Immigration : Des murs ou des ponts
En hordes, puis en armées, en groupes ou tout simplement en solitaire, l’homme demeure un migrant. Ou un émigré. Fidèle à son alchimie unique, telle que l’a voulue la nature, il le restera au fil de son histoire. Jusqu’au terme de son voyage, c’est-à-dire de son extinction. Un éternel chercheur. Un chemineau qui, à présent plus que jamais, est destiné, après avoir coupé le cordon familial, d’aller tel un nomade, de métier en métier ou d’employeur en employeur, de ville en ville et même de pays en pays.

En quête de nourriture ou de richesses, de savoir, de confort, de bonheur improbable, ou bien de paix intérieure et, pourquoi pas, de curiosité, mais surtout d’espoir, il ira ainsi d’immigration en immigration, génération après génération.
Nul ne pourra interrompre cette démarche inexorable inscrite à jamais dans ses gênes, car telle doit être sa vie. Riche, donc apparemment repu, ou pauvre, donc affamé, pétri d’intelligence ou dépourvu de connaissances, il ne cessera d’aller vers un « ailleurs », comme il l’a toujours fait depuis la nuit des temps. Ainsi le veut son évolution. Et lorsque la terre ne lui suffira plus, il prendra très vite le risque, qui sait, d’émigrer quelque part dans la…stratosphère.
Pourquoi donc s’évertuer, ici et là, aujourd’hui plus encore qu’hier ou avant-hier, à continuer de mettre sur sa route des obstacles destinés, du moins le croit-on, à le décourager ou le rejeter ? Il ne sera que retardé dans son aventure. Depuis le jour où il s’est mis debout, la « bougeotte », ingrédient majeur de la survie de son espèce, l’abreuve et ne se tarira jamais.
Le désespoir qu’on a voulu et voudrait encore, lui inoculer, quelquefois dans le sang ou la mort, ne sera pas pour lui, mais au contraire pour ceux qui, parmi ses semblables, installés dans un sédentarisation bancale, veulent l’éloigner, le tenir à l’écart, sous le faux prétexte de se protéger de lui, tout en oubliant, les malheureux, que leurs ancêtres ainsi qu’eux-mêmes, dans une période de leur parcours, ont été identiques à lui.
Sans avoir à remonter dans la préhistoire où fourmille cette paradoxale invention de la barrière défensive et donc du combat, la période dite moderne de l’épopée humaine est jalonnée d’innovations qui n’ont cessé de témoigner de leur inutilité. Les mers si profondes soient-elles et les montagnes si hautes jusqu’à caresser le ciel, n’ont pas réussi à stopper les migrations. Ni les frontières, tracés biscornus et dérisoires qui changent au fil des ans et des traités. Ni les nations, mosaïques fragiles qui ne pourront résister à l’usure du temps comme l’ont été les grottes de l’âge du feu. Et encore moins les empires, conglomérats destinés à exploser comme il y a peu, l’URSS ou la Yougoslavie à la Tito.
A quoi a servi la légendaire muraille de Chine ? Tout comme les villes fortifiées d’antan ? Beaucoup plus près de nous, le mur de Berlin n’a duré que l’espace d’une seconde dans l’horloge du Temps. Il en sera de même pour son petit frère de la honte, en Israël, ou bien les barbelés et les chiens, au Maroc le long des enclaves espagnoles, ou aux Etats Unis à la frontière du Mexique. Idem pour les surveillants des mers qui s’époumonent en d’inutiles chasses méditerranéennes, et les « patries » dont les chants ne résonnent plus que dans les stades.
Les prisons, centres de rétention, ministères et ADN, passeports et visas, aides financières, canons et bombes n’y pourront rien. L’homme restera l’homme. Debout et le regard fixé sur d’autres horizons. Fasciné par le flux et le reflux de la mer, sa source, qui doivent l’entraîner vers ses propres rêves, sa destinée. C’est ainsi qu’il puise son énergie et donc sa force.
Alors à quoi bon, par exemple, des barrières et encore des barrières alors qu’il est établi, scientifiquement cette fois, que les peuples qui les érigent, en Europe surtout, auront besoin à moyen terme et en masse, des bras, des cerveaux, de la sueur ou du sang des migrants afin de continuer à subsister ? Ont-ils oublié qu’ils ont déjà eu à faire appel à eux pour se construire ou bien se reconstituer ? Choisir l’autre, l’étranger, comme on le faisait pour les esclaves, ne suffira plus, n’en déplaise aux rois et présidents. Ceux-ci auront au contraire à ouvrir largement leurs portes, à défaut de leurs cœurs, à ceux qu’ils nomment encore aujourd’hui les « désespérés » ou les « clandestins ». S’étant empressés de les ouvrir depuis longtemps au fric (par tonnes de préférence et d’où qu’il vienne) pourquoi continuent-ils à les fermer aux hommes, leurs frères ?
Pourquoi des murs ? Pourquoi pas des ponts ?
On peut illustrer ce débat sur l’alternative "murs ou ponts" avec cet échange entre Philippe Douste-Blazy, Boris Cyrulnik et Jean-Marie Le Pen chez FOG (1ere vidéo à partir de 16 min 30).
9 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON