Indignation à dimension variable
Les voies des médias sont impénétrables. Hier adulé, le rabelaisien Gérard Depardieu fait désormais l'objet d'un lynchage médiatique pour avoir envisagé de recourir à un exil fiscal. Deux poids et trois mesures. Le ministre Cahuzac qui n'a en rien démontré l'inexistence d'un compte non déclaré en Suisse ne voit pas sa présence au gouvernement remise en cause. De leur côté, Tsonga et Gasquet, exilés fiscaux notoires ont tranquillement reçu la légion d'honneur. Cerise sur le gâteau, François Chérèque en devenant à 56 ans haut fonctionnaire par la seule grâce du gouvernement se voit offrir un bon salaire et une retraite dorée.
Décidément, en ce début d'année 2013, la France s'enfonce dans une ambiance irréaliste. Les murs de Matignon ne sont pas assez épais pour empêcher le principal locataire d'être touché par l'arrogance et la bêtise en qualifiant un citoyen de "minable". Un dérapage verbal totalement incompréhensible pour l'écrivain russe Boris Akounine qui déclarait dans les colonne du Monde, "Je crois que Gérard Depardieu a tellement fait pour la France, pour le cinéma mondial et la culture en général qu'il a le droit de prendre n'importe quelle décision personnelle sans se faire insulter".
Le Premier ministre est en revanche beaucoup plus indulgent pour les membres de son gouvernement. L'affaire Cahuzac témoigne de l'embarras de la gauche face à ses propres dérives et de son incapacité à renouer avec une morale publique irréprochable, quitte à errer en zone grise. Michel Deléan sur Mediapart rappelle ce qui pour lui relève de l'évidence : "en politique le respect de la loi n’est pas tout. Il faut aussi tenir compte de l’éthique et de la morale publique. Or à gauche, peut-être plus qu’ailleurs, les élus sont tenus à un devoir d’exemplarité".
C'est au nom de cette exemplarité que les tennismen Gasquet et Tsonga n'auraient jamais dû être décorés de la légion d'honneur. N'en déplaise à Najat Vallaud-Belkacem, porte-parole du gouvernement, dont les explications ont été pour le moins ampoulées : "Il faut faire attention au procès d'intention. Il y a une différence à faire entre les gens qui choisissent d'aller habiter autre part pour mobilité profesionnelle, on en connaît tous, et ceux qui clament haut et fort s'exiler fiscalement pour éviter d'apporter leur contribution au juste effort à fournir en période de crise".
Or sur le sujet, celui de l'exil fiscal des sportifs et notamment des tennismen, comme le souligne RTL, le gouvernement ne peut feindre les ignorants puisqu'en en juin dernier, Yannick Noah et Guy Forget, avaient été auditionnés par une commission d'enquête du Sénat sur l'évasion fiscale. Yannick Noah qui avait déjà fait grincé quelques dents en raison de ses ennuis avec le fisc pour sa prestation lors du meeting du candidat Hollande au Bourget.
Cette complaisance avec l'éthique est illustrée par a nomination de François Chérèque, ancien dirigeant de la CFDT, à l'Inspection générale des affaires sociales. Prompte hier à dénoncer les faveurs du prince sous Sarkozy, la gauche, sans que cela remette en cause les qualités de l'intéressé, fait aujourd'hui de même. Quitte d'ailleurs à marquer la CFDT du fer rouge de la suspicion de collusion avec le PS et de creuser un peu plus le fossé de la défiance entre les français et leurs élites, toujours promptes à s'exonérer des règles qu'elles ont instituées.
Crédit photo : Georges Biard
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