continuité de la politique de l’état et permet d’éviter les candidatures populistes ou fantaisistes.
Je note avec satisfaction que ce sytème est en train de s’installer peu à peu en France. Grâce aux pressions exercées par l’UMP et du PS, il est de plus en plus difficile pour les petits candidats d’obtenir les 500 parainages de maires nécessaires pour se présenter, et si daventure ils passent ce filtre, les médias contournent la contrainte de l’équité du temps de parole, en retransmettant leurs réunions électorales en pleine nuit, en organisant des émissions truquées dans lesquelles on les gêne constamment dans leurs réponses, en écrivant des articles dans lesquels on présente mensongèrement leurs programmes. Conséquence, le nombre de candidats à la présidentielle française diminue à chaque élection et le premier tour est de plus en plus joué d’avance : bientôt, Dieu merci, nous n’aurons plus à craindre de revivre l’horreur d’un 21 avril 2002.
Le système des grands électeurs
Spécificité remarquable du système démocratique étasunien : le président n’y est pas élu directement par les citoyens mais indirectement par le biais des « grands électeurs ».
Ces grands électeurs sont au nombre de 538. Leur répartition est proportionnelle à la population de chaque état : les états très peu peuplés comme le Wyoming ou l’Alaska n’ont que 3 grands électeurs, des états très peuplés comme le Texas ou la Californie en ont 38 et 55. Ces grands électeurs représentent représentent clairement l’un des deux candidats. L’originalité du système réside dans le principe du “gagnant remporte tout” : un candidat qui par exemple gagnerait 51% des suffrages en Californie, raflerait la totalité des votes de 55 grands électeurs, et non pas 28 contre 27 à son adversaire. Ce système a montré son efficacité lors de l’élection de 2000 qui marqua l’accession de George W Bush au pouvoir. Alors que son adversaire Al Gore comptabilisait en suffrages exprimés totaux, 550 000 voix d’avance sur lui, le vote de l’état de Floride (29 grands électeurs) fit au dernier moment basculer l’élection, Bush y battant son concurrent de 550 voix, et raflant tous les électeurs de cet état crucial.
Certains esprits forts font remarquer que le vote en Floride a été organisé dans des circonstances troubles : le gouverneur de cet état n’était autre que Jeb Bush, le frère du futur président, des électeurs démocrates auraient été rayées des listes électorales dans des circonstances mystérieuses, le recomptage des voix aurait été interrompu de façon arbitraire par les juges de la cour de Floride. Je note cependant que cette décision n’a été que très peu contestée par le camp démocrate et son candidat, et quand on a à l’esprit le brillant homme d’état qu’est devenu George W. Bush dans la foulée des attentats du 11 septembre, vraiment on peut dire, dans ces circonstances, que la décision des juges de la cour de Floride d’interrompre le recomptage des bulletins, s’est révélée éclairée et providentielle, et que le système des grands électeurs est vraiment une trouvaille démocratique géniale.
La démocratie 2.0
Un autre aspect qui rend la démocratie étasunienne chère à mon cœur est de mettre les nouvelles technologies au service de l’efficacité démocratique. Je pense en particulier au développement massif du vote électronique ces dernières années. Désormais, le citoyen étasunien, au lieu de s’isoler derrière un rideau austère avec tous les bulletins de vote, se trouve devant une machine moderne, où il lui suffit d’appuyer sur un bouton pour exprimer son choix. Cette innovation technologique au passage est écologique car elle permet de lutter contre la déforestation.
Le système a montré son efficacité lors de l’élection de 2004. Là encore l’écart était faible entre les deux candidats, et un autre état, l’Ohio (18 grands électeurs), était déterminant dans le résultat final. Alors que les sondages à la sortie donnaient 4 points d’avance dans cet état au candidat démocrate, John Kerry, George W Bush l’emporta finalement de près de 3 points. Les élites étasuniennes ont tellement confiance dans ce système de vote qu’elles n’ont rien trouvé à redire à ce rarissime renversement de tendance. Mieux, elles n’ont même pas jugé douteux que le responsable des opérations électorales dans l’Ohio était également vice président de la campagne de George Bush dans cet état, que les machines ne délivraient pas de reçu de vote, ou que les récépissés de vote dans 56 des 88 comtés de l’Ohio avaient été accidentellement détruits au lendemain des élections.
En France le principe des machines à voter à été adopté et appliqué de façon sporadique et la tendance est au retour à l’ancien système. Comme certains sauvages d’autrefois qui redoutaient les appareils photos qu’ils accusaient de voler leurs âmes, nous nous fermons à la modernité, et prenons du retard sur le modèle étasunien de la démocratie. Je note avec nostalgie qu’en 2007, un seul présidentiable s’était déclaré en faveur du vote électronique : le déjà regretté Nicolas Sarkozy.
Conclusion
Les pires ennemis de la démocratie ne sont pas forcément les dictateurs, mais ces démocraties de façade dans lesquelles les élections sont truquées par le pouvoir, où l’opinion publique est abrutie par une propagande incessante et mensongère, où les élites politiques sont entièrement aux mains d’intérêts inconcevables par les citoyens qui les « élisent ».
janvier 2013
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