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Hongrie : Orbán peut-il être battu en 2022 ?

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En Hongrie, comme en France, on votera en avril 2022. Dans les médias d’opposition à Budapest, tout comme dans la plupart des grands médias occidentaux, on envisage avec gourmandise l’hypothèse d’une défaite du parti FIDESZ d’Orbán aux élections législatives d’avril prochain.

La Hongrie possède un régime parlementaire avec une seule chambre dont les 199 députés sont élus pour partie (93) à la proportionnelle et pour le reste dans 106 circonscriptions électorales au scrutin majoritaire à un seul tour. Ce système permet d’une part au parti le plus puissant d’obtenir une majorité et d’autre part aux partis d’opposition d’avoir des groupes parlementaires non négligeables.

C’est ainsi qu’en 2014 puis en 2018, avec environ 45 % des voix, le FIDESZ a pu obtenir une majorité des deux tiers au Parlement face à une opposition divisée battue dans la plupart des circonscriptions électorales. Ce fut aussi le cas en 2010 mais avec un système électoral légèrement différent.

 

Après plus de 10 années aux commandes le parti d’Orbán n’a subi aucune érosion. Aux élections européennes de 2019 il a même atteint 51,5 % des suffrages. En premier lieu le FIDESZ a su redresser économiquement le pays qui était en faillite en 2008 sous le dernier gouvernement socialiste. Le taux de chômage est faible et les salaires augmentent (près de 20 % d’augmentation du minimum au 1er janvier dernier)

Mais il n’y a pas que l’économie qui intéresse les électeurs. Ils sont très sensibles à l’action du gouvernement Orbán domaine sociétal avec son opposition catégorique à l’immigration musulmane, sa volonté de préserver les racines chrétiennes de la Hongrie, son refus des délires progressistes, tels que le mariage homosexuel, la propagande LGBT dans les écoles, l’épuration des programmes scolaires en histoire ou littérature, ou encore la détestation de la race blanche.

Le FIDESZ a aussi su mener une politique familiale ambitieuse, surtout ces dernières années, avec de nombreuses aides (prêts avantageux et aides non remboursables) accordées aux couples qui se marient et ont des enfants ou envisagent d’en avoir aussi bien pour l’acquisition d’un logement que d’une voiture. C’est ainsi qu’en 2021 la Hongrie a enregistré son taux de natalité le plus élevé depuis 27 ans. Ce taux qui était tombé à 1,25 en 2010 est maintenant remonté à 1,59. La procréation plutôt que l’immigration.

 

Un peu plus d’un an avant les élections législatives de 2018 l'ancien premier ministre socialiste Medgyessy Péter avait lancé l’idée de conclure un accord entre les socialistes et le parti d’extrême-droite Jobbik afin de battre Orbán. Medgyessy, un parfait francophone, qui fut ministre à la fin de l'ère Kádár puis responsable de Paribas-Hongrie après le changement de régime, conduisit le gouvernement socialiste de 2002 à 2004 avant d'être écarté par le jeune loup du nom de Gyurcsány, devenu aujourd’hui le ponte de l’opposition. L'intelligentsia socialisante et immigrationniste s’était étranglée d'indignation tandis que le chef du Jobbik avait répondu par la négative.

Cependant le 25 février 2018 lors d’une élection partielle dans une petite ville su sud de la Hongrie Márki-Zay Péter, un conservateur indépendant soutenu par toutes les forces de l’opposition des socialistes à l’extrême-droite, est élu maire dans un bastion du FIDESZ. Dès le lendemain des voix se font entendre dans les différents partis pour prôner l’union de tous les partis d’opposition lors des législatives prévues le 8 avril suivant. Le Jobbik réagit aussitôt en déclarant qu’il n’accepterait un accord qu’avec les partis du XXIe siècle, c’est-à-dire les écolos-conservateurs du LMP et le mouvement libéral-libertaire Momentum. Quand à la coalition démocratique de Gyurcsány, elle refuse toute alliance avec l’extrême-droite. Et en avril 2018, avec 45 % des voix, le FIDESZ remporte une majorité des deux-tiers au Parlement.

 

Au lendemain des élections législatives qui lui accordent quand même 19 % des voix le président du Jobbik démissionne. Lors d’un congrès extraordinaire pour désigner un nouveau président le leader des radicaux est battu de justesse. Il quittera le Jobbik avec ses sympathisants pour former un nouveau parti. Le Jobbik ainsi dédiabolisé s’effondrera à 6 % lors des élections européennes de 2019. La gauche estimera alors que le Jobbik épuré de ses éléments radicaux et électoralement affaibli devenait fréquentable.

C’est ainsi que des alliances regroupant les différents partis d’opposition, des socialistes à l’ancienne extrême-droite, se constituent à l’occasion des élections municipales de 2019 pour tenter de détrôner le FIDESZ qui est aux manettes de 20 des 23 plus grandes villes du pays. En effet le maire et les conseillers municipaux (en fait des conseillers de secteur) sont élus au scrutin uninominal à un seul tour donc l’union est nécessaire. Cette stratégie permet de gagner 7 grandes villes dont la capitale Budapest.

 

On se met alors à rêver de déboulonner Orbán lors des élections suivantes, les législatives de 2022. C’est ainsi que les six principaux partis d’opposition, le parti socialiste MSZP, la coalition démocratique DK de l’ancien premier ministre socialiste Gyurcsány, le minuscule parti écolo de gauche Párbeszéd du maire de Budapest, le LMP écolo-conservateur, le mouvement libéral-libertaire Momentum et l’ancien parti d’extrême-droite Jobbik décident d’organiser des primaires dans les circonscriptions (à un seul tour) et pour la conduite de la liste présentée à la proportionnelle c’est-à-dire pour le candidat au poste de premier ministre (les trois premiers étant retenus pour un deuxième tour).

Le premier tour de ce primaire a lieu en septembre 2021. Dans les circonscriptions la coalition démocratique arrive en tête avec 32 candidats retenus suivie de près par l’ancien parti d’extrême-droite Jobbik avec 29 candidats, puis par le parti socialiste avec 18 candidats, le mouvement Momentum avec 15 candidats, le Párbeszéd du maire de Budapest avec 7 candidats et enfin le LMP écolo conservateur avec 5 candidats. Cela ne signifie pas qu’il n’y aura qu’un duel pouvoir/opposition dans chaque circonscription. D’autres petits partis peuvent parfois être présents : le parti de droite radicale Mi Hazánk issu du Jobbik, le parti satirique du chien à 2 queues, le minuscule parti travailliste (communiste), etc.

Pour la candidature au poste de premier ministre les différents partis ont présenté leur chef de file à l’exception de la coalition démocratique. En effet son président Gyurcsány est tellement décrédité même dans l’électorat de gauche qu’il a préféré rester en retrait, se faisant remplacer par sa femme Dobrev Klára. Il s’était fait ré-élire en 2006 avec des promesses inconsidérées avant d’annoncer devant son groupe parlementaire réuni à huis-clos qu’il avait « couilloné » les électeurs. Par ailleurs l’indépendant Márki-Zay a aussi présenté sa candidature. Au soir du premier tour l’épouse arrive en tête suivie du maire de Budapest et, c’est un peu une surprise, de Márki-Zay. Gyurcsány, qui est en quelque sorte le « parrain » de cette coalition hétéroclite de partis, est très satisfait. Il entrevoit la victoire de son épouse ou celle du maire de Budapest, que l’on peut considérer comme son fils spirituel. Le FIDESZ, pensant que le maire devrait l’emporter, tire à boulets rouges contre lui. Il faut dire qu’il a réussi à créer un chaos circulatoire à Budapest en imitant Hidalgo avec une multiplication les pistes cyclables et qu’apparaissent de troubles affaires de vente d’immeubles appartenant à la municipalité. Mais quelques jours avant le second tour le maire se retire et c’est Márki-Zay, le conservateur indépendant, qui l’emporte.

 

Une déception pour le ponte de l’opposition Gyurcsány qui aimerait continuer à contrôler toute cette affaire et aussi un peu pour le FIDESZ qui se retrouve face un homme politique sur lequel il a peu d’angles d’attaque. Les premiers sondages annoncent soit une légère avance de l’opposition ou au contraire une légère avance du FIDESZ selon que les instituts qui les réalisent sont opposés ou favorables au pouvoir. Manifestement une défaite d’Orbán peut être envisagée. On l’espère à Bruxelles et on s’en réjouit dans les médias occidentaux.

Cependant la campagne de Márki-Zay connaît quelques ratées. Ce père de 7 enfants pourtant opposé au divorce et à l’avortement fait référence aux droits des LGBT dans la plupart de ses interventions afin de s’attirer les bonnes grâces de l’UE. Il s’oppose systématiquement à toutes les mesures prises par le gouvernement. Opposition au blocage des prix de l’essence et de certains produits alimentaires de base car il faut selon lui laisser faire le marché. Opposition au contrat de fourniture gaz à long terme à prix avantageux signé avec la Russie car le pipe-line contourne l’Ukraine. Il y a par ailleurs beaucoup de maladresses dans sa communication. Par exemple il affirme que la covid en s’attaquant au plus âgés a réduit l’électorat du FIDESZ. Il soutient que les gens de la campagne, plutôt favorables au FIDESZ, sont incapables de terminer une grille de mots-croisés.

A mesure que l’on s’approche du scrutin les chances de victoire de l’opposition, qui n’a toujours pas de programme, s’amenuisent. D’autant plus que le gouvernement a frappé un grand coup en ce début d’année 2022 : augmentation du salaire minimum de 19,5 %, exemption d’impôt sur le revenu pour les jeunes travailleurs de moins de 25 ans, rétablissement du 13e mois pour les retraités (qui avait été supprimé par le gouvernement Gyurcsány), et surtout le remboursement de l’impôt sur le revenu payé en 2021 à toutes les familles élevant des enfants (dans la limite de l’IR sur le salaire moyen).

 

Un récent sondage datant du début de ce mois de février donne 51 % d’intentions de vote pour le FIDESZ tandis que 43 % des électeurs envisagent de donner leur voix à l’opposition. Aujourd’hui il ne reste plus guère que les médias occidentaux, dont les correspondants locaux ne fréquentent qu’une l’intelligentsia béatement europhile, immigrationniste et anti-russe, pour croire à une défaite d’Orbán.

Bien que le FIDESZ tente de faire croire, par ses affiches de campagne, que le candidat Márky-Zay représente un danger car il ne serait qu’un clone de l’ancien premier ministre Gyurcsány, le danger semble s’éloigner. On a même l’impression que les deux principaux partis d’opposition, la Coalition démocratique de Gyurcsány et le Jobbik ont déjà tourné la page et qu’ils commencent à affûter leurs couteaux pour l’échéance suivante, en 2026.


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5 réactions à cet article    


  • DLaF mieux que RN ou Z / Ukraine nemesis 10 février 2022 09:02

    Oui, Orban peut être battu.

    Il lui suffit de contrarier Washington et la CIA lui monte un Maïdan « balles en mains ».


    • Doume65 10 février 2022 14:12

      Bonjour.

      Je ne vois pas en quoi le mariage homosexuel est un « délire progressiste ».

      On n’est pas obligé d’être pour, et personnellement je m’en serais tenu au pacs, qui, j’estimais, protégeait correctement les droits, mais je rappelle que le vote des femmes était affublé du même qualificatif lorsque les suffragettes le demandaient, que le remboursement de la pilule de même, puis celui de l’avortement. Rappelons qu’il s’agit d’un mariage civil qui n’interfère en rien sur le religieux.

      Quant aux religieux, les exemples de délires non progressistes (y compris les autodafés valant bien « l’épuration des programmes scolaires »

      sont légion chez eux.

      Ce n’est pas en détestant les homosexuels qu’on va endiguer « la détestation de la race blanche ».


      • waymel bernard waymel bernard 10 février 2022 17:05

        @Doume65 Oui le PACS me semblait suffisant en France. En Hongrie le mariage est une union entre un homme et une femme, c’est inscrit dans la constitution. Et Il faudrait une majorité des deux tiers pour la modifier. 


      • troletbuse troletbuse 10 février 2022 15:22

        J’espère que Non


        • agent ananas agent ananas 10 février 2022 22:19

          Au début du mois Orban s’est rangé derrière la Russie contre l’OTAN.

          Je ne serais pas surpris si bientôt il y aura une révolution colorée en Hongrie ...

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