Hommage à un bijoutier du son, créateur du Nagra... et de bien d’autres choses (III)
La fin des années 80 sonnent en fait le chant du cygne des magnétophones suisses. L'avènement de l'enregistrement numérique leur porte un coup terrible. Le Digital Audio Stationary Head (ou DASH) de Sony, sorti dès 1982, un magnétophone numérique à tête fixes (et non rotative comme pour le magnétoscope) avait été tout de suite accepté par Studer ou Tascam, mais Nagra l'avait snobé. Passé 1990 il convient de réagir, et c'est déjà trop tard : la firme est au bord de la faillite. Elle va heureusement réagir, grâce à l'aîné des fils, André Kudelski qui prend les rênes de l'entreprise en 1991. Avec lui, la firme de magnétophones va découvir un nouveau monde, guère plus sociable que le précédent : si le père travaillait avec un escadron d'agents de la CIA sur certains projets sensibles, le fils se retrouvera à gérer des hackers, censer tester les défenses que sa société aura mis en place. Guère plus réjouissant. Mais en même temps, la surprenante société, tout en se battant sur le terrain du numérique, effectuera un retour aux sources inattendu en lançant une gamme d'appareils nouveaux architecturés sur des lampes à tubes électroniques, une technologie sonore plus que centenaire(*)...
Passé 1985, l'entreprise ne se porte plus si bien. Son fils André Kudelski devient le PDG de l'entreprise en 1990 alors qu'elle est en plein marasme économique. "En 1990, lorsque André reprend l'entreprise familiale installée à Cheseaux-sur-Lausanne, près du lac Léman, elle est au bord de la faillite. Le jour même de son entrée en fonction, il doit licencier une cinquantaine de salariés" indique en 2007 Le Point. Son père a tardé à prendre le virage numérique. La période est difficile et père et fils s'opposent plutôt durement sur l'avenir de l'entreprise. Le fils est un passionné de nouvelles technologies, il a flairé quelques pistes qui laissent son père de marbre. Celui-ci choisit de se retirer. "Aujourd’hui, c’est mon fils qui s’occupe de cela. Il a fait que cette entreprise soit avant tout économiquement rentable, moi, j’étais déjà « vieux et idiot » pour certains. A vrai dire, j’étais un passionné de la technique. Je passais mon temps au laboratoire, j’avais un directeur qui s’occupait de la gestion. Je ne pouvais pas être à la fois au laboratoire et gérer une entreprise. J’ai donc délégué tout ce qui relevait de la gestion. Quand j’ai vu que cela ne marchait pas aussi bien que j’aurais voulu, j’ai essayé de reprendre la situation en main mais c’était trop tard : l’entreprise a fait faillite. Seule la famille Dassault nous a soutenus, c’est pour cela qu’ils sont des actionnaires importants chez nous". Laurent Dassault (petit-fils du constructeur) est entré effectivement au conseil d'administration de Nagra en 1995. On y trouve aussi Pierre Lescure, pour une raison qui coule de source avec ce que je vais vous expliquer plus loin.
Tout le monde attendait donc le polonais au sortir des années 80 : comment allait-t-il intéger le numérique dans sa gamme, se demandaient les utilisateurs de ses appareils. L'entreprise qui avait pris du retard, avait mis cependant tout le monde d'accord, en 1995, avec la sortie de l'Ares-C. Le sorcier suisse a encore frappé : l'engin enregistre sur une carte PCMCIA, à l'époque le moyen le plus simple d'échanger ou de lire des données numériques. Le support est apparu en 1989, signé par le consortium PCMCIA (pour Personal Computer Memory Card International Association). Fini les bandes, c'est une carte de crédit épaisse de 54 mm par 85 mm et 68 broches de contact appellée aussi PC Card 32-bits qui va contenir les interviews, désormais. Stefan Kudelski, qui faisait parfois venir des journalistes dans son usine pour prendre conseil, avait pour sûr écouté leur première doléance : "faites-nous un truc qui ne nous déboîte plus l'épaule". Résultat l'Ares-C fait 3 kgs seulement, et permet d'éditer sur place ses interviews, en pouvant contenir 80 min en mono (64 KB/S) sur une carte PCMCIA de 40Mo. Question alimentation, le bouzin fonctionne avec seulement quatre piles (alkaline) et tient... 12 heures avec (ou avec une batterie). Voilà qui change des précédents ! On peut même l'alimenter par un port USB d'ordinateur ! L'appareil se vend (cher) et plutôt bien, la côte de confiance boursière remonte un peu. A Radio-France, comme ici sur la photo à Radio France Bleu Nord, on s'en est équipé en remplacement des Nagra IV E.
Tout a été balayé en fort peu de temps. Un preneur de son résume parfaitement la situation en 2004, bien après l'apparition du numérique : "j'utilise un Nagra IV-S depuis 10 ans (nota : il était sorti en 1971... et est visible ici ouvert à gauche) pour tous les tournages en pellicule et j'en suis ravi, en sachant que je travaille très souvent "à l'ancienne" (ç-à-d sans micros hf) et cela me permet d'être au plus près de la face. La qualité de l'electronique est telle qu'on a pas besoin de preampis micros externes c'est donc, à mon avis, la solution la plus legère. Cependant 2 problèmes :
-les bandes, qui commencent à être difficile à trouver EMTEC/BASF ayant fait faillite (**), il faut se rabattre sur de la Quantegy américaine (en gallette de 26cm) et garder un Revox pour bobiner soit meme les bobines de 13cm.
-Il faut aussi repiquer les bandes (sur CD-ROM par ex). Cela fait un cout que les prods ne veulent pas toujours admettre.
Enfin, presque plus personne ne tourne au Nagra (nous ne serions plus que 4 ou 5 d'après serge de DCA). Bref le Nagra IV-S devient , hélas, une machine de musée." Les appareils mythiques ont été... balayés par la déferlante numérique ! En dix ans, ils ont été mis au rencart ! "L'obsolescence non programmée" des Nagra aura été leur pire ennemi, raconte non sans humour Christian Denisart.
Avec le numérique le monde sonore a effectivement changé, en profondeur, et la firme Kudelski aussi, obligatoirement : en 1986 elle a été introduite en bourse, et trois ans plus tard elle signe un énorme contrat avec le groupe Canal Plus pour créer des décodeurs encryptés de la firme. En 1984, le choix du système Philips Discret 1 d'encodage s'étant montré bien trop facile à craquer (un magazine français, Radio-Plans, en donnera la méthode avant de se faire inrerdire en kiosque !.Deux ans plus tard, en 1988, elle en a vendu 2 millions d'exemplaires : par rapport aux nombre de magnétophones jamais vendu, ça n'a plus rien à voir et la société suisse a donc fait un pari délicat qui semble avoir réussi. Car c'est un tout autre marché qui va sauver véritablement l'entreprise comme l'explique Stefan Kudelski en personne, qui explique ici les difficultés à changer les mentalités au sein de sa propre entreprise : "Au début, Nagra était une entreprise dédiée entièrement à la fabrication de magnétophones. Cependant, j’ai toujours eu des projets sur le feu, même si je ne devais jamais les exploiter, des projets dans le tiroir, je les appelais des « produits de secours ».
L’un d’entre eux était un système de cryptage pour la télévision à péage. A cette époque, mon fils André avait obtenu son diplôme d’ingénieur et je voulais l’engager dans l’entreprise, c’était naturel. Or, mes cadres ont essayé de l’en empêcher en disant qu’il n’y avait pas d’argent pour créer de nouveaux postes. J’ai cherché alors de l’argent pour développer l’entreprise dans le domaine du système de cryptage à péage et j’ai pu ainsi incorporer mon fils dans l’entreprise." En fait, est créé Nagravision, une filiale spécialisée qui va plutôt bien s'en sortir. Mais après une période délicate de conflit entre le père et le fils, les deux n'ayant pas du tout la même vision de l'avenir. A la télévision, André, le fils doué, explique tranquillement parle du "doute constructif " ou "de se remettre en question pour essayer de faire mieux", comme quoi "rien n'est jamais acquis"... un discours rappelant son conflit personnel avec son père et la transition difficile qu'il doit assumer. André est en fait à l'origine du programme Syster appellé G1, choisi en 1991 par Canal Plus. Il faudra attendre 7 ans pour qu'un crack du code paraisse, appelé "NagraDec83" ; soit capable de contrer le code de Nagravision. 1991, une année cruciale dans le domaine de l'encryptage... en Suisse.
Car André est lui aussi un visionnaire pour son époque (ce qu'à fini par admettre le père !), et il a compris que le numérique peut devenir la nouvelle poule aux œufs d'or, à condition surtour de le diversifier et de ne pas refaire le même marché de niche au même endroit. C'est pourquoi il a décidé d'éclater la société en pôles différents. La division "Accès Public" ne s'occupe que de produits simples, ceux des cartes à puces pour les remontées mécaniques, hôpitaux ou entreprises. Une division effficace, à voir ici à gauche son usage dans une remontée mécanique située en Corée du Sud, à Kangwon Land... La division au dessus se charge des boîtiers de cryptage, qui nécessitent plus de compétences techniques ou de savoir. Cela semble d'ailleurs être une spécialité... suisse. Le pays s'étant occupé tôt du domaine en s'équipant de lois adhoc. Une loi fédérale, en effet, en date du 21 juin 1991 autorise en effet l'usage du cryptage de données, soumises "soumis à aucune limitation".
Elle favorise la Protection des Données (LPD) en indiquant que "les données personnelles sensibles doivent être protégées par des mesures techniques adaptées" et que la cryptographie en est une, justement. Question stratégie pure, le fils a d'abord décidé d'attaquer le marché américain avant l'européen : c'est très risqué, mais il vise le volume avant tout, et l'histoire va lui donner raison. Non sans difficultés. Le monde du cryptage est le même que celui des antivirus : ils entretriennent des relations contre nature avec les hackers, qu'ils poussent en avant (chez l'adversaire) pour garder une hégémonie sur leurs produits les plus rentables. A noter que comme support, pour la cryptographie, la firme utilisera elle aussi la carte PCMCIA pour la mise à jour de ses décodeurs (ou une carte à puce, autre production Nagravision :
nous sommes sur l'exploitation des retombées des recherches menées sur les magnétophones numériques !). Une carte à puce à clavier, proposée par "NagraID Security", "une société du Groupe Kudelski" apprend-t-on en 2010. Sous la houlette du fils, le "groupe" Nagra n'a cessé de créer des subdivisons spécalisées. En cloisonnant chaque activité, les métiers respectifs étant devenus trop différents pour que tout se passe désormais dans le même hangar...
A l'aube de l'an 2000, les résultats du fils sont pourtant indéniables : "En l’espace de dix ans, le Groupe Kudelski a multiplié par plus de quinze son chiffre d’affaires, avec une rentabilité en amélioration constante" peut-on lire dans son rapport annuel". Nagra est une firme qui a pourtant profondément changé : "En ce qui concerne le métier d’abord. De fabricant d’enregistreurs professionnels opérant dans un marché de niche, Kudelski est devenu un acteur de premier plan dans le domaine global de la télévision du futur et de l’Internet à large bande. En matière de structure financière également : la société familiale allant vers un endettement croissant s’est transformée en un groupe économiquement solide, coté au SMI, indice des « blue chips » de la bourse suisse Dans ce contexte, le Groupe Kudelski a fait le choix d’un positionnement stratégique, en s’intéressant d’abord au marché nord américain pour mieux revenir sur son terrain naturel qu’est l’Europe. En 1996, Nagravision était considérée comme exclusivement active en Amérique du Nord pour la télévision numérique. En 2000, c’est l’Europe qui est clairement en première position." Quatre ans plus tard, en 2004 encore, la restructuration décidée par le fils portait toujours ses fruits : la firme affiche cette année-là les meilleurs résultats de son histoire, son chiffre d'affaires ayant augmenté de 50% depuis 2003 : après Canal Plus, la firme vient alors de signer N9uf Telecom (France), Telenet (Belge) et le portugais TV Cabo. Sur la lancée, Nagravision se lance dans de nouvelles cartes à puces... à clavier. Pour ne pas se faire distancer par la concurrence. "En début d’année 2007, INDI, la plate-forme de télévision numérique des quatre câblo-opérateurs flamands (Interlectra, Integan, PBE and WVEM) a choisi Nagravision pour contrôler l’accès à ses services et lancer des chaînes interactives en haute définition et des services DVR. INDI dessert un tiers du marché flamand, soit 800 000 foyers en Belgique."
Cela n'a pas été sans déboires. Le système de cryptage originel de Nagravision sera au tout tout utiliisé par l’opérateur espagnol Digital+ et le Polonais Cyfra, en version 3 avant de se faire vite pirater par des hackers dans les années 90. Cyfra sera la seule à échapper à la crise de 2003 de Canal, pourtant. Mais Nagra va rebondir par un achat judicieux : celui du procédé Mediaguard, développé lepar la SECA (Société Européenne de Contrôle d'Accès), rebaptisée lors de son rachat par le groupe Thomson "Canal + Technologies SA" (Thomson étant dans le groupe Canal), avant d'être divisée elle-même en deux sociétés par Thomson en 2003, le Mediaguard étant vendu à Nagra France (l'autre procédé baptisé MediaHighway étant vendu à NDS France). Mediagard est aujourd'hui utilisé en Europe, au Moyen-Orient et en Asie. Ainsi, Nagravision a rejoint les deux plus gros systèmes de cryptage parmi les plus répandus chez les opérateurs mondiaux que sont Viaccess et Irdeto. Le hic étant lors de la vente de Thomson... les heurts avec... le tycoon vindicatif Ruppert Murdoch. : "Jean-René Fourtou estime que Canal + Technologies sera plus utile vendue. Dès sa mise sur le marché, en juillet, Rupert Murdoch fait part de son intérêt. Seulement, à Canal + Technologies, on grogne. Vendre au magnat australo-américain, ça signifie que cette belle technologie française va partir à l'étranger. Et, surtout, Murdoch possède déjà son propre logiciel de télévision à péage, NDS. Etre avalé par l'éternel rival, ce n'est jamais agréable... Confidentiel. Pour ne rien arranger, en mars, Canal + a déposé une plainte contre NDS, qu'elle accuse de piratage à l'échelle mondiale. La société de Murdoch aurait extrait le code confidentiel des cartes à puce utilisées par les décodeurs numériques de Canal + et l'aurait transmis à un site web fréquenté par des pirates, qui ont inondé le marché de fausses cartes..." précise Libération, qui rappelle ici dès 2002 que Nagravision va hériter de ce conflit ouvert qui va le mener loin.
Car en 2006, dans son rapport annuel ; on avait pu lire en effet que la lutte contre le piratage était bien au cœur de la stratégie du groupe suisse : "en complément de l’offre de sécurisation des décodeurs assumée par une carte à puce ou par un module de sécurité, le Groupe Kudelski a mis au point une série de technologies intégrées aux décodeurs qui améliorent fondamentalement le niveau de protection contre différentes formes de piratage. Devenant avec le temps des produits de grande consommation, les décodeurs ne répondent plus forcément de manière exhaustive aux mêmes normes sécuritaires que par le passé et les spécifications de Nagra, spécialement adaptées à ces nouveaux marchés, permettent de rétablir un équilibre sécuritaire optimal."
L'intégration dans le groupe d'Abiiis en 2005 ajoute un plus à cette idée : l'idée étant de viser la téléphonie ou les futurs capteurs mobiles de télévision : "Entrée dans le Groupe en 2005, Abilis Systems enrichit les compétences du Groupe Kudelski en télévision mobile. La société est spécialisée dans la conception et le design de puces de technologie inférieure à 90 nanomètres et à basse consommation, particulièrement adaptées aux appa- reils portables, et en particulier aux téléphones mobiles, mais aussi aux baladeurs numériques vidéo, aux lecteurs DVD portables et aux ordinateurs portables. Abilis Systems est la première société sans usine de fabrication à proposer une solution de TV numérique mobile en une seule puce, intégrant à la fois le tuner et le démodulateur. En juillet 2006, Abilis Systems a annoncé un accord de fabrication de ses puces avec IBM Microelectronics, garantissant qualité, volumes et continuité d’approvisionnement. Par ailleurs, en début d’année 2007, Abilis Systems a conclu un partenariat avec CyberLink Corp., un leader de solutions numériques, pour le développement conjoint d’une solution complète et sécurisée de télévision sur mobile qui intègre le système d’accès conditionnel Nagra Mobile". L'autre axe majeur à développer étant le cryptage en l’IPTV (Internet Protocol Television – télévision sur Internet)"En Allemagne, HanseNet, une filiale de Telecom Italia et l’un des opérateurs télécoms en plus forte croissance en Allemagne, a choisi Nagravision pour sécuriser « Alice », son bouquet de télévision numérique payante sur réseau à large bande ainsi que son offre de vidéo à la demande" (...) Aux Etats-Unis, le Groupe a signé un nouveau contrat avec IPTV Americas (télévision par câble) pour le lancement du premier service IPTV sur MPEG-4 AVC d’Amérique Latine. Comme le dit en interview son pédégé, pour Nagravision, c'est " l’émergence de la télévision numérique de masse à accès contrôlé"... qui arrive.
Mais comme on l'a vu, les deux groupes qui s'opposent juridiquement en direct, à partir de 2000 c'est en fait Kudelski et NDS, filiale de News Corp de Rupert Murdoch (un sacré client, donc, qui s'est beaucoup démené pour se rendre invisible, ou nier toute tentative de destabilisation alors qu'en mêrme temps il était mêlé à un scandale d'écoutes téléphoniques d'une ampleur sans égale, puisque devenue le "Rupertgate") devenus à ce moment là les deux premiers fabricants au monde de systèmes de protection de contenus. Kudelski fourni Echostar aux USA, qui se retrouve accusée d'avoir piraté NDS, alors que DirecTV, le grand concurrent d'Echostar, avait été largement piraté dans les années 90 par des hackers canadiens sans qu'on n'en ai jamais découvert les responsables. Dans ce monde glauque de hackers, la presse comme le grand public avait découvert avec étonnement que le responsable des attaques n'était autre que "David Rossi, le secrétaire général de l'Association européenne de lutte contre le piratage et par ailleurs consultant pour NDS. Selon l'acte d'accusation rédigé par le juge italien Vincenzo Panebianco, David Rossi aurait « financé, contrôlé et offert une couverture » à ces pirates italiens, et ce « dans l'intérêt exclusif de la société NDS ». Un procès phare était devenu inévitable.Il se tiendra en 2008 et révélera le côté obscur des contrats de cryptage, clés de la réussite ou de l'échec des chaînes payantes. Ce procès, sans clore le débat sera symptomatique de l'ambiance de ces dernières années dans le monde télévisuel de conquête sans merci de marchés juteux.
Le procés révélera des procédés assez peu recommandables .. chez tous les participants (y compris chez Kudelski) . : "plus troublant encore est l'absence d'un témoin de tout premier ordre - pourtant proche de Kudelski - dont les révélations auraient pu s'avérer de la plus haute importance pour étayer les accusations d'Echostar et du groupe vaudois. Il s'agit du hacker allemand Oliver Kömmerling, embauché en 1997 par NDS pour diriger un laboratoire secret à Haïfa, en Israël, où ont été cassées les protections de la chaîne Canal+, puis celles d'Echostar. Ce dernier aurait remis les codes à un autre pirate employé par NDS, Christopher Tarnovsky, qui les aurait à son tour publiés sur le site dr7.com, sous le pseudonyme de Nipper2000. Oliver Kömmerling avait retourné sa veste en 2002 en témoignant contre NDS lors du procès initié, puis abandonné, par le groupe français. Depuis lors, cet allemand de 39 ans est employé par une filiale de Canal+, la société CK2, basée à Sophia-Antipolis. CK2 est chargée de veiller à l'intégrité du système Mediaguard, racheté en 2003 par Kudelski.
Selon une source proche de l'enquête, Kudelski couvrirait une partie des frais de fonctionnement de CK2 via une filiale aux îles Cayman". La firme suisse se retrouvait accusée d'héberger des hackers censés "protéger" son système de cryptage ! Avec Tarnosky, il est vrai que l'on avait à faire à un sérieux candidat...
Dans un premier temps, Kudelski perdra son procès en 2008 et son action descendra aussitôt en Bourse de 50%. Mais en procès d'appel en 2010, Kudelski ne gagnera pas davantage... mais ne perdra pas non plus cette fois-là : "le jury de la Cour fédérale californienne a certes accordé moins de 2000 dollars de dédommagements aux plaignants, qui demandaient un milliard. Mais les frais de justice - plus de 20 millions - sont portés à la charge de News Digital Systems (NDS)". Le jury avait donc bien reconnu le piratage. En 2006, Nagravision avait déjà dû intenter un autre procès à Thomas Roddy, un irlandais de Ballaghaderreen qui distribuait des décodeurs déplombés (surnommés "doggy boxes" ou "coffrets cadeaux"). L'homme avait été arrêté lors de "l'opération " Gaelic" menée secrètement a révélé l’existence d’un vaste réseau de distribution décodeurs numériques illégaux et la diffusion de codes logiciels donnant accès gratuitement à des chaînes de télévision payante". Lors du procès NDS aux USA, on avait parlé de distribution d'un véritable « manduel de piratage » par NDS. Le jeu du chat et de la souris des encrypteurs et des hackers vaut en effet des millions, sinon des milliards. Le tout sans que les consommateurs n'en soient réellement informés : en 2008, Canal avait en effet bel et bien dû faire changer "discrètement" ses cartes d'encryptage, en France. Un bref communiqué avait annoncé à ses clients "que le groupe Canal+adopte la toute dernière version du Nagravision" alors que celui-ci est déjà utilisé avec le système « Merlin » qui est "une encapsulation du Mediaguard dans un cryptage Nagravision", assurait un site critique. Le groupe Kudelski sans reconnaître le hacking possible avait alors expliqué que « la sécurité est une cible mouvante. Nous avons investi massivement afin d'être en première position pour mieux protéger le contenu et les revenus de nos clients. Ce travail concerne les cartes à puce, les applications interactives ainsi que les modules de gestion de l'information et de gestion des abonnés. Le système d'accès conditionnel actuellement en place chez CANAL+, installé il y a six ans, est toujours intact. Cependant, le déploiement de ces nouvelles versions va renforcer la sécurité du système de manière proactive pour le futur ». Le marché nouveau déniché par le fils rapporte beaucoup plus, certes, mais il ramène également beaucoup plus d'ennuis à la clé !!!
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Et comme chez Nagra on se souvient toujours de ce qu'on a fait, en 2009, sort le Nagra LB , annoncé comme le successeur de l'Ares-C et de l'Ares-BB. C'est un engin deux pistes destiné avant tour aux journalistes, car il reprend la taille plus compacte de l'Ares-BB. D'une solidité à toute épreuve avec sa coque en aluminium, doté de mémoire interne de deux gigaoctets et d'un grand écran, c'est avant tout un très grand... communicant, grâce à Ethernet, le Bluetooth, et l'USB qui l'équipent en standard. Une platine de montage est disposée sur la face supérieure permettant d'éditet la carte Compact Flash. Sur la façade, tout le monde remarque à droite le retour de la commande rotative mécanique, devenue au fil du temps le véritable emblème de la division son... preuve de l'intérêt renaissant pour la filière, (ou de la désafection de la clientèle pour les innovations dans le domaine ?), Nagra se subdivise à nouveau pour créer "Audio Technology Switzerland",
qui va se recentrer sur les produits dédiés au seul son. Une séparation nécessaire : en 2007, ses enregistreurs ne représentaient déjà plus plus que 6 % de l'activité de la société.
Le pari est en effet loin d'être gagné. En 2011, hélas, les affaires de l'entreprise suisse sont à nouveau en zone de perturbation. En octobre, Kudelski annonce la suppression de 270 emplois sur 3000 dans le monde, tous situés en Suisse. La firme, côtée en Bourse, est handicapée par un euro fort : la firme réalise rentre 40% et 50% environ de ses revenus en euros et en dollars, alors que plus de la moitié de ses charges sont en francs suisses, dont la parité n'est pas en faveur de la firme suisse. En 2012, il y avait eu un léger mieux. Mais l'annonce du mariage de Cisco avec NDS en mai avait refroidit les ardeurs d'André Kudelski, qui table désormais sur les procédés d'encryptage au sein même de chaque famillle individuelle (la WIFI rendant l'accessibilité partout dans la maison). L'enjeu étant aussi le marché des décodeurs pour la télévision par câble aux USA, où règnent toujours en maître... Cisco et Motorola. L'annonce de Google de s'attaquer au marché a fait naître de bons espoirs de s'insérer dans le jeu. Kudelski ira-t-il proposer ses services au géant US (ci-dessous le Nagra VI) ?
Avant de mourir, le père du Nagra avait flairé un autre marché dont l'aspect crucial ne fera que se renforcer : celui de la pérennisation des supports, un problème déjà rencontré jadis avec la démagnétisation progressive des bandes enregistrées. On pensait que le numérique avait tout résolu : loin s'en faut. Les DVDs ne tiendront pas longtemps encore, les supports disque dur ou RAM non plus (cela dépendra aussi de leurs lecteurs !). Stefan Kudelski proposait de s'intéresser à d'autres matériaux tels que les céramiques, pour assurer la conservation des données dans les siècles à venir. "Tout ce qu’on voit dans ces films a déjà été vu sur des copies d’autres films ! Aujourd’hui, il n’existe pas un support informatique fait pour la durée, c’est un problème un peu philosophique. Actuellement, ce sont les Japonais qui dominent ce secteur.
Mais la philosophie japonaise n’est pas de sauvegarder de vieux documents. Ils sont pour reconstruire des temples identiques aux précédents, mais ils n’ont pas la préoccupation que nous avons de la préservation de l’objet ancien. La céramique est un matériau durable. Nous avons de la céramique datant du Xe siècle avant notre ère qui est restée en relativement bon état. Même les plaques de la Mésopotamie, ces tablettes de textes cunéiformes qui datent du IVe siècle avant J. C. sont arrivées à traverser le temps. Les tablettes, une fois gravées, étaient cuites au four et l’argile devenue céramique a été conservée pendant des millénaires dans la terre des sites archéologiques du Proche-Orient. C’est un trésor inestimable : des archives administratives et des bibliothèques entières nous ont transmis un tableau vivant et détaillé des événements historiques et politiques, de l’organisation sociale et économique, de la mythologie et de la religion des peuples de Mésopotamie. On a trouvé toute l’histoire du déluge par exemple, mais écrite mille ans avant celle de la Bible : ça veut dire qu’il y a quand même du plagiat dans l’air !… La partie la plus poétique de l’Ancien Testament vient de là. J’étais triste de voir qu’il y a des monuments artistiques que nous ne savons pas préserver" . L'homme, avant de disparaître, nous a donc mis en garde sur la protection des données... dans le futur : "l’idée, c’était de mettre à disposition la technologie que nous avions, pour leur préservation. Il y a eu pas mal de discussions autour de cette question avec la Cinémathèque suisse, mais je me suis aperçu que le pouvoir politique utilisait cet aspect des choses pour des carrières personnelles et non pour sauver des films. Beaucoup de gens se sont donnés de la peine pour préserver les traces de vie de notre civilisation, dont les films font partie. La conservation des films est très importante, et c’est vrai qu’avec le numérique, on peut refaire des copies sans perte, mais il faudrait le faire périodiquement."
Stefan Kudelsi sera resté visionnaire jusqu'au bout : ce qu'il a dénoncé est un enjeu majeur pour les années à venir soulignent des chercheurs des Académies des sciences et des technologies : "photos de famille, vidéos de vacances, documents personnels stockés sur disque dur, CD ou DVD sont les principaux éléments exposés au risque de pertes de données. Les disques enregistrables, qu'il s'agisse du CD, apparu dans les années 1980, ou le DVD-R, massivement utilisé à partir de 2004, "se dégradent constamment, même s'ils ne sont pas utilisés", prévient en effet le rapport. Pour les chercheurs, les nouveaux formats, tels que les disques Blu-Ray, ne garantiraient pas non plus une meilleure durée de vie".
Parti du son, Nagra est aussi revenu au son comme on vient de le voir. C'est l'Illustré On Line qui a trouvé la conclusion qui s'impose : "Stefan Kudelski s’en est allé. Celui qui avait ouvert les oreilles de tous aux bruits du monde doit s’affairer là-haut à trouver un moyen d’enregistrer les anges". Un moyen pérenne, serait-on tenté d'ajouter, à avoir rejoint l'éternité.
(*) inventée par Lee de Forest : "En 1907, en insérant une grille entre l'anode et la cathode d'une lampe diode, il invente la première triode nommée l'audion, un tube à vide capable de provoquer l'amplification d'un signal électrique." Il a aussi conçu un système de reproduction du son sur la bande même du film appelé Phonofilm. C'est RCA qui avait racheté sa société en 1931.
(**) "Janvier 2003 : La filiale EMTEC Magnetics GmbH dépose le bilan en Allemagne."
SOURCES DIVERSES :
format des bandes et vitesse de défilement ici :
http://restauration-sonore.over-blog.com/pages/Les_bandes_magnetiques-3409745.html
pour la vidéo un superbe musée virtuel ici :
http://videopreservation.conservation-us.org/museum/
une superbe visiite de l'usine Kudelski ici :
http://www.6moons.com/industryfeatures/roadtournagra/1.html
une belle démo ici du rôle du cabestan :
http://www.youtube.com/watch?v=155ow-iLV9g
une brochure Nagra revisitant les débuts de la firme :
un superbe guide d'utilisation du Nagra IV ici :
http://www.videoeditsystems.com/358_CTVA/NagraGuide2003.pdf
Autre superbe document ici :
http://www.amps.net/newsletters/Newsletters_PDF/34_Summer_2000.pdf
le site Nagra, plein d'humour avec ses boutons mythiques à tourner...
http://www.nagraaudio.com/index.php
une très bonne interview d'André Kudelski sur le nouveau positionnement de la société ici :
http://www.rts.ch/archives/tv/culture/grands-entretiens/3445879-andre-kudelski.html
un bon reportage ici : à 5 minutes du début vous avez une leçon de montage en voiture :
http://www.dailymotion.com/video/xsk70m_le-nagra_shortfilms?start=27#.URQs3Y6v2rM
un document sorti pour les 50 ans, avec pas mal d'indications historiques reprises ici :
un détournement "ipodesque" d'un Nagra (admirez l'écho fait avec une boucle de bande !) :
http://www.youtube.com/watch?feature=player_embedded&v=VYhiZfsN_7g
un podcast superbe sur le Nagra :
http://www.rtbf.be/radio/podcast/player?id=1795987&channel=lapremiere
formats informatiques
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