Hommage à Whitney Houston : mort d’une diva sans plus de « bodyguard »

Le plus expérimenté et dévoué des « Bodyguard », pour reprendre le titre du film qui l’a rendit mondialement célèbre, n’aurait apparemment pas suffi à Whitney Houston, l’une des plus belles voix de la « pop » américaine, pour la sauver de cette tragique mort où vient de la mener inexorablement, ce 11 février 2012, une déchéance rarement atteinte parmi les vedettes d’Hollywood, pourtant souvent habituées aux excès en tous genres, dont de fortes consommations, parfois fatales hélas, en médicaments, drogues et alcool.
Ainsi donc l’éblouissante mais fragile interprète de ce tube planétaire que fut, en 1992, « I Will Always Love You », chanson phare du film précité, vient-elle elle aussi, après Michael Jackson en 2009 et Amy Winehouse en 2011, de rejoindre, dans le sillage de Marylin Monroe ou Elvis Presley il y a quelques années, ce fatidique firmament des stars précocement disparues.
A cette paradoxale, et parfois dramatiquement irrésistible, ascension vers cet enfer étoilé, le génial Oscar Wilde lui-même, flamboyant dandy tout autant que poète maudit, ne savait donner, lui qu’une tout aussi mortelle décadence allait emporter presqu’au même âge (46 ans) que la grande Whitney Houston (48 ans) et dans la même cruelle solitude qu’une anonyme chambre d’hôtel, une explication satisfaisante pour les lumières de la raison : « Némésis m’a pris dans sa nasse : lutter serait stupide. Pourquoi chacun court-il à sa ruine ? Pourquoi la destruction exerce-t-elle cette fascination ? Pourquoi, lorsqu’on se tient sur un pinacle, doit-on se jeter en bas ? Nul ne le sait, mais c’est ainsi. », confia-t-il dans une lettre, datée du 4 août 1897, qu’il adressa, un jour de particulière détresse, à son ami Carlos Blacker.
Et, en ce mot frappé au coin de la plus humble mais « spleenétique » des résignations, d’ajouter aussitôt, toujours empli de la même impuissante, et d’autant plus douloureuse, lucidité : « Mais c’est normal : les dieux tiennent le monde sur leurs genoux. Je suis fait pour la destruction. Dans mon berceau, ce sont les Parques qui m’ont bercé. Dans la fange seulement je peux trouver la paix. »
Car comment se battre en effet, et prétendre vaincre surtout, ce qu’une certaine manière de concevoir l’existence humaine nomme, depuis la naissance de la tragédie grecque jusqu’aux deuils du romantisme noir, le « destin », ce suprême alibi métaphysico-théologique souvent, à en croire Schopenhauer puis Nietzsche, du nihilisme en ce qu’il a de plus désespéré ?
Mais trêve de spéculations philosophico-littéraires ! Car c’est tout d’abord, et plus simplement, l’une des dernières divas de la variété américaine - celle qui avait su tisser, sur le plan des voix féminines, un subtil mais insécable fil d’Ariane entre la tradition de la « soul music » (Aretha Franklin, Dionne Warwick…) et la modernité du « rythm and blues » (jusqu’au « R’n’B » de Mariah Carey, Rihanna, Beyoncé…), sans oublier un zeste de « gospel jazzy » (Ella Fitzgerald, Sarah Vaughan…) - qui vient de disparaître, de manière aussi impromptue et pourtant si prévisible, avec Whitney Houston, immortelle, déjà, à sa folle mais séduisante façon.
DANIEL SALVATORE SCHIFFER*
*Philosophe, auteur de « Oscar Wilde » (Folio-Biographies) et « Le Dandysme - La création de soi » (François Bourin Editeur).
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