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Accueil du site > Tribune Libre > Houellebecq, la tentation du bide !

Houellebecq, la tentation du bide !

Les rentrées littéraires ont-elles définitivement quitté les cercles feutrés des salons parisiens pour se complaire dans les odeurs fauves des vestiaires de foot le jour d’un match de championnat ?


photo : P.Ferbos

C’est la question qu’il convient de se poser pour celle qui s’annonce. Tous les ingrédients sont réunis pour faire mourir d’envie un Bernard Tapie déconfit.

1. Deux équipes en présence : Flammarion opposé à Fayard 2. L’indispensable « agent » artisan du transfert, François Samuelson. 3. Un cachet conséquent (toujours murmuré, dame on a encore de la décence dans le monde des arts) 4. Bien sûr, la vedette aux crampons d’or (entendez ceux qui le rattachent aux choses bien temporelles de ce monde) : Michel Houellebecq (pseudonyme de Michel Thomas).
Premier temps : Houellebecq prend prétexte du manque de soutien de Flammarion à ses propos islamophobes pour faire négocier un nouveau contrat, plus avantageux, avec une autre maison d’édition. Son ami, et éditeur, Frédéric Beigbeder en sera le dernier informé, l’auteur des Particules élémentaires ayant soin de ne pas confondre le génial business et la vulgaire amitié.
Deuxième temps : François Samuelson, moyennant une substantielle commission, tout travail mérite salaire, négocie avec Fayard l’arrivée dans son giron du prodige des best-sellers avec un à valoir à la clef de 1,5 millions d’euros.
Troisième temps : Michel Houellebecq peut enfin écrire son livre (la Possibilité d’une île ? 400 pages Fayard) en s’inspirant, très fortement, de la secte des Raéliens.
Reste pour l’éditeur à rentabiliser l’investissement et pour l’auteur à pérenniser sa notoriété, c’est-à-dire ses records de vente.
Aussi met-on en place un plan marketing à faire rougir le marchand de lessive le plus aguerri.
L’auteur se réfugie en Andalousie afin d’accoucher, dans le plus grand secret, de son futur chef-d’oeuvre. Le rédacteur en chef des Inrocks est dépêché sur place pour lui soutirer quelques confidences Il repart bredouille, ce qui n’empêche pas l’hebdomadaire de sortir le 27 mai un spécial Houellebecq.
Le manuscrit est livré en toute discrétion. Contrairement aux usages, mais le mystère est le gage du succès, seuls quelques critiques, ayant reçu l’onction de l’éditeur, auront le privilège d’en recevoir un service de presse contre l’engagement écrit de ne pas le divulguer ni d’en faire des photocopies. Après tractations, un hebdomadaire sera élu pour avoir l’exclusivité de quelques bonnes feuilles. Ce sera le Nouvel Observateur dans son édition à paraître cette semaine.
Evidemment, tout succès annoncé suscite des produits dérivés et des agrégations opportunistes. Ainsi, sort aujourd’hui une biographie de Denis Demonpion (Houellebecq non autorisé Enquête sur un phénomène Maren Sell - 384 pages ? 20 ? bonnes feuilles parues dans l’Express) dans laquelle l’auteur des Particules élémentaires apparaît plutôt comme un mythomane, cynique, mal dans sa peau, animé d’une soif de se construire un destin à l’instar d’un personnage de roman.
Fernando Arrabal, son ami de 23 ans, avait déjà sorti, il y a quelques jours, un Houellebecq au Cherche-Midi (232 pages -13 euros), histoire de voler au secours de la célébrité, qui enchantera les aficionados du héros des clones. Quant à ceux qui détestent Houellebecq, ils se réjouiront peut-être du pamphlet que lui consacre Eric Naulleau (Au secours, Houellebecq revient ! - Chifflet et Cie - 128 pages -10  ?). L’un et l’autre ne nous apprennent pas grand-chose sur le personnage que l’on ne savait déjà, mais Houellebecq vend et fait vendre, raison suffisante pour susciter des tentations éditoriales.
Enfin l’apothéose viendra le 31 août, jour de la sortie en librairie de cette Possibilité tant souhaitée avec, comme il se doit pour toute consécration digne des grands, Michel Houellebecq invité de Poivre d’Arvor, le soir au journal télévisé de 20 heures sur TF1 !
Franchement, tout ce cirque a-t-il quelque chose à voir avec la littérature ?
Lorsque Sartre publia « Les Mots » François Mauriac écrivit, à son propos « Un homme vrai ça ne court pas les rues, ni les salles de rédaction, ni les antichambres des éditeurs. » Michel Houellebecq est loin d’être de cette trempe. Il nous apparaît aussi factice, inauthentique, que son personnage Daniel, multi-cloné, aussi déliquescent que le monde qu’il entend déconstruire.
J’avais bien aimé Extension du domaine de la lutte, bien moins les suivants. Michel Houellebecq n’a plus rien à nous dire ou à nous apprendre. Au fond, c’est un pauvre type, et sur ce point son biographe non autorisé voit juste, aussi désespéré que la société qu’il décrit. Il n’y a, chez lui, aucune volonté à laisser un message, Houellebecq a rejoint, depuis longtemps, le cortège des littérateurs pour lesquels écrire ne consiste qu’à gagner sa vie. Son seul génie est de savoir surfer sur l’air du temps. Son cynisme le préserve des tentations de la morale. « Tous les moyens sont bons quand ils sont efficaces. » Cette réplique de Nébrassov va comme un gant à l’auteur de Plateforme.
Houellebecq est condamné à exister. En soi, il n’est pas le seul et cela pourrait constituer la trame d’un roman. Mais exister, pour Houellebecq, c’est se mettre en scène, manipuler, maîtriser chaque instant et, en définitive, affirmer une liberté au détriment de celle des autres. S’il y a une oeuvre chez Houellebecq, elle n’est pas à chercher du côté de ses livres mais dans cette mascarade dont ses écrits servent de prétexte.
Le plus étonnant dans l’histoire est que nous serons des centaines de milliers à nous précipiter sur cette Possibilité d’une Ile. L’aurait-on fait sans ce remue-ménage, à la seule lumière du talent de l’auteur ? Là est la question. Mais justement ce talent, si talent il y a, n’est-il pas de nous convaincre qu’il faut acheter ce livre pour, nous-mêmes, exister dans cette société de l’apparence ?
Sur ce point, nous sommes tous des personnages de Houellebecq : désespérants !
Ah oui ! Je ne vous ai pas parlé du livre. Mais est-ce vraiment indispensable ? Les pro-Houellebecq pourront lire l’article d’Olivier Le Naire et les anti celui, non sans humour, d’Angelo Rinaldi.
J’oubliais : Michel Houellebecq prix Goncourt ! La farce sera complète et confinera au réel chef-d’oeuvre.


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17 réactions à cet article    


  • (---.---.77.54) 24 août 2005 16:51

    Pourquoi tant de haine et de hargne ?


    • citoyen citoyen 24 août 2005 21:08

      C’est vrai votre article n’est pas vraiment sympa. A bien le lire, on peut constater que vous étayez votre analyse de faits qui justifient certainement les moyens. Je vous avoue que je n’ai jamais lu Houellebecq, mais j’aimerai vous posez une question le type dont il est question, enfin le n°1 - DANIEL - n’est-il pas le clone littéraire de l’auteur ? Ce qui je l’avoue ferai remonter l’auteur un peu dans mon estime, car quelqu’un qui accepte de se tourner en dérision est récupérable, non ? Cf ; le portrait : « Daniel 1 vit donc en Espagne à notre époque. C’est un comique odieux et désespéré qui se shoote au pastis-Tranxène, traîne son mal de vivre, son ennui et sa misanthropie sur les autoroutes et dans une luxueuse villa de 17 chambres »


      • Mireille (---.---.144.252) 25 août 2005 09:20

        Pourquoi ne pas faire crédit à Houellebecq de son talent et attendre la sortie de son livre pour le juger ? Nous vivons sous la censure des critiques, à croire qu’il ne nous est plus posible de nous faire notre propre opinion sans avoir recours à un intermédiaire.


        • Lemon (---.---.48.253) 25 août 2005 09:56

          Je vais laisser aux autres le plaisir de lire Houellebecq... Je n’ai jamais vraiment apprécié l’homme et trouve l’écrivain grandement surfait... Houellebecq est bel et bien un écrivain de son époque et comme tel, il ne sera qu’éphémère. Durant le laps de temps que durera sa célébrité, il se sera « fait du fric » et aura pu « jouer à la starlette » : c’est bien là son but ultime...


          • Citoyen (---.---.67.118) 25 août 2005 09:58

            Chère Mireille,

            Je pense – il s’agit bien d’un avis personnellement et donc je vais tenter de l’argumenter – que vous vous trompez de sujet. Le fait d’exercer son talent de critique ou de commentateur, comme le fait notre rédacteur ne constitue nullement de la censure, bien au contraire. Selon un principe bien connu en communication, je vous dirai même que l’auteur concerné par cet article « Houellebecq, ou la tentation du bide » ne peut que se réjouir de constater que l’on parle de lui. Ce principe veut en effet que l’essentiel, pour se faire connaître, est que l’on parle du sujet, peu importe que l’on en parle en bien ou en mal. De ce côté-là Houellebecq sait parfaitement se mettre en scène. Or cette mise en scène ne peut qu’être volontaire ou à tout le moins acceptée, ce qui revient au même dans ce cas. Le fait de parler de ce livre donnera, en terme de probabilité, l’occasion, la curiosité, voire l’envie de feuilleter et peut-être même d’acheter ce bouquin. Alors, voyez-vous quand vous parlez de censure, il est difficile d’abonder dans votre sens quand la parole est libre et circule comme nous le faisons actuellement. Au fait si vous lisez le bouquin, dites-nous ce que vous en pensez …


            • OuPinaise (---.---.29.54) 25 août 2005 10:20

              Pour avoir un peu lu houellebecq, je ne suis on ne peut plus d’accord avec cet article.


              • Jimmy (---.---.34.52) 25 août 2005 10:55

                salut, j’ai lu houellebecq, j’ai infiniment apprécié ’l’extension du domaine de la lutte’ et ’les particules élémentaires’ (mais pas autant les autres livres) et pourtant, malheureusement, je suis tout à fait d’accord avec votre analyse.

                jimmy


                • dominique B. (---.---.106.210) 25 août 2005 11:04

                  je n’ai plus envie d’entendre parler de cet écrivain depuis ma lecture des « particules élémentaires », et je n’achèterai ni ne lirai aucun des ouvrages suivants de cet auteur.


                  • (---.---.56.120) 25 août 2005 11:31

                    C’est ridicule de condamner un texte pour son contexte, tout ce foin qu’il y a autour, la personnalité de l’auteur, qui peuvent certes agacer, mais qui masquent l’essentiel : le livre est-il bon ou pas ???


                    • (---.---.58.47) 25 août 2005 12:24

                      Je remercie l’auteur de cette critique sur mr Houellebecq et son oeuvre . C’est un texte stimulant,intéressant. Je n’ai pas encore réussi à lire un roman de Houellebecq, je n’ai réussi à lire que son « Lovecraft » que j’ai apprécié , ainsi que ses nouvelles et essais paru en « Librio » qui m’ont bien plus ! Mais ses romans ,rien à faire :je bloque !

                      Amicalement, Mr Dominique Giraudet


                      • Neuromatik (---.---.25.218) 28 août 2005 15:59

                        Houellebecq est le meilleur écrivain français de sa génération. Et ce n’est pas rien. Qu’on l’aime, où qu’on le haïsse, il faut au moins lui reconnaître deux choses : 1)Il ne laisse personne indifférent 2)Il a considérablement rehaussé le niveau de la production littéraire en France. Certes, Fayard à soigneusement orchestré sa campagne médiatique, et Houellebecq prend plaisir au mystère qui entoure son livre. Mais je ne vois pas où est le problème. Je ne vois pas en quoi le lancement médiatique de son dernier opus serai suceptible de l’amoindrir. D’autre part, je pense que l’homme et le littérateur son différent. On peut aimer l’oeuvre, pas le personnage. Ce qui est important chez Houellebecq, c’est sa littérature !!! Qui est, au demeurant, fort excellente : c’est le premier à avoir analysé, avec une cinglante acuité, les espoirs, et les misères, de la classe moyenne au sein des société occidentales ultramodernes. Et il le fait avec une véritable profondeur, une rare intelligence, et une précieuse honnêteté. C’est peu être ça qui dérange.


                        • Courouve (---.---.102.36) 28 août 2005 23:06

                          Ne reproche-t-on pas surtout à Houellebecq les propos sur l’islam et la religion ? « Je me suis dit que le fait de croire à un seul Dieu était le fait d’un crétin, je ne trouvais pas d’autre mot. Et la religion la plus con, c’est quand même l’islam. Quand on lit le Coran, on est effondré ... effondré ! La Bible, au moins, c’est très beau, parce que les juifs ont un sacré talent littéraire ... ce qui peut excuser beaucoup de choses. [...] L’islam est une religion dangereuse, et ce depuis son apparition. Heureusement, il est condamné. D’une part, parce que Dieu n’existe pas, et que même si on est con, on finit par s’en rendre compte. À long terme, la vérité triomphe. D’autre part l’islam est miné de l’intérieur par le capitalisme. Tout ce qu’on peut souhaiter, c’est qu’il triomphe rapidement. Le matérialisme est un moindre mal. Ses valeurs sont méprisables, mais quand même moins destructrices, moins cruelles que celles de l’islam. » (Lire, septembre 2001, pp. 31-32) En tenant de tels propos, qui peuvent sembler excessifs, mais qui ne sont pas dénué de fondement, MH a défendu notre liberté d’expression contre le fanatisme ; c’est le Rushdie français.


                          • Marion (---.---.91.102) 31 août 2005 15:03

                            Rushdie Français ! Faut pas pousser. A ce que je sache le seul combat mené par Houellebec est celui de ses intérêts personnels. C’est vrai, il n’est pas le seul mais voir dans l’avenir de notre société un monde calqué sur la secte des Réaliens, d’une part cela manque d’imagination et d’originalité (ce que l’on peut attendre, au moins, d’un auteur) et d’autre part cela traduit bien l’état d’esprit du personnage. Heureusement que sortent d’autres livres bien plus passionnant, mais dont on parlera bien moins ou pas du tout.


                            • Saint-Just (---.---.17.132) 4 septembre 2005 18:13

                              Ce qu’on reproche à Houellebecq ? C’est d’avoir du talent, contrairement aux petits esprits de Saint Germain des Près.

                              Pour une fois, les censeurs professionnels ont été dépossédé de leurs pouvoirs. C’est bien ce qu’ils ne supportent pas !


                              • Jean Chol POIVRESSELLE Jean Chol Poivresselle 6 septembre 2005 16:11

                                La nouvelle fiction proposée par cet auteur me plaît et j’y trouve mon compte.

                                Face à la bêtise lénifiante développée depuis quelques années par des soit-disant auteurs qui, soit dit en passant, se gargarisent dans l’auto-fiction ou la nullitude de leurs fictions mineures, autosatisfaites ou égo-pariso-bobo-nullo-franchouillardes (relisez l’essai de Jourde intitulé « La littérature sans estomac » : édifiant sur les fictions, à succès, proposées en France), il n’y a pas photo : Houellebecq réussit un bon roman qui pose des questions essentielles, indispensables et salutaires à travers une fiction qui ne manque pas de piquant alliée à une certaine aspérité et une grande liberté de ton : Comment vieillir, lutter contre la mort et assumer une sexualité lorsqu’on approche de la cinquantaine ?

                                Mais alors, que dire de cette intelligentsia qui prétend détenir le bon goût et qui se conduisent comme des eunnuques, n’ayant jamais réussi à écrire que des critiques démagogiques, prétentieuses et ronflantes !

                                Il faut lire le livre pour se donner une opinion et la mienne, subjective certes, est plutôt enthousiaste : je tiens « La possibilité d’une île » comme l’un des meilleurs romans de Houellebecq !

                                Eh bien Houellebecq réagit comme il se doit vis à vis de cette meute de chiens enragés. Et je ne suis pas choqué par son mode de communication. C’est un auteur libre et le reste ne m’intéresse pas.

                                Jean Chol Poivresselle


                                • Courouve (---.---.102.36) 6 septembre 2005 18:22

                                  Houellebecq est un auteur libre, et le reste n’est pas intéressant.


                                  • Sylvain Reboul (---.---.47.62) 28 octobre 2005 18:25

                                    La qualité et les limites du texte de M.H ressortent du genre littéraire qu’il pratique, à savoir celui du roman philosophique réactionnel, voire réactif. Il met très banalement en scène des personnages (im)parfaitement stéréotypés et utilisent tous les clichés stylistiques des magazines de modes et des propos médiatiques ambiants pour les (dé)construire et vitupérer l’époque (comme disait Aragon). Le ton est donc nécessairement dépressif et dépreciatif. Ceci dit M.H n’est certainement pas Céline quant au style, à la respiration et au rythme de la voix au souffle haché, mélant, dans le meilleur des cas, dérision, haine et tendresse et quant au contenu ; de plus les personnages de Céline ont parfois une profondeur et une ambiguïté qui les sauvent. Qualité ? Nous obliger à prendre du recul vis-à-vis de la fascination pour le progrès technologique et la sophistique publicitaire éculée de la logorrhée médiatique. Mais il est difficile de supporter au delà de 20 pages ce ressassement au deuxième degrès et ce mépris des femmes réduites à l’image qu’en donne les magazines spécialisés pour les faire consommer et en faire des objets de consommation Cela tourne vite à l’aigre Le rasoir philosophique : le cas Houellebecq

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