Il faut trouver une solution politique à la crise Ukrainienne
Jour après jour, l'Ukraine semble s'enfoncer un peu plus dans le chaos. L'inflexibilité des parties en présence, dont les discours rappellent de bien mauvais souvenirs en Europe, ne laisse pas entrevoir de solution politique prochaine. Comment pourrait-on sortir de cette impasse ?
Pour tenter d'améliorer l'objectivité d'analyse concernant cette crise, il peut s'avérer utile d'utiliser le principe de symétrie, en imaginant la même situation mais avec des pays différents. Ainsi, imaginons que le Kurdistan Iranien réalise un référendum sur son indépendance, et que, en réaction, Téhéran envoie des chars pour contrer l'insurrection. Quelle serait, dans ces circonstances, la réaction de l'Occident ? On peut aussi imaginer une situation similaire au Tibet, ou encore, plus proche de nous, en Catalogne. Très probablement, l'Occident prendrait le parti des insurgés, ou, dans le cas de la Catalogne, trouverait la réaction disproportionnée. Le cas ukrainien semble donc bénéficier d'une spécificité de traitement.
Cette spécificité découle de la ligne politique choisie par les Occidentaux, vis à vis de la Russie, qui consiste à contrer systématiquement ce pays, plutôt que d'essayer de répondre aux attentes de la population. Ainsi, en décrétant que tous les Ukrainiens qui ne voulaient pas rejoindre l'Union Européenne étaient forcément financés ou endoctrinés par Moscou, les pays occidentaux ont tronqué la réalité, en masquant les divisions du pays. Car la méfiance des russophones vis à vis des nationalistes ukrainiens est extrêmement forte, et cette présence demeure anxiogène, même si les nationalistes ne représentent qu'une petite partie de MAIDAN et leur score à l'élection présidentielle reste faible.
Or, les européens n'ont rien fait pour dissiper ces craintes, et une des premières lois du nouveau parlement, réalisée sous la pression des nationalistes, a consisté à interdire la langue russe. Même si on ne peut pas savoir qu'elle forme prendra cette interdiction – il semblerait que la loi va être annulée – rappelons que du côté ouest de l'Europe il faut remonter à Franco pour trouver un cas similaire, avec l'interdiction de parler le basque et le catalan. On peut donc acter que les craintes des russophones ne sont pas complètement illégitimes.
Ainsi, il aurait fallu, dès le début de la révolte en Crimée, proposer une solution politique en organisant un référendum sous l'égide de l'ONU, validé par le conseil de sécurité, qui proposerait, dans chaque région ukrainienne, le choix entre le statu quo, l'autonomie, l'indépendance, le rattachement avec le Russie ou le rattachement à l'Union Européenne. Un vote libre aurait permis de mieux percevoir les attentes des Ukrainiens et d'éviter cette mascarade démocratique avec ces référendums organisés par des miliciens armés, sans contrôle extérieur, sans question claire et sans débat. Or, en adoptant une position systématiquement anti-russe, les occidentaux préfèrent laisser l'Ukraine s'enfoncer dans la guerre civile plutôt que de prendre le risque d'un référendum honnête, qui pourrait ouvrir la voie du rattachement. Cette position anti-démocratique cautionne le renforcement des extrêmes de chaque camp et donne des arguments à ceux qui dénoncent l'utilisation par les Occidentaux de la rhétorique des droits de l'Homme comme un moyen impérialiste déguisé.
De même, en refusant de consulter la population, les Occidentaux renforcent le pouvoir autoritaire de Poutine, qui saisit l’occasion pour apparaître comme un défenseur de la culture russe contre l'impérialisme occidental. Et après les Ukrainiens, ce seront malheureusement les Russes qui pâtiront de cette stratégie catastrophique, car les perspectives de développement d'une presse et d'une opposition libre en Russie s'éloignent un peu plus.
Pour éviter ce scénario noir, il est urgent que l'Union Européenne réoriente sa politique, convainc les États-Unis de faire de même, puis négocie avec la Russie et l'Ukraine la mise en place d'un processus politique, sous l'égide de l'ONU, qui respectera la volonté des citoyens ukrainiens. Il faudrait aussi que l'Union Européenne mette en place avec la Russie une feuille de route visant à atténuer les points de divergences. La réalisation d'un tel processus est fondamental pour garantir la stabilité du continent. Il permettra aussi à l'Europe de s'interroger sur sa dépendance militaire vis à vis des États-Unis.
Tout comme les Syriens qui payent de leur sang les jeux d'influences des grandes puissances, les Ukrainiens risquent de s'enfoncer dans une guerre fratricide, téléguidée par l'extérieur. Pour éviter cette situation, l'union européenne doit proposer une alternative politique respectueuse des attentes de la population. Espérons que le fragile cessez le feu obtenu il y a quelques jours ne soit que le début de ce processus qui ouvrira la route vers un véritable plan de paix.
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