Hulot : une démission dont nous sommes responsables
J’ai souvent critiqué ce qui m’apparaissait comme un manque de courage chez Nicolas Hulot que je voyais comme s’accrochant à son maroquin ministériel. Je le regardais de jour en jour avaler des couleuvres puis des pythons, pleurnichant à la télé et jouant les chochottes et je me demandais pourquoi il ne partait pas. En leur temps Alain Madelin et Delphine Bathot quittèrent un gouvernement duquel ils estimaient qu’il ne leur donnait pas les moyens pour mettre en œuvre la politique promit. Là, rien, Hulot s’accrochait : à quoi ? S’accrochait-il à l’espoir de faire changer, à lui tout seul, le cap ultralibéral d’un président de la République qui joue à la politique comme on joue au Monopoly, d’un gouvernement et d’une majorité qui joue les caniches du président, de parlementaires qui, quand ils n’ont pas trahi leurs convictions pour une place près de Jupiter, ont un cerveau aussi neuf qu’ils le sont en politique ? Nous pouvons comprendre qu’après avoir refusé d’être le ministre de Sarkosy puis de Hollande, il ait pu se laisser séduire par un nouveau Billy le Kid : jeune, spécialiste en bouleversement du monde, de quoi attirer celui qui ne rêve que de voir le monde effectuer une révolution écologique. Finalement leur rencontre fut celle de la volonté d’un monde nouveau.
Alors, sans rien retirer de ce que j’ai écrit à propos de Nicolas Hulot dont je n’appréciais guère sa façon de « faire le ministre », aujourd’hui je salue sincèrement sa décision et je trouve très injuste le billet d’Olivier Tonneau (blog sur Médiapart 28 août 2018) : « Nicolas Hulot, démissionnaire irresponsable » dans lequel l’auteur écrit : « Par un incroyable tour de force, Nicolas Hulot, démissionnaire, parvient à imputer ses échecs à l’opposition et à la société tout entière plutôt qu’au gouvernement. Une faillite politique, intellectuelle et morale. » Je ne serai pas aussi catégorique car il ne m’est pas apparu que N. Hulot a « blanchi » les membres du gouvernement, et d’autre part nous sommes bien collectivement responsables de l’échec de « l’écologie ». Nous le sommes par nos comportements quotidiens : productions de déchets, achats de produits notamment alimentaires qui font le tout du monde avant de se réfugier dans notre assiette, usage immodéré de l’eau et des énergies, etc.
Nous le sommes aussi par nos comportements politiques. Comment avons-nous pu accepter que le référendum de Notre Dame des Landes soit local, petitement local, alors qu’il s’agissait d’un projet qui impactait l’aménagement du territoire, comment peut-on tolérer que le lobby de la chasse nous fasse croire qu’il représente la ruralité et ne pas lui clouer le bec, comment continuer à une époque d’effondrement de la biodiversité qu’on augmente le nombre d’espèces d’oiseaux pouvant être chassées et que les agriculteurs continuent par l’épandage des pesticides à exterminer les insectes donc les oiseaux, et n’oublions pas les abeilles et les bourdons. Comment pouvons-nous tolérer la mort de la planète et celle programmée de nos enfants et petits-enfants sans réagir ? Nous sommes politiquement responsables de la mort de la planète parce que nous ne voulons rien sacrifier de ce que nous croyons être un confort.
Alors oui, Nicolas Hulot a raison : nous sommes responsables, nous l’avons laissé seul dans la fosse aux lions. Cet homme, vraisemblablement convaincu et sensible donc vulnérable, a été abandonné aux appétits des prédateurs de la planète et des faux culs en tous genres, ces parlementaires comme François Patriat vendu à l’ultra libéralisme pour garder ses privilèges, Matthieu Orphelin remarquable caniche de la macronie qui jappe mais ni ne mord ni ne bouge et ses ministres qui viennent aujourd’hui dresser des couronnes de lauriers sur la tête de celui qu’ils ont politiquement et socialement assassiné en même temps qu’ils s’emploient à tuer la planète. N’oublions pas les lobbyistes tel Thierry Coste, penseur de l’extrême droite la plus conservatrice (Chasse Nature et Tradition) et de la Fédération Nationale de la Chasse, mais surtout instigateur et intermédiaire d’affaires floues auprès de bon nombre de dictatures, nul n’ignore son nom dans les palais présidentiels africains notamment au Gabon. Mais, petite parenthèse, ne nous étonnons pas du poids des lobbies, déjà en 1928 Edward Bernays, l’inventeur de la propagande en parlait dans son livre Propaganda : « La manipulation consciente, intelligente, des opinions et des habitudes organisées des masses joue un rôle important dans une société démocratique. Ceux qui manipulent ce mécanisme social imperceptible forment un gouvernement invisible qui dirige véritablement le pays. »
Honte à eux, honte à nous ! Il est temps d’aller donner une leçon à ces pitres : députés, sénateurs et ministres de la République en marche mais aussi des Républicains pas plus écologistes que les premiers. Il ne s’agit pas de prendre les fourches comme en 1789, il suffit de battre la campagne pour chasser les chasseurs, de limiter notre consommation d’électricité et de produits importés de l’autre bout du monde, de refuser les produits alimentaires impropres parce que pleine de pesticides. La révolte c’est aussi d’être capable, même quand on est fonctionnaire, de boycotter les cérémonies où sont présents des représentants de La République en Marche, de ne plus aller sur le passage de Macron et de ses caniches, de voter contre son Europe de la finance et de la magouille, et d’être présent dans les manifestations citoyennes, écologistes et sociales. Peuple, tu as su dire assez à l’ancien monde politique en refusant de voter pour François Fillon, il est temps aujourd’hui de renvoyer dans leur bac à sable les blancs-becs de la macronie et de donner aux citoyens le moyen de prendre leur destin en main dans le pays, dans les entreprises, dans le village comme dans les villes. La vie n’est jamais que celle que nous construisons ; et tolérer l’intolérable c’est finalement l’accepter et se soumettre.
Mais soyons lucides au-delà de la colère libératrice et cathartique, l’agenda médiatique est tel que la semaine prochaine, une fois le nouveau ministre nommé, le soufflé retombera et nous oublierons Nicolas Hulot et l’écologie comme l’écrit la politise Vanessa Jérome[1] : « Décidée et annoncée ce matin sur France Inter, la démission de Nicolas Hulot est, en réalité, un non-événement. Elle agitera le petit monde médiatique ces prochains jours – c’est certain –, elle conduira à un remaniement gouvernemental – ne couvait-il pas depuis plusieurs semaines déjà ? –, mais elle ne bouleversera ni les orientations politiques de l’exécutif, ni les rapports de force politiques et sociaux qu’il conviendrait justement de transformer pour relever les défis auxquels l’humanité est confrontée. »
La baisse de nos pensions de retraite suffira-t-elle à laisser un beau monde à nos enfants ?
[1] Vanessa Jérome, politiste au LabEx Tepsis, École des hautes études en sciences sociales (EHESS), https://theconversation.com/debat-la-demission-de-nicolas-hulot-rien-de-nouveau-sous-le-soleil-102280
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