Il est où le peuple ?
En ces temps troublés, il y a de quoi être désorienté, on nous dit que pour aller à sa rencontre il suffit d’aborder les ronds-points en klaxonnant joyeusement comme un supporter d’Andrezieux qui aurait troqué l’écharpe aux couleurs de son club contre un gilet jaune après la victoire sur Marseille en Coupe de la Ligue.
C’est ici et nulle part ailleurs, si l’on en croit les commentaires enthousiastes de certains intellectuels, qu’il habite désormais même s’il se déplace tous les samedis pour animer joyeusement les centres villes de l’hexagone qui se vident peu à peu de leurs commerces sans qu’on puisse y voir une relation de cause à effet.
C’est une vision un peu réductrice de cette entité difficile à cerner, hétérogène, qu’est-ce alors que le peuple ?
Pour Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon unis pour la circonstance dans le même souci électoraliste, le vrai, par opposition aux élites dont ils font eux même partie, c’est celui qui, chauffé à blanc par la morgue macronienne, arbore la chasuble jaune fluo.
Il n’est pas certain qu’ils parlent du même, à chacun son peuple et on fera le décompte à l’issue des prochaines élections.
Mais alors, ceux qui se tiennent à l’écart de ce mouvement, les employés des commerces obligés de baisser le rideau les jours de kermesses citoyennes, ceux qui souhaitent parce qu’ils n’ont pas d’autre choix arriver à l’heure sur leurs lieux de travail et qui considèrent qu’un blocage est une violence objective exercée à leur encontre, ne s’excluent-ils pas de facto de ce peuple divinisé.
Ce peuple dont on loue la sagesse est aussi versatile, au moment de la marche républicaine le dimanche 11 janvier 2015, les flics étaient célébrés en héros, remparts contre le terrorisme, les voilà devenus, vision quelque peu manichéenne, des immondes salauds brutalisant de gentils manifestants tous animés de sentiments pacifistes.
La haine de l'uniforme s'étend aux pompiers lapidés dans certains lieux en guise de rituel de bienvenue alors qu'ils viennent porter secours et n'épargne pour l'instant, dieu merci, que les hôtesses de l'air.
Cette manie partagée par quasiment tous les courants politiques qui consiste à découper le peuple comme on le fait d’un bœuf avec les morceaux nobles et les bas morceaux n’est pas nouvelle, elle avait même été magistralement théorisée par la gauche et son ‘’think tank’’ Terra Nova dans une note en 2011 qui constatant le départ des classes populaires vers d’autres cieux bleu-marine a définitivement divorcé avec celles-ci.
Quand la populace ne vous convient plus, il suffit de la changer et de la remplacer par un électorat de substitution composé de femmes, de jeunes diplômés, et des ''minorités'' partageant les mêmes valeurs et le tour est joué.
Macron n’échappe pas à ce fâcheux travers, c’est même un adepte du tri sélectif, il ne mélange pas les torchons et les serviettes, les gens qui ne sont rien et les premiers de cordée.
S’il semble inflexible sur l’ISF, il se dit prêt, sur l’assujettissement à la taxe d’habitation à jeter en pâture aux gilets jaunes les 20% de Français les plus aisés parmi lesquels ces couples sans enfant et ces célibataires dont les revenus (RFR) jugés pharamineux dépassent le seuil fatidique de 43.000€ pour les premiers et de 27.000 € pour les seconds.
Ces derniers pourraient lui rétorquer poliment que pour l’aisance, il y a des lieux pour ça et qu’il ferait bien de s’y rendre plutôt que de faire ch… les autres.
Il n’est pas facile de se situer dans cette myriade de peuples aux intérêts divergents et aux aspirations souvent contradictoires.
Car même si on pense cocher toutes les cases pour intégrer le peuple cher à Marine et Jean-Luc, et plutôt en phase avec les revendications premières des Gilets Jaunes, mais qu’on a toujours été méfiant envers les bandes, les cliques, les meutes et les mouvements de foule doutant de leur capacité à produire de l’intelligence collective, l’excommunication nous guette.
Puisqu’il semble vain de s’échiner à chercher cette entité introuvable, insaisissable, la tentation est grande de se mettre en marge et de faire en quelque sorte ‘’peuple à part’’.
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