Il n’y a pas de cas désespéré
Matins et soirs, je promène mes chiens sur les berges de la Maine, belle rivière insensible aux agitations de cette ravissante ville d’Angers. Cette promenade méditative se prête à des rencontres simples que j’aime bien. SAADIA promène aussi son chien tous les jours. Non ce n’est pas le début de l’aventure que vous croyez....
Saadia, 53 ans, larguée par son mari, par son fils (disparu, drogue !), « surendettée », un physique et un langage de poissarde avinée, (elle ne boit pas, une vie antérieure peut-etre !) mais grosse travailleuse à mi-temps depuis 10 ans, comme commis de cuisine (600 € net/mois, dont il faut déduire 250 de loyer et 100 de cigarettes).
ACTE 1 : relarguage
Les anciens patrons de SAADIA viennent de vendre leur restaurant. Mi-juillet, les nouveaux patrons lui imposent du jour au lendemain sans concertation (il paraît que c’est normal dans la profession) un job moins intéressant (plonge), un cuisinier gueulard et macho et surtout des nouveaux horaires qu’elle ne peut pas tenir, faute de voiture (pas d’argent) et de transports en commun (trop tard le soir). D’où clash, et grosse galère : plus d’argent, les indemnités chômage pas avant 2 mois et plus rien à bouffer, heureusement il lui reste son chien.
ACTE 2 : Zorro est arrivé
Zorro, c’est moi, voisin de SAADIA, surfeur impénitent (3h/j) sur agoravox, et autres sites citoyens, qui a une profonde estime de notre monde politico-affairo-médiatique…. un vrai « looser » aux yeux de nos bling bling. Je décide de passer à l’acte car j’ai (un peu) de temps (retraité) et plus de moyens que SAADIA : Je demande à SAADIA de venir chez moi à 10h tous les matin. On passe notre temps à téléphoner, surfer, aller voir les agences d’intérim, faire du porte à porte, en clair je la « coache » au réel (avec mon véhicule) comme au figuré.
Quelques observations avant de passer à l’ACTE 3 :
Je me suis dit qu’en période estivale, les entreprises doivent recruter des remplacants « à la pelle ». Ce n’est pas évident du tout. Les prescripteurs sont amorphes et ne parlent que de la reprise en septembre.
On nous rabache dans les oreilles que le secteur hotelier est toujours en recherche de main d’œuvre... c’est faux du moins sur Angers et sa région. A mon avis, ils ne veulent pas de « bimbos de 53 ans ».
L’ANPE, ouille, ouille !!! au positif il faut avouer que leur site est plutôt opérant, quand on le maîtrise bien. Au négatif, les agents que nous avons vus sont ternes, désabusés sans enthousiasme, pas vraiment vendeurs. Je n’ai pas du tout apprécié qu’ils se débarrassent de SAADIA en lui disant d’aller voir les sites internet (elle ne sait pas s’en servir) dans un cyber café (elle n’a pas d’argent). Autre point négatif, les demandeurs d’emplois doivent fournir des lettres de motivation : c’est ridicule et inutile pour un poste de commis de cuisine.
Les Agences d’intérim : à Angers il y a une grande agence qui a affiché sur sa vitrine « recrutons immédiatement 80 intérimaires pour usine de fabrication de brochettes, steacks hachés ». Tous les 2 jours nous appellons l’agence pour ce poste. A chaque fois la réponse est la même » le temps est trop mauvais, la demande en brochettes baisse, rappellez quand il y aura du soleil ». Même le temps s’en mèle pour des grandes entreprises qui ont l’air de naviguer au jour le jour !!! A moins que cette annonce ait un intérêt que j’ignore ! Pourquoi maintenir une telle annonce bien en évidence.
ACTE 3 : SAADIA a trouvé un emploi
Un matin tôt, visite des sites ouest-france.fr, anpe.fr, je vois une annonce du jour « recrute remplacant commis de cuisine » dans un hopital à 500 m de chez SAADIA , envoyer CV et lettre de motivation (encore !).Tant pis pour la forme, je fonce. A 8h 30, j’appelle cet hôpital et demande un RDV pour 10h qui est accepté, je réveille SAADIA, l’emmène… c’est gagné.
CONCLUSION PERSONNELLE
Un chômeur dans la galère totale, n’est plus un demandeur d’emploi mais un dépressif, sans force. Il faut que des professionnels ou des bénévoles le portent à bout de bras physiquement et moralement, et ce de façon professionnelle (pas en le traitant « par-dessus la jambe » comme certains). Cette recherche a occupé la moitié de mon temps pendant 1 mois. C’est du lourd, mais on peut y arriver !
Quant à SAADIA, elle a un gros coeur, elle a beaucoup donné auparavant. Elle mérite que l’on s’occupe d’elle.
NB : Ne pas attendre grand-chose des structures existantes, elles font ce qu’elles peuvent mais « elles peuvent peu ».
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