Il existe une solution pour sortir de la spirale infernale de la dette
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La dette en général est un problème et comme le chanterait Rita M. les histoires de dette… finissent mal… en général ! Jean-Michel Aphatie ne peut passer un jour sans penser à la dette française. Les gouvernants de la zone euro ne cessent de penser à la dette grecque. Les financiers aussi mais pas pour la même raison. Les europhiles veulent sauver l’euro, les banquiers veulent récupérer leurs sous. Et tout le monde est content, après les dernières opérations autour d’une table.
La dette n’est pas une malédiction pour tous. Les épargnants et les banquiers se nourrissent des dettes publiques contractées dans le monde entier. Quand on s’endette, on devient un peu l’esclave des créanciers. Pourquoi les pays se sont-ils mis avec tant de docilité sous la dépendance des banques ? Aux amnésiques, je rappellerai comment Abraham Lincoln, agacé de devoir emprunter à des taux exorbitants de l’argent pour financer la guerre de Sécession, décida de contourner les banquiers en créant de la monnaie. En 2010, l’Europe endettée est dans une situation de dépendance face aux banques et chaque année verra s’accroître la pauvreté car par le mécanisme de la dette, les créanciers déjà riches s’enrichissent et les débiteurs s’appauvrissent, contribuables, la plupart travailleurs, aux revenus en constante baisse, excepté ceux qui sont protégés de la crise. Proposition : pourquoi les Etats européens ne font-ils pas comme Lincoln, créant de la monnaie pour faire la « guerre » à la pauvreté ? Suggestion de réponse : les élites ne se soucient pas de la pauvreté, tant qu’elle vit sa vie dans les ghettos et ne se répand pas dans la rue pour y mener une insurrection préjudiciable au système et donc, au dispositif assurant la poursuite des affaires.
Qui se soucie alors de la pauvreté ? Les citoyens ? Ils sont habitués. 30 ans déjà, les TUC, les CES, le RMI, qui se souvient ? L’amnésie contemporaine affecte autant le souvenir du passé que la mémoire de l’avenir. Le citoyen ne sait plus qu’il a le pouvoir d’élire des gouvernants pour accomplir un dessein commun. Encore faudrait-il que le citoyen se soucie des autres et notamment de la pauvreté. Que demande l’individu contemporain sinon qu’on défende ses intérêts, peu importe l’état global de la société. Un historien s’est interrogé sur la docilité avec laquelle les classes moyennes et bourgeoises ont laissé faire le génocide juif en 1940. Il a trouvé un élément de réponse. Le régime nazi s’occupait de subvenir aux besoins matériels des gens de bonne classe et ces derniers n’en demandaient pas plus. Ils ont pratiqué le déni. A la limite, on peut leur accorder de ne pas avoir été bien informés. En 2010, l’information est accessible. Sans doute y a-t-il trop d’information pour que les citoyens captent ce qui est essentiel. Et puis, comme le souligne Zygmunt Bauman dans son dernier chapitre de la société assiégée, nous sommes tous devenus spectateurs. Traduction, nous n’agissons plus. Et j’ajouterai, nous ne pensons plus. Car penser, c’est déjà agir. Un déni généralisé se dessine. Nous constatons la pauvreté mais nous nous trouvons des excuses. C’est le système, c’est la crise. Les plus malléables sont les cibles des politiciens sans vergogne, n’hésitant pas à désigner, que ce soit en Angleterre, en Allemagne, Autriche, Italie ou France, des boucs émissaires. Bref, le résultat, c’est que s’il existe une solution pour limiter les dégâts et même redonner un peu d’espoir dans l’avenir du vivre ensemble, eh bien cette solution ne sera pas examinée. Réfléchir, cela demande un effort et une lucidité. C’est plus facile de pratiquer le déni, l’attentisme et la docte désinvolture consistant à gémir contre les méchants désignés, les coupables montrés dans les médias et se contenter des préposés à l’analyse altermondialiste dont le salut est dans d’improbables taxes.
La dette et les déficits budgétaires sont le fait des Etats. Ce sont eux qui ont endetté les contribuables, en dépensant sur la base d’une croyance en une croissance pourtant mal assurée, singeant en ce sens les propriétaires crédules ou escroqués avec les subprimes, qui se sont endettés, croyant être certains de rembourser, en misant sur une bulle censée apprécier leur logement au moment de la revente.
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Un plan monétaire pour sortir de l’impasse de la dette et des déficits, est-ce possible ? Oui, mais deux conditions doivent être respectées. D’abord le volume financier mis en jeu. Il doit être de grande envergure. Disons entre cinq et dix pour cent du PIB européen. Soit, pour fixer les idées, 750 à 1500 milliards d’euros. Deuxième condition, ce plan doit viser la réduction des inégalités sociales et suppose que les gens fassent preuve d’un sentiment de générosité à l’égard d’autrui. Les principaux obstacles à la résorption de la crise ne sont pas économiques mais psychologiques. Les rigidités finissent mal… en général !
Le principe, c’est de contourner les banques. Autrement dit, ne plus demander des crédits et ne pas s’embarquer dans des mesures de régulation ou bien une fiscalité bien improbable tant la globalisation a fait qu’on ne sait plus qui est propriétaire des capitaux. Alors, l’idée, c’est de créditer la BCE d’une quantité de monnaie destinée à rééquilibrer les solvabilités par un mécanisme que je soumets aux analystes. Une éventualité serait de rembourser les créanciers par anticipation. Mais cela ne ferait qu’entretenir le différentiel de solvabilité entre les riches et les pauvres. L’astuce consiste à créditer mensuellement un compte bancaire spécial que chaque banque, créditée par la BCE, pourra octroyer à un contribuable, personne seule ou couple, avec éventuellement des enfants. Cette allocation doit être calculée proportionnellement au PIB de chaque pays. A vue de nez, le calcul permet d’allouer à un Français ou un Allemand 300 euros supplémentaires, et disons 500 pour un couple. Bien évidemment, cette allocation doit entrer dans le calcul de l’impôt. Ce qui signifie qu’une partie de cette allocation servira directement à renflouer le budget de l’Etat et une autre partie indirectement si on suppose que les gens vont consommer plus, surtout ceux dont les ressources actuelles sont faibles, d’où des entrées de TVA.
Qui dit consommation dit croissance. Et pour ceux qui ont déjà ce qu’il faut, cette épargne pourra servir aux investissements et donc, croissance en perspective. Cela ressemble à un tour de magie. Sauf qu’il n’y a pas de trucage. En supposant qu’on maintienne pendant dix ans ce dispositif, cela pourrait conduire à une croissance qui se fait non pas par les hauts revenus mais par la périphérie et donc, une croissance équitable.
Mais cette solution ne peut marcher que si elle est encadrée par une volonté politique et un nouveau contrat social passé entre les citoyens qui, une fois pour toutes, ont liquidité les illusions de la volonté générale pour opter envers une règle du jeu économique et financier nouvelle. Examinons les conséquences de cette allocation universelle. Les uns penseront que cet afflux de monnaie risque de peser sur l’inflation. Mais plusieurs mécanismes s’opposent à l’inflation. D’abord la BCE qui forcément sera amenée à monter ses taux d’intérêt. Ce qui limitera du reste les opérations spéculatives et autre LBO, et donc, la ponction des financiers sur le système. D’un autre côté, cette allocation permettra de limiter la tension salariale. Et si la sagesse l’emporte, les salariés sauront se passer des deux points d’augmentation annuels représentant 20 euro pour un smicard, ou 40 euros pour un technicien payé 2000 nets, du moment qu’ils engrangent 300 euros d’allocation européenne et pareil pour les autres salariés. L’effet à terme sera un nivelage des revenus. Enfin, la tension sur les prix liée à l’afflux de monnaie sera largement absorbée par la capacité productive du système. Le seul écueil serait la baisse de l’euro et le renchérissement des importations. Mais n’a-t-on pas reproché à l’euro d’être trop haut ?
Au final, inflation limitée, afflux de monnaie dans le système, irrigation de la tierce économie, stabilisation du budget, rentrées fiscales. D’autres leviers pourraient servir à limiter les dépenses et rééquilibrer les comptes publics. Par exemple, jouer d’un mécanisme pour diminuer les retraites les plus élevées en recalculant les montants. Je prends un exemple. Une réduction de dix pour cent. Un retraité touchant 3000 euros de retraite sera amputé de 300 euros qu’il récupèrera sous forme d’allocation. Un retraité touchant 1000 euros perdra 100 euros, d’où une augmentation de 200 euros au final. Allez, on négocie, cinq pour cent et retraites bloquées quelques années si pas trop d’inflation. Tout est à étudier pour réaliser un rééquilibrage équitable, politique salariale incluse. Et puis, une idée en passant, la retraite avec un unique montant pour tous.
Ce plan d’allocation monéthique ne peut que s’imposer et constituer plus qu’une bouée de sauvetage pour les pays de la zone euro et même le Royaume-Uni qui face à la menace d’une rigueur insupportable imposée aux Britanniques, trouvera dans ce dispositif un moyen pour réduire le marasme social. Même chose pour tous ces pays au bord du gouffre, Grèce, Portugal, Espagne. Et puis, cette allocation n’est-elle pas la juste rétribution des Etats européens face aux dettes éthiques dont ils portent la responsabilité, des dettes contractées à l’égard des populations déclassées à cause de la cupidité et de la désinvolture pratiquée à l’égard des marchés mais aussi des dépenses publiques. Le sauvetage de la zone euro est à portée d’homme. Une décision et c’est le navire européen qui pourrait être renfloué. Et puis 300 euros par mois, ça ne se refuse pas quand on est un contribuable de la zone euro ! Et puis merde !
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Maintenant, vous pouvez sortir du rêve. C’était en vérité un tour de magie. Je vous explique le trucage. Je n’ai pas triché dans la partie économique, tout est possible, calculé, réalisable, faisable, une économie plus équitable, une résorption des trop grands écarts de revenus et une réduction de la pauvreté. Le trucage n’est pas économique mais anthropologique. J’ai tout simplement voilé une partie du décor, comme dans un tour de magie où on détourne l’attention. J’ai juste occulté la nature humaine. L’égoïsme, la cupidité, le mal ordinaire si bien analysé comme déni par Zygmunt Bauman, bref, tous ces ingrédients faisant que l’homme, par on ne sait quel décret ontologique, semble voué à et la tragédie. De ce point de vue, 2010 risque de ressembler à 1940.
Notre époque est assez étrange. On pourrait même y lire une sorte de fascination du naufrage. Un nihilisme diffus et généralisé qui ne ressemble pas à celui de l’Allemagne de Guillaume II puis de Weimar, ce nihilisme dont Leo Strauss nous dit qu’il est la volonté de détruire les valeurs matérialistes de la civilisation occidentale. Notre époque est plutôt celle d’un nihilisme de la désaffection, de l’errance, de la liquidité des valeurs, de l’indifférence à la civilisation. Il faut bien tenter de trouver une explication au fait que les gouvernants, les intellectuels, les citoyens passent à côté d’une solution monétaire permettant de renflouer la société, à moins que la piste des aveuglements para-hédonistes n’expliquent cette indifférence des gens moyennement lotis. On peut aussi envisager, hypothèse connivente avec la précédente, que d’habiles calculateurs aient en tête l’idée de maintenir les Etats endettés, car c’est une source de revenu considérable et de plus, cela maintient les sociétés en état d’asservissement. Une aubaine cette dette ? Pourquoi pas, pour ceux qui veulent justifier la réduction des dépenses publiques. Quelques eurocrates ne sont pas mécontents. L’Europe y gagnerait quelques points de compétitivité, enrayant son déclin. Mais est-ce un bon calcul que de jouer le dynamisme économique en effectuant des amputations sociales ? Etrange, cet abîme, ces pays qui vont dans le mur, ces économistes incapables de dire la vérité sur une mesure de sauvegarde plus que salutaire, une mesure simple reposant sur un recadrage rendu d’autant plus négociable qu’Angela Merkel et Christine Lagarde songent à revoir le pacte de stabilité. Mais il ne faut pas rêver.
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