Il y a trente-deux ans, Jean-Michel Nicolier donnait sa vie pour la liberté
Il y a trente ans s'achevait la bataille de Vukovar, haut-lieu de résistance de la jeune Croatie qui venait de proclamer son indépendance d'une Yougoslavie communiste dont la population ne voulait plus. Chacun se souvient de la terrible répression des forces serbes, des massacres de civils, de cette fameuse "épuration ethnique" qui est entrée dans le langage courant depuis.
Vukovar, ville frontalière avec la Serbie, fut martyrisée par l'armée régulière yougoslave et les redoutables milices d'assassins chargés de terroriser la population, les fameux "tchetniks". A l'issue des combats, les combattants croates survivants furent rassemblés puis torturés et exécutés comme il se doit pour une partie d'entre eux, et envoyés en camps de concentration pour les autres.
Parmi les victimes, un jeune français originaire de Vesoul, Jean-Michel Nicolier, 25 ans à peine. Indigné par les exactions serbes en Croatie, il avait rejoint les rangs de la résistance croate pour mettre ses actes en accord avec ses idées. Une jeunesse de terrain, une jeunesse qui "discute" par l'action. Une jeunesse avec d'autre idéaux que l'arrivisme et le compte-bancaire. Il s'est battu avec courage et loyauté pour défendre une patrie autre que la sienne, mais avec des valeurs communes : le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, le rejet du totalitarisme, la défense des faibles et des humbles.
Parmi vous, certains se souviennent peut-être de la scène filmée à l'hôpital de Vukovar, où il relatait les dernières heures de la bataille (inclut dans cette vidéo) :
https://www.youtube.com/watch?v=D0p3i4wbkaU
Les serbes ne feront pas dans la dentelle, puisque même les infirmières du centre de soins seront déportées et torturées. On connait la suite du conflit, la guerre de Bosnie, deux cent mille morts, et le dénouement en 1995.
En Croatie, Jean-Michel Nicolier est un héros national, un pont sur la rivière Vuka porte son nom. "Né français, mort en croate" "Rođen kao Francuz, umro kao Hrvat" est l'expression la plus utilisée pour raconter son histoire dans les écoles locales. En France, il est inconnu, ignoré par les médias peu soucieux (surtout dans les années 1990) de mettre en avant des héros armés. Il a probablement été assassiné le 20 novembre 1992, avec d'autres bléssés croates et deux journalistes de Zagreb.
Ses assassins n'ont jamais été condamnés, protégés par la Serbie et la Russie malgré quelques procès sans issue. Malgré tout, son engagement n'aura pas été vain, puisque la Croatie aura gagné son indépendance, en récupérant tous ses territoires, en 1995.
Jean-Michel Nicolier est le symbole de ces jeunes idéalistes français, altruistes et volontaires, dont le courage allié au sens du devoir et au don de soi auront fait la réputation de notre nation de par le monde. Autrefois légionnaires, baroudeurs, les Lafayette ont aussi fait notre réputation d'idéalistes. Il aurait pu vivre une vie de petit bourgeois, travaillant pour que d'autres s'enrichissent sur son dos, planqué devant sa télévision, mais il a préféré risquer de mourir jeune en défendant ses convictions. Une attitude dans la pure tradition chrétienne et patriote qui conduisit aussi, en d'autres temps, de jeunes français à gagner Londres pour continuer le combat contre les oppresseurs.
L'an passé, France 2 avait consacré un documentaire au séjour de ses parents à Vukovar, à la recherche d'une vérité encore difficile à établir aujourd'hui. Sur place, les tensions demeurent, les communautés s'ignorent, chacun a son quartier et ses écoles. L'alphabet cyrillique serbe est interdit en ville, des associations d'anciens prisonniers des camps serbes y veillent : le "vivre-ensemble" semble impossible après les massacres du passé.
On s'étonnera de l'absence totale des commémorations de ce jeune héros franco-croate dans l'hexagone. Pas un mot dans la presse, sur les chaines-info. Est-ce son combat pour défendre une patrie, ses origines trop France profonde qui indisposent certains médias ? Quand on nous sert comme exemples pour la jeunesse des voyous de banlieue, des rappeurs idiots et des footballeurs millionnaires, quelles sont les valeurs à transmettre : Le "vivre-ensemble" par le fric, les trafics et l'assistanat ?
Le sacrifice de Jean-Michel Nicolier est pourtant plus porteur de valeurs humanistes que les actions des jeunes contemporains mises en avant par les médias (par exemple Adama Traoré et sa soeur, Théo d'Aulnay, les casseroles de la TV-réalité...) mais tout a une logique. En France l'an passé, un film sur le groupe de rap NTM, un duo de rappeurs bêtes et incultes qui braillaient des âneries pour vendre des disques à des cas sociaux qui ne cherchaient ni à se cultiver, ni à s'occuper des autres, voilà qui intéressait davantage nos réalisateurs qu'un opus sur un brave gars mort au combat pour défendre une juste cause à la même époque, en 1991. Le pognon contre le don de soi, le capitalisme contre le patriotisme et l'idéalisme. Entre Jean-Michel Nicolier et Joey Star, il y a effectivement un conflit de civilisation, l'un est exemplaire, l'autre est inutile. La fumée du fusil pour l'un, celle du cannabis pour l'autre. A chacun ses combats me direz-vous. Ceux des héros morts au champ d'honneur seront toujours préférés par les usagers du cerveau. Alors que Napoléon sort en salle gràce à Ridley Scott, rappelons-nous tous ces jeunes français partis à la conquête du monde porter nos étendards, à commencer par celui de la souveraineté des peuples.
Que Jean-Michel Nicolier repose en paix, il restera un exemple autant pour les jeunes croates que pour les jeunes français.
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