Hommage à la femme : Résilience et trésors d’affection
« Ô toi ma mère, je pense à toi…
Toi qui me portas sur le dos, Toi qui m’allaitas,
Toi qui la première m’ouvrit les yeux aux prodiges de la terre,
Toi qui essuyas mes larmes,
Femme simple, femme de la résignation,
Merci, merci pour tout ce que tu fis pour moi »
Camara Laye poète guinéen
« La femme a le droit de monter sur l’échafaud ; elle doit avoir, également, celui de monter à la Tribune. » Olympe de Gouge, femme politique guillotinée durant la Terreur ( 1789+)
Résumé
Chacun sait que chaque année, dans un rituel sans épaisseur, on se souvient de la femme le 8 mars pour ensuite l’oublier le reste de l’année. Devant ce déni en forme de minimum syndical envers la femme, il m’est venu avec le temps de faire ma part, avec l’impérieuse nécessité de témoigner, de tenter de payer, dans une certaine mesure, une dette que nous avons envers la femme déclinée comme mère, épouse, fille, moitié du genre humain mais qui souffre d’une tutelle originelle, due à une méconnaissance des textes religieux, notamment des religions révélées interprétées dans le sens de la prééminence de l’homme.
Cette réflexion de plus d’une dizaine d’années m’a amené à rédiger un modeste plaidoyer que j’ai intitulé Les résilientes et les Editions Dalimen ont bien voulu s’emparer de cette cause. Cette opportunité m’est donnée, aussi, pour rendre hommage à ces « géantes », à ces héroïnes ordinaires avec des destins extraordinaires. Dans ce plaidoyer, nous verrons que l’Algérienne n’échappera pas à cet ostracisme. Reléguées, très souvent, à un rôle mineur par la chape de plomb de traditions culturelles et sans état d’âme, ces révolutionnaires sans médaille, sans « m’as-tu-vu », sans course aux privilèges, humblement, affirment qu’elles n’ont fait que leur devoir.
C’est pour moi, en définitive, une symbolique que la date de parution coïncide avec le 8 mars qui n’est pas cependant le seul repère du combat des femmes. Il y en a d’autres ; en fait, les 365 jours sont des marqueurs du combat de la femme qui s’apparente à un mythe de Sisyphe. La femme se bat toujours pour une visibilité sociale pour donner la pleine mesure de son talent. Ainsi, on ne peut parler de récit national sans la femme l’alma mater sans qui rien de pérenne n’aura été élaboré.
Comment est perçue la femme : la meilleure moitié de l’humanité ?
Pour les scientifiques L’histoire de l’humanité commence avec Lucy, une lointaine grand-mère, une Eve qui a pris son essor il y a quelque 3 millions d’années dans la Corne de l’Afrique. Mais qu’est ce que la femme ? Devient on femme où l’est t-on au départ ? Simone de Bauvoir a tranché : on le devient ! Pour le philosophe Guillaume-Von der Weid, « une femme est un être humain de sexe féminin. Parce qu’elle constitue un enjeu central de la société, certain(e)s diront : c’est ainsi que la femme s’est trouvée réduite à ces trois dimensions : la gestation biologique, la gestion familiale et la grâce culturelle ».(1)
Que l’on traite de la condition humaine, quel que soit l’angle d’attaque, nous trouverons toujours, en bonne place, la femme, en ce sens qu’elle est de tous les combats. Le premier des combats sans fin est celui de sa place dans les sociétés humaines. On oublie, trop souvent, que du ventre de la femme a jailli l’humanité. S’il est vrai que, dans les récits bibliques, l’accouchement est vu comme une punition « tu accoucheras dans la douleur », le poids des traditions du patriarcat n’a fait que consolider cet apartheid que rien ne peut justifier. D’autant qu’avec les techniques médicales actuelles, la femme peut accoucher sans douleur, voire même sous-traiter sa grossesse par GPA interposée.
C’est dire que des déconstructions s’avèrent de plus en plus nécessaires pour enlever la gangue accumulée par des millénaires de patriarcat et de misogynie !! Nous sommes au XXIe siècle, les parcours sociaux de la femme sont, en général, toujours, un cran au-dessous de ceux des hommes, même et je dirais certaines fois surtout dans les sociétés occidentales et autres où les vœux pieux ânonnés les 8 Mars de par le monde n’apportent rien de décisif dans la condition de la femme…
Il nous a paru important de témoigner d’abord du combat de la femme dans l’absolu, quelle que soit sa latitude et ceci depuis l’aube de l’humanité. Déjà dans la Préhistoire, dans la « division du travail », la femme est assignée à jouer son rôle de mère de l’humanité. Graduellement, la chape de plomb culturelle a réparti les rôles, le sexe dit « faible » n’aura pas droit au chapitre. C’est l’homme qui capte toute la lumière. À lui le rôle de défendre la cellule familiale, à la femme de s’occuper de l’âtre et des enfants, pourtant l’Histoire a montré que la femme s’est toujours révoltée contre cette unique « mission ».
Nous le voyons à travers les prouesses dans tous les domaines, et il n’y a pas de domaine spécifique à l’homme. Nous donnerons quelques exemples où nous montrons que les femmes peuvent s’épanouir dans les métiers « réputés des métiers d’homme » Les clichés et les stéréotypes ont la vie dure, alimentés par un patriarcat de complicité entre toutes les cultures mais aussi par un effet d’aubaine qui fait que les religions mal comprises et le patriarcat se sont épaulés pour maintenir la femme dans une condition de servilité.
Ce fut une lutte perpétuelle et pourrait-on dire atemporelle que celle de la femme pour une visibilité revendiquée et mille fois méritée. En effet, comme Sisyphe condamné à faire rouler éternellement, jusqu’en haut d’une colline, un rocher qui en redescendait chaque fois avant de parvenir au sommet, la femme doit, de ce fait, tout le temps, convaincre et c’est une lutte toujours recommencée. Par ailleurs, et malgré des certitudes autoproclamées, la femme n’est pas libre aussi en Occident. Les mêmes servitudes, sous formes différentes, sont toujours là avec, en prime, les « excès » qui, en définitive, démonétisent la femme en atomisant la cellule familiale matrice première de l’organisation sociale depuis au moins 10.000 ans
Comment le 8 mars est devenu la « journée » de la femme ?
On sait que depuis l’avènement des civilisations, la femme est à l’intérieur d’une clôture dogmatique qui lui assigne une position minorée, ghettoïsée dans le rôle unique de tâches répétitives de la cellule familiale. Ce que les Allemands appellent kinder, küche, kirche « enfants, cuisine, église ». L’expression « les trois K » se veut une représentation des valeurs traditionnelles dévolues aux femmes d’ailleurs qu’elles que soient les civilisations Il a fallu attendre le début du XXe siècle pour l’organisation des femmes pour améliorer leur sort. Le 8 mars a une histoire controversée. Chaque pays le revendique et fait assaut de bienséance à l’endroit de la femme en lui consacrant un solde de tout compte d’un jour dans l’année.
La publication suivante explique la genèse de cette date : « En 1910, l’Internationale socialiste se réunit à Copenhague. C’est là que la militante allemande Clara Zetkin propose de mobiliser les femmes partout dans le monde à une date unique pour sensibiliser à la cause des travailleuses. Clara Zetkin est née le 5 juillet 1857 en Allemagne. Pour elle, « vouloir supprimer ou réduire le travail féminin, cela signifie condamner la femme à la dépendance économique, à l’asservissement social, les ‘‘prolétaires des prolétaires’’ – ‘‘Dans la famille, l’homme est le bourgeois ; la femme joue le rôle du prolétariat’’, écrivait Karl Marx. Il y a plus prolétaire que le prolétaire, sa femme ».(2)
« En 1915, l’arrivée au pouvoir de Staline la met à l’écart de l’Internationale communiste. La journaliste Maria Reese disait de Clara Zetkin qu’elle était alors ‘‘le seul homme à Moscou qui osât résister à Staline, l’Union soviétique sera le premier pays, en 1921, à fixer au 8 mars la Journée internationale des femmes. (…) Clara Zetkin est enterrée sur la place Rouge, près du mausolée de Lénine (…) Il aura fallu attendre plus de quarante ans pour que le 8 mars soit érigé en ‘‘Journée internationale des droits des femmes’’ par les Nations unies, en 1975. »(2)
La plaie du féminicide planétaire : Un combat à mener
Il ne faut pas croire que le temps passant, il y a un répit pour la femme ! Un constat glaçant : cinq femmes tuées chaque heure dans le monde. En France, 122 femmes ont déjà été tuées en onze mois en 2022, soit 12 par mois ! En Algérie, chaque semaine, une femme est assassinée. Si la Constitution déclare protéger les femmes contre toutes les formes de violence, la « clause du pardon », incluse dans le code pénal, ainsi que le silence des proches des victimes permettent encore d’en absoudre les auteurs. L’une des caractéristiques des féminicides en Algérie est l’omerta qui entoure ces assassinats. Dans son rapport, Féminicides Algérie dénonce, en outre, les lacunes du système judiciaire algérien, qui ne protège pas suffisamment les femmes contre ce type de violences et sanctionne trop légèrement certains auteurs.
« En l’espace de quatre années, treize condamnations à mort ont été prononcées, toutes commuées en peines de prison en vertu du moratoire sur la peine de mort en vigueur depuis 1993 dans le pays. Certes, l’article 40 de la loi fondamentale précise que l’État protège les femmes contre toutes les formes de violences, aussi bien dans l’espace public que dans la sphère professionnelle et privée. La capacité d’action des pouvoirs publics a pourtant été renforcée, en 2016, grâce à l’entrée en vigueur d’un amendement du code pénal, qui criminalise les violences conjugales, introduit le concept de harcèlement et alourdit les peines en cas d’agression physique contre une femme. Il n’empêche, arguent les militantes des droits des femmes, la plupart de ces violences, qui se déroulent dans la sphère familiale, ne font pas l’objet de plainte. Un article de loi permet à l’agresseur d’échapper aux poursuites pénales si la victime lui pardonne, ce qui arrive souvent sous la pression familiale. C’est dire s’il y a encore des dispositions à prendre pour tenter d’endiguer cette plaie. »(3)
La saga guerrière des Amazones : une réalité longtemps ignorée
Certaines femmes célèbres ont marqué de leur empreinte indélébile la grande histoire du monde par leurs puissances, leurs pouvoirs. Ces femmes d’une grande notoriété, ont parfois changé le cours de l’histoire et le destin de leur pays. Ainsi es guerrières ont guidé des peuples. On connaît la Kahina, Fatma Thazougarth et Lalla Fatma N’Soumer. Une anecdote parmi tant d’autres : il est admis dans le consensus scientifique que les femmes ne peuvent pas être des chefs guerrières jusqu’au jour où on découvre que le tombeau d’un guerrier au Danemark était celui d’une guerrière. Même surprise en Russie :
« Découverte de tombes de guerrières vieilles de 2 500 ans, avec la présence de 30 pointes de flèche en fer, d’un crochet en fer et des fragments de harnais de chevaux ainsi que des couteaux en fer. Autant d’éléments qui suggèrent que ces femmes étaient probablement des guerrières, à l’instar des mythiques Amazones. Les écrits suggèrent que les Scythes étaient de farouches combattants qui montaient à cheval pour pouvoir user de leur arc et de leurs flèches. Et les femmes n’échappaient, semble-t-il, pas à la tradition. ‘‘Les Amazones (les femmes guerrières, ndlr) étaient un phénomène commun chez les Scythes », a expliqué Valerii Guliaev. »(4)
Les femmes inspirantes qui ont fait les religions révélées
À titre de symbolique, dans les récits religieux des religions révélées, trois femmes ont joué les premiers rôles car ce sont elles qui ont permis l’avènement des trois prophètes : La mère et la soeur de Moïse aini que Asiya bint Muzahim, l’épouse royale du pharaon qui fut la mère adoptive de Moussa. Elle adorait Dieu en secret car elle craignait son époux. Dans le christianisme Marie (Maryam) est la mère de Jésus de Nazareth. Elle est une figure essentielle du christianisme dans les Églises catholique et orthodoxe, le récit de l’Annonciation dans le Coran (sourate 19, versets, 17-21). Sans oublier aussi Marie de Magdala proche du Christ, elle devient apôtre malgré le refis de Pierre …
On sait que Mohammed (QSSSL) a été orphelin dès jeune son âge. La tradition antéislamique faisait que l’on envoyait les bébés chez des nourrices ; Halimah nourrice du prophète est l’une des meilleures femmes, aux yeux de tout musulman, et elle est chère au cœur de tout croyant. De même Khadija, la femme du prophète fut une femme forte qui a joué un rôle clé dans la naissance de l’Islam. C’est ainsi que le Coran a été révélé à Mohammed. On dit que lorsqu’il a vécu la première révélation, il a eu peur. Il ne pouvait pas donner un sens à ce qu’il vivait. Mohammed s’est confié à Khadija qui l’a écouté, l’a calmé et réconforté.
Les femmes illustres en Islam
Des femmes ont dirigé des empires des nations Témoigner en leru faveur, c’est parler des femmes et donner une visibilité à leurs savoirs, leur savoir-être, leur savoir-faire. Toutes les femmes sont des héroïnes ordinaires avec des destins extraordinaires car on a trop souvent tendance à ne montrer que celles qui ont une visibilité éclatante. Elles ne représentent que la partie visible d’un iceberg d’une armée de l’ombre qui est obligée constamment de prouver, de lutter pour être seulement respectée.
S’agissant de la visibilité sociale, voire historique, les parcours singuliers de quelques femmes en Islam qui ont marqué leur époque, comme Sémiramis, Zénobie ou Chadjar al-Durr, l’histoire en regorge. J’ai dû, sûrement, oublier l’immense majorité d’entre elles, parce que la femme, quelle que soit sa condition, exerce un pouvoir et une responsabilité. Par l’exemple, pour montrer les performances de la femme, dans l’ouvrage que j’ai publié, j’ai dressé le portrait de quelques femmes musulmanes qui ont vécu une vie extraordinaire dans des endroits très différents et qui ont eu une influence notable et positive sur leur communauté.
Elles se sont parfois battues contre les stéréotypes sur leur rôle dans la société et ont laissé leur marque dans l’histoire des nations. Sans être exhaustif, citons : la grande poétesse Al-Khansa, (péninsule Arabique) contemporaine de Mohamed. Bbien avant Djallal Eddine Rumi, Rabi’a Al-Adawiyya, une sainte femme qui vivait en ermite (Irak) est considérée comme la première soufie. Citons aussi la puissante Aroua bint Ahmad Al-Soulayhiyya, reine du Yémen ; Aïcha El Horra (La Libre), la mère du dernier souverain d’Al-Andalus Boabdil. Elle est un exemple de perspicacité faite femme. Je suis sûr que j’ai oublié d’autres autorités aussi importantes, Cléopâtre, Balkis ( reine de Saba) et tant d’autres
Les œuvres de l’esprit et l’apport éclatant de la femme
Dans l’ouvrage cité, nous avons montré à travers des exemples que le mythe de la supériorité de l’homme est une donnée structurelle qui a été mise en place sur la base d’une seul paramètre, celui de la force physique ; pourtant, dans les œuvres de l’esprit, la femme est aussi brillante et même certaines fois meilleure que l’homme. Sait-on que Enheduanna, fille du roi d’Ur, est la première auteure de la littérature universelle, ceci 1 500 ans avant Homère, il y a 2250 ans. Rien ne distingue les compétences potentielles de l’homme et de la femme ; et pourtant, des slogans comme « l’homme a un cerveau, la femme a une cervelle », ânonnés des millions de fois, ont fini par convaincre la femme qu’elle avait un plafond de verre qu’elle ne peut dépasser, pour ne pas dire qu’elle ne doit pas dépasser.
Dans le domaine de la science, le poids des préjugés venant de loin, à savoir un patriarcat et des récits religieux qui s’épaulent, a rendu la lutte de la femme pour la notoriété encore plus âpre et ceci quelle que soit sa latitude. Le nombre de 64 femmes nobélisées est à comparer aux 895 hommes récompensés. Des femmes ont été notablement lésées dans l’attribution des prix Nobel, générant parfois de grandes controverses lorsqu’elles ont été écartées. Mileva, l’épouse d’Albert Einstein, a été écartée du prix Nobel, laissant son mari recevoir seul le Nobel ! Chacun a aussi en tête le parcours d’une scientifique d’exception, la physicienne Marie Slodovska Curie qui a reçu deux prix Nobel. Elle reste la seule personne à avoir été récompensée dans deux domaines scientifiques distincts. le 1er mai 1906, elle devient la première femme professeure à La Sorbonne.
Dans le même ordre, on doit à Gladys West (née en 1930), mathématicienne descendante d’esclaves, l’invention du système de positionnement par satellite (GPS) Enfin, sans être exhaustif, citons l’Iranienne Maryam Mirzakhani, première femme dans le monde et musulmane médaillée du Fields Prix Nobel de mathématiques à moins de 40 ans !
Tout récemment, l’Algérie était à l’honneur grâce à la brillante astrophysicienne Nabila Aghanim, spécialiste de l’interprétation du rayonnement fossile, directrice de recherche au CNRS. Citons aussi Yasmine Belkaïd. Un parcours sans faute : un d’un DES en biologie à l’Institut de biologie de l’USTHB à une thèse en France et à une carrière aux États-Unis au NHI et retour triomphal en France pour occuper le poste de directrice générale de l’Institut Pasteur.
« Le 11 février 2023 se tenait la Journée internationale des femmes et des filles de science. Initiative des Nations Unies, elle a eu pour ambition de raviver le souvenir et d’encenser la place importante prise par certaines femmes dans l’histoire des sciences. Alors qu’aujourd’hui encore, à travers le monde, les femmes restent en retrait dans les domaines scientifiques en dépit de leurs brillants résultats. Ériger des modèles auxquels s’identifier reste une mission primordiale pour inspirer les générations de filles à venir. « Nous devons, écrit le SG de l’ONU, encourager les filles et les femmes à devenir des chercheuses et des innovatrices à part entière, et les soutenir dans leurs projets. »(5)
Les femmes et la conquête de l’espace
C’est un autre domaine conquis par la femme. En 1963, Valentina Terechkova est la première femme dans l’espace. Sabiha Gökçen, première pilote de chasse au monde (Turquie). Si les femmes occidentales sont nombreuses, l’implication des pays musulmans est récente. On sait que l’Égypte a envoyé une femme dans l’espace. La scientifique saoudienne Rayyanah Barnawi, 33 ans, est la première femme musulmane à voyager dans l’espace, et à rejoindre la Station spatiale internationale (SSI). L’Américo-Iranienne Anousheh Ansari est la première femme à travailler à la SSI. L’Émiratie ingénieure en mécanique Nora Al Matrooshi est la deuxième femme d’une nation arabe à voler dans l’espace.
« La Tunisie a signé avec Roscosmos, l’agence spatiale russe, un mémorandum. L’intention pour concrétiser la préparation et le lancement dans l’espace d’une femme cosmonaute (…) Pour ne pas lésiner sur l’aspect symbolique de cette opération, le président tunisien Kaïs Saïed lui-même aurait insisté pour que le candidat au voyage soit une femme. Une façon de présenter le pays sous un jour moderne, en rupture avec la réputation de la région. »(6)
L’écriture de l’Histoire du Maghreb au féminin entre déni et légende
Pour la sociologue marocaine Rajaa Berrada Fathi, la femme est la grande oubliée de la destinée humaine. D’une façon didactique et généreuse, elle fait l’inventaire connu de toutes nos références, en affirmant que la femme est la grande absente de la marche vers le progrès du Maghreb. Elle écrit :
« Le 26 août 1970, des groupes de femmes décident de déposer une gerbe sur la tombe non “du soldat inconnu” mais de la ‘’femme inconnue”, dénonçant le manque de reconnaissance vis-à-vis des femmes. Chaque fois que j’ouvre un livre d’histoire concernant le Maroc, l’Algérie et la Tunisie et souffle en moi la même envie de déposer à mon tour une gerbe sur la tombe de la femme maghrébine inconnue, ensevelie dans les plis et les replis de l’oubli et dans les affres du silence. Il faut signaler que les sources de l’Histoire sont établies, sélectionnées par les hommes qui n’ont pas fait de place aux femmes. Au contraire, ces sources les ont enfermées dans les récits et discours universels globalisants c’est-à-dire masculins. »(7)
Rajaa Berrada Fathi ajoute :
« Les femmes qui ont fait l’histoire du Maghreb sont assez nombreuses, depuis la princesse phénicienne Elysse, fondatrice de Carthage, aux femmes qui ont lutté dans les mouvements de libération nationale. Toutefois, il n’y a pas de traces d’elles dans les sources historiques, faites par des hommes. C’est la légende et le mythe qui comblent ce silence, comme c’est le cas de la Kahéna, la figure de la résistance maghrébine, revendiquée et évoquée au même titre que des auteurs marocains, algériens et tunisiens. C’est cette approche qui me guidera pour chercher les figures emblématiques de l’Histoire du Maghreb lors de la fondation de l’Ifriqiya et de l’État musulman, pour aborder l’histoire de la colonisation et de poursuivre ma quête dans la légende qui reprend à son compte les épopées de la littérature orale racontées par les femmes accordant une large place aux exploits féminins. »(7)
Les résilientes héroïnes du Roman National de l’Algérie
On sait que la femme est toujours au combat, c’est elle la première de cordée, c’est elle qui est toujours au front, quel qu’il soit. Dans cet ordre, j’ai tenu à citer dans l’ouvrage les héroïnes qui ont fait l’Algérie et plus largement le Maghreb depuis plus de 28 siècles. Qu’en est-il de la perception de la femme dans l’écrit historique d’aujourd’hui ? Les écrits ont consacré quelques figures de proue du passé comme la Kahina, Fatma Thazougarth, celle de Fadhma N’Summer en Algérie et de nombreuses autres battantes.
Il nous a paru important de citer quelques héroïnes qui sont consubstantielles du récit national de cette Algérie depuis plus de 25 siècles. Chacune, à sa façon, avait une idée généreuse de ce pays qu’il fallait défendre contre différents envahisseurs. Elles furent des exemples qui ont inspiré, bien plus tard, les battantes de la révolution de Novembre qui fut, de l’avis d’historiens, une aventure humaine qui a marqué le XXe siècle par l’âpreté des combats et de par la résistance du peuple algérien. La femme algérienne, qui fut de tous les combats multidimensionnels, s’illustra d’une façon magistrale durant la glorieuse lutte de libération. Rares sont les Algériennes qui n’ont pas été en contact avec la violence durant cette période. Nombreuses sont celles qui furent battues, violées, torturées, blessées ou tuées.
On ne cessera jamais de le répéter, l’homme ne rend pas justice à la femme malgré le fait qu’elle soit constamment la mère nourricière auprès de laquelle on se ressource. Dans cet ordre d’idées, l’hommage premier est à faire à la femme algérienne d’une façon franche et voter une bonne fois pour toutes pour l’égalité des statuts. L’hommage à la moudjahida qui prit les armes, mais aussi à la femme qui a vécu la guerre, qui a pu protéger sa famille des horreurs de la guerre. C’est aussi la femme qui participe après l’indépendance au développement du pays, ceci est décrit, sans que cela soit exhaustif.
Les risques de déconstruction de la « famille » par une science débridée
Un risque minimisé :
« L’humanité est en train de dériver et de disparaître avec la civilisation du bébé éprouvette où la dimension centrale du rôle fondamental de la femme comme donneuse de vie avec toute sa symbolique se perd. S’il faut se féliciter des avancées de la science concernant l’enfantement, il est un autre défi où cette même science sans fil rouge éthique risque de problématiser l’existence même de l’humanité. On parle de plus de génie génétique et de la possibilité de manipuler le génome — barrière ultime — pour arriver au bébé éprouvette parfait avec les gènes qu’il faut, sur commande. Sans parler des autres ‘’avancées’’. tel que par exemple l’utérus artificiel ui détricoera d’une façon inexorable les fondamentaux de l’humanité et de l’organisation sociale de la famille tel que nous l’avons connu depuis 10.000 ans » (8)
En conclusion
Le silence, l’ombre et l’insignifiance déterminent les traces des femmes dans le public comme dans le privé et démontrent les difficultés d’en constituer un récit mémoriel. L’écriture de l’histoire écrite par les hommes fut la seule rapportée dans le récit national. Ainsi, les femmes sont demeurées aussi invisibles dans cette écriture mémorielle. Nous devons réhabiliter sans arrière-pensée, sans condescendance, en toute humilité, cette Autre qui, sans elle, nous continuerons à avoir une vision hémiplégique du futur dans un monde qui ne fait pas de place aux faibles et aux sociétés qui s’amputent du réel apport de la femme pour survivre.
Plus que cela, le déni, la confiscation et la légende caractérisent l’attitude des historiens quant à la place accordée aux femmes dans les différents récits historiques. Je dirais que l’histoire a minimisé leurs apports. Plus pernicieux, le silence les a ensevelies et les a enveloppées dans un discours « langue de bois », sans lendemain, où le masculin reste le narrateur. Nous le voyons avec les mascarades des 8 Mars à travers le monde vus comme une solde de tout compte d’un jour. pour passer à autre chose le reste de l’année Qui peut écouter la détresse des femmes les autres trois cent soixante jours ? Qui peut reconnaître son immense apport et lui permettre de s’épanouir encore plus ?
En effet, la femme, à travers l’histoire, c’est aussi ce continuum de douleur. Les chants de douleur et de souffrance des femmes sont un exutoire qui renseignent, en creux, sur leur malvie sociale et sur leur peine en face d’évènements tragiques. La femme algérienne a pu traverser le temps et apporter sa contribution, certaines fois décisive, toujours dans l’anonymat, au Récit National dont elle est la colonne vertébrale. Pièce essentielle invisible mais indispensable en ce qu’il y a de meilleur, de plus précieux et de plus profond, a fait que la nation algérienne dans sa belle diversité a une dette envers l’Algérienne.
Dans ce cadre, si je puis me permettre de proposer une sorte de Youm el ‘ilm « Jour du Savoir » où la femme algérienne fêterait le 16 avril de chaque année son apport au pays par les réalisations multidimensionnelles prouvant, ce faisant, la pleine mesure de son talent . Talent qui sera graduellement connu et reconnu, pour qu’elle prenne enfin sa place, rien que sa place mais toute sa place, en participant à la gouvernance du pays. N’oublions pas que près de 60% des diplomés sont des filles qui ont de réels problèmes à la recherche d’emploi.
Je suis sûr que chaque Algérienne ou Algérien garde un souvenir de situation où c’est la maman, rabate el bayte, « la gardienne du Temple » qui était en première ligne et qui, avec sa force tranquille, a pu surmonter les écueils et être toujours première de cordée. Dieu sait que les situations difficiles étaient nombreuses de plus de vingt siècles et ont émaillé le vécu du peuple algérien qui a développé en son sein cette aptitude à résister aux épreuves de la vie, à ne pas se décourager, à ne pas se laisser abattre, à « rebondir ».
Cette faculté toujours recommencée à transcender, à vaincre des situations traumatiques a un nom. C’est la résilience ! C’est-à-dire la capacité à faire face à des situations difficiles. Ce sont donc des reconstructions permanentes en se dépassant de jour en jour, d’année en année, de siècle en siècle, pour être ce que nous sommes dans ce XXIe siècle de tous les dangers.
Que cent fleurs s’épanouissent pour la femme alma mater de l’aventure humaine ! Amen
Professeur Chems Eddine Chitour
Ecole Polytechnique Alger
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