Il était une fois un abribus
ANGELA C. (Témoignage du réel et de l’urgence) EPISODE 1 - Juillet 2011 -
Une histoire de rencontre improbable. Une histoire vraie. Une histoire interactive dans le sens où tout le monde à le droit d’y participer, et que c’est la participation de tout le monde qui déterminera le dernier chapitre. Celui que je n’écrirai pas. Celui que l’histoire écrira.
INTRODUCTION
Il était une fois un abribus, Place Denfert-Rochereau. À l’intérieur, 2 personnes en attente. Quand on ne se connaît pas, on se parle rarement dans ces antichambres du transport en commun. On est là, on arrive ou on part, on se tait, on a peur, un peu, beaucoup, mais toujours, quelque part. Peur des autres ? Peur de soi ?
Sur le trottoir, nous voyons s’approcher une dame qui marche bien lentement, en s’aidant d’une vieille canne en bois. Un homme l’accompagne, la soutien quelquefois, et tire une valise à roulettes.
...
La dame s’assoit sur le banc métallique de l’abribus. Le monsieur s’adresse à moi et me demande si je pouvais aider madame à monter la valise dans le bus qui va arriver. Marché conclus. Comme ils ne se font pas la bise et se quittent sans aucune effusion, je comprends que cette dame est seule, et que ce monsieur l’a gentiment accompagnée d’un point à l’autre de la Place, pour faciliter sa correspondance. La dame me remercie pour avoir accepté de l’aider, me dit que c’est loin d’être toujours comme cela, et engage la conversation sur le long chemin qu’il lui reste à faire. Elle va jusqu’au terminus du 68, pour prendre le 81 jusqu’à l’hôpital Bichat. Il est 18H30. Allant moi-même à Place Clichy, je lui dis de ne pas se soucier, que je l’aiderai aussi à descendre du 68 et à monter dans le 81.
Dans le bus, nous nous retrouvons assis face à face. Et le voyage commence. Un voyage vraiment pas comme les autres ... Une bulle de temps. Accrochez vos ceintures, car on va traverser l’inadmissible. Mais rassurez-vous, on en sort apaisé par le sourire et le regard lumineux de la dame. Et par l’immense leçon de vie et d’humilité que l’imprévu nous a offert. Vive l’été. Vive les vacances.
CHAPITRE 1 : La liberté ou la mort
Elle s’appelle Angela C. la dame de l’abri bus qui allait essayer de dormir (sic) dans une salle d’attente de l’hôpital Bichat. Je lui donne une quarantaine d’année, elle me dit que 49 sont déjà passées. Angela C. est journaliste, écrivain, traductrice, militante associative. Son CV est impressionnant. Comme son parlé, son élocution, ses propos empreints de culture et de sagesse. Comme le combat de toute sa vie contre son handicap et la mise en guettos des 3 millions de ses compagnons d’infortune, ceux que l’on appelle génériquement « les handicapés ».
À sa naissance, Angela C. a de gros problèmes d’atterrissage qui vont la condamner à passer son enfance dans les hôpitaux, où les médecins essayeront de redresser son corps, en l’opérant et en l’enfermant des mois et des mois dans le plâtre. Elle est un poids, une malédiction, une honte pour sa famille, qui la rejette et la maltraite. Suite à des violences extrèmes elle est placée sous tutelle. Pas de chances, pires violences encore l’attendent dans le foyer d’accueil où elle est placée, de 7 ans jusqu’à 11 ans. Bonjour le karma !!!
Et puis sans répit, de sévices en maltraitances, de combats désespérés en batailles improbables, elle réussi à quitter le fauteuil-roulant auquel la médecine l’avait définitivement condamné. À la force de sa volonté et de son exceptionnel désir de vivre, elle s’est mise à marcher. Il n’y a pas de miracle ici, il n’y a qu’une énergie vitale et une volonté hors du commun, et la solidarité exemplaire d’un psycho-physio-thérapeute également hors du commun. Angela C. a dû encore se battre pour aller à l’école, supporter les railleries et la violence encore et toujours. Se battre et se débattre pour une formation professionnelle, apprendre un métier, trouver du travail. Au fur et à mesure du récit de sa vie, je me dis que Angela C. s’est peut-être échappée d’un roman noir de Dostoïeski ! La vie de Frida Kalo en comparaison, ressemble à des vacances au Club Med. (NDLA)
Tant qu’elle a pu gérer économiquement sa situation, grâce a ses ressources intermittentes et quelques aides sociales et privées, elle vivait dans une petite chambre d’un petit hôtel à Paris. Et puis, il y a 4 mois, consommées ses ressources économiques, la crise aidant, elle a perdu son toit. Depuis la rue est son foyer et sa petite valise rouge bourrée jusqu’à la gueule : sa maison.
INADMISSIBLE, je vous le disais dès le début de l’histoire.
CHAPITRE 2 : To be or not. To be ? That is the question. (D’après moi l’orthographie correcte de la phrase de Sheakspeare)
Si elle doit vivre, Angela C. sait depuis longtemps, - c’est l’engagement et le combat de sa vie -, que ce ne peut être que vivre en personne normale, capable de s’occuper d’elle-même dans les tâches et les occupations quotidiennes. Dans la vie. Une personne qui travaille et qui peut partager la vie sociale. Alors, quand elle se retrouve à la croisée des chemins de la crise, il y a 4 mois, Angela C. sait qu’il y a une direction qu’elle ne peux pas prendre. Elle connaît ce chemin. Il l’emmènera dans un de ces lieux où notre société parque les handicapés, ces Cours des miracles où tous les handicaps sont mélangés, physiques, mentaux, les alcooliques, les maniaques sexuels, les malades ... Gavés de médocs, réduits à l’état de légumes ... à attendre la mort dans une odeur fétide. Angela C., ni personne je pense, ne peux pas sourcer sa rage de vivre, sa lutte pour son autonomie, en se laissant enfermer dans un cadre mortuaire et d’assistanat.
L’autre chemin, elle le savait aussi mais ne le connaissait pas encore, l’emmènera à la rue. Avec ce qui lui reste de ressources physiques, avec sa petite valise rouge bourrée jusqu’à la gueule, avec son CV et son portable en fin de forfait ... calme, zen, centrée ... Angela C. sait que son tour viendra comme pour tous, et que personne ne lui doit rien. Elle ne demande pas l’assistanat. Elle le refuse. Elle n’est pas handicapée à 80%, elle est autonome à 20%. Sa vie démontre que son handicap n’est pas allé en augmentant, au contraire, à force de volonté, de foi en soi, de travail sur soi, elle l’a fait diminuer pour atteindre, - et depuis déjà longtemps -, la possibilité, et donc le droit, de vivre en personne normale.
Voilà ... de portes cochères en abribus, de bancs publics en errances nocturnes, de salles d’attente d’hôpital en files d’attente de bains publics, d’agressions abjectes en imprévus apaisants, d’épuisement en mauvais sandwichs, de trop de silence pour tant de choses à dire, de beaucoup de gens qui fuient et de quelques rencontres, de peur, des fois, d’espoir et de rage de vivre, toujours, Angela C. fait son chemin de liberté. Dans la rue.
CHAPITRE 3 (Parenthèse de l’auteur)
« Si on ne le faisait pas, jusqu’où laisserait-on aller les choses ? »Yi-King - Chapitre 49 : La révolution / La mue
Dans la semaine qui a suivi notre rencontre d’abribus, j’ai parlé avec l’assistante sociale qui suit le dossier de Angela C. à Paris, et avec son thérapeute à Rome ... J’ai laissé le temps de l’empathie courir sur son CV et son parcours de vie, depuis sa naissance dans un village de l’Italie du Sud, dans les années 60, jusqu’aux rues de Paris à l’aube du nouveau millénaire. Quelle bataille mes amis ! Et quel courage.
Angela C. ADMET sa situation, assume son choix. Son combat, son attitude face à la vie sont exemplaires. Son sourire un cadeau. L’INADMISSIBLE et la pleutrerie sont dans notre camp. Je veux dire que c’est à nous de reconnaître l’INADMISSIBLE, de le dénoncer et de le combattre. La dignité est dans le camp de Angela C. L’indigne est dans celui de la société. Et la pitié est priée de s’abstenir.
Il suffirait j’en suis sûr de quelques minutes d’empathie et de solidarité. Il suffirait d’activer le dossier de Angela C. dans les méandres de l’administration, de l’aider à trouver un toit de transit, une chambre d’hôtel social, ou une location HLM, une colocation ... d’établir avec elle une relation de travail partiel et de télé-travail, ou un contrat d’édition... Il est indispensable de faire connaître son histoire. Pour le reste, pour la vie, il n’y a aucun doute sur le fait que nous puissions faire confiance à Angela C.
Mais « Quand le feu entend faire quelque chose contre l’eau, il doit agir avec une résolution totale » dit encore le Yi-King dans le même chapitre.
Celui de La mue. Pas de la rue.
Chapitre 4 - Épilogue ...
Je vous le disais au début de l’histoire, l’épilogue est interactif. Il s’écrira avec l’imprévu, avec vous, avec la solidarité, la révolte, avec le coeur de tous ceux qui l’écriront. Avec Angela C.
Tel : +33 (0)6 20 18 49 87
Mail : [email protected]
Bien à vous.
Alain-Gilles Bastide
Auteur / Journaliste indépendant
Pdt.fondateur de l’Association des Cyber-journalistes (ACJ)
EPISODE 2 : Angela C. Journaliste-Ecrivain / Handicapée / SDF. dans le couloir de la mort. Episode 2 / Septembre 2011
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