Impossible capitalisation
Le principal effet de la réforme Macron, si elle est mise en œuvre, sera de faire baisser le montant des retraites. Un des objectifs, plus ou moins affiché, serait d'inciter les français à opter pour une retraite "par capitalisation". Nous allons voir dans cet article pourquoi c'est impossible.
Tout d'abord, quelle est la différence entre les retraites par répartition et par capitalisation ?
- Dans la retraite par répartition, les cotisations des actifs permettent de payer les pensions des retraités.
- Dans la retraite par capitalisation, les actifs cotisent à des fonds de pension, qui placent l'argent, pour le restituer plus tard au retraité.
Actuellement, tous les pays avancés ont une retraite par répartition. Au mieux, la capitalisation est un appoint.
Pourquoi il est impossible de passer à la capitalisation
Dans les pays développés, les pyramides des âges tendent à devenir de moins en moins "pyramidales". Pour la clarté du raisonnement, imaginons un pays où toutes les classes d'âges ont le même effectif, de 0 jusqu'à 80 ans.
Dans notre pays imaginaire, tout le monde commence à travailler à 20 ans, prend sa retraite à 60 ans et vit jusqu'à 80 ans. La vie active dure donc 40 ans et la retraite dure 20 ans. Le pays dispose d'un système par répartition et les retraités gagnent autant que les actifs. Par conséquent, si un actif gagne 3000€, alors 1000€ sont prélevés pour payer les retraites et il lui reste 2000€.
Survient une réforme. On décide de passer à la capitalisation. 1000€ par mois sont donc prélevés pour alimenter un fonds de pension.
Jusqu'ici, tout va bien.
Le petit problème, c'est que les retraités n'ont pas disparu pour autant, qu'ils n'ont pas de fonds de pension et qu'il faut toujours prélever 1000€ pour payer leur retraite ! Notre salarié voit donc ses revenus diminuer de moitié : il ne lui reste plus que 1000€ par mois.
On constate ainsi que le passage de la répartition à la capitalisation est possible... à condition d'euthanasier tous les retraités actuels, et aussi tous ceux qui arriveront à l'âge de la retraite pendant une quarantaine d'années, le temps que le fonds de pension ait acquis une maturité suffisante.
En fait, le passage de la répartition à la capitalisation imposerait à la génération intermédiaire de payer deux fois la retraite.
C'est évident. Cela montre de façon immédiate et indiscutable que c'est impossible. Pourtant, personne ne le dit et je me demande bien pourquoi.
Les faux arguments de la capitalisation
Les tenants de la capitalisation ont développé une série d'arguments, tous plus farfelus les uns que les autres.
Le plus drôle consiste à dire les salariés cotiseraient pour leur propre retraite et non pour celle de leurs aînés. C'est une escroquerie pure et simple, car de toutes façons, ce sont les actifs qui créent les richesses. In fine, ce sont donc toujours les actifs qui paieront les retraités, quel que soit le système utilisé ! Les fonds de pension de vous mettront jamais à l'abri d'une baisse de la natalité. Par contre, ils exposeront votre retraite aux risques boursiers !
Les fonds de pensions apporteraient aussi aux entreprises les capitaux dont elles ont besoin. Dans cette vision des choses, nous manquerions d'épargne pour investir. En fait, l'épargne des français atteint déjà des niveaux records sans fonds de pensions. Si l'épargne déjà existante était investie dans le secteur productif, nous aurions sûrement un pays plus prospère.
Les fonds de pensions seraient plus intéressants que la répartition car l'argent fructifie. Un euro investi dans un fonds de pension rapporterait donc deux ou trois euros quarante ans plus tard, alors qu'un euro reste un euro dans le système par répartition. L'hypothèse implicite de ce raisonnement, c'est qu'il y a une croissance économique. Cependant, vous bénéficierez aussi bien de la croissance dans un système par répartition ! En effet, là où vous avez cotisé 1€ à 20 ans, les générations suivantes cotiseront 2 ou 3 euros quarante ans plus tard pour payer votre retraite !
Les risques de la capitalisation
Je ne crois pas que le risque de krach boursier soit le plus à craindre. Les partisans de la capitalisation ne se privent pas d'exhiber des graphiques qui montrent que sur de longues périodes, les crises boursières sont effacées.
Un premier risque, c'est que votre future pension soit absorbée par des frais importants. Alors que la sécurité sociale redistribue pratiquement tout l'argent qu'elle collecte, il en va autrement des entreprises privées, qui en gaspillent une grande partie en dividendes, publicités, rémunérations pharaoniques de leurs dirigeants, corruption, frais généraux... Je ne suis pas sûr que les retraités retrouvent tous leurs petits.
Un second risque est la "soviétisation" de l'économie. Si les retraites tombent aux mains de fonds de pensions géants, ceux-ci feront la pluie et le beau temps dans toutes les entreprises, comme le faisait le "Gosplan" en Union Soviétique. Je suis toujours étonné que les néo-libéraux ne perçoivent pas ce risque...
Enfin, un troisième risque, c'est que l'argent des retraites, au lieu d'être investi utilement, serve à gonfler des bulles spéculatives aussi improductives que dangereuses. Nous en avons trop vu au cours des dernières décennies pour ne pas nous méfier !
Pourquoi la capitalisation a-t-elle des partisans ?
Résumons : la capitalisation est pratiquement impossible à mettre en place, elle n'a aucun avantage et introduit de nouveaux risques.
Alors pourquoi a-t-elle des partisans ?
Tout simplement parce qu'il y a des capitalistes !
Avec la sécurité sociale, les capitalistes ne gagnent rien. Par contre, avec des fonds de pensions aux mains de firmes privées, de juteuses opérations seraient possibles !
Les partisans des fonds de pensions sont donc les capitalistes.
Et aussi les gogos !
Source de l'illustration :
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