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Ingénuité démocratique

La démocratie péruvienne à encore bien du chemin à faire pour qu’on la considère comme telle. Corruption, malversations, irrégularités sont encore bien trop commun dans le jargon politique péruvien héritier d’une histoire semée d’embuche. Pourtant l’élan démocratique et utopique que connait ce pays devrait inspirer une Europe démocratique qui tourne en rond.

Entre terrorisme et populisme gouvernemental l’avancement de la démocratie péruvienne a été freiné. En ce qui concerne les droits fondamentaux bien des choses sont encore à construire. Les libertés de la presse, d’opinions ou de religions restent encore précaires tout comme la situation de la femme. Le défi démocratique est énorme dans un pays qui se cherche, entre idéal et mise en pratique de celui-ci. Pour ce faire, il faudra que le pays lie ensemble les efforts individuels, collectifs, nationaux et internationaux susceptibles de briser la monotonie de ce pays qui s’accommode des exigences du marché mondial, mais qui ne se soucie peu de construire une démocratie. L’enjeu démocratique pour les années à venir sera de prendre en considération la qualité de vie des gens qui se battent pour faire valoir leurs identités multiples et qui font tout pour surmonter les difficultés et pour bâtir le pays.

Élan démocratique au Pérou…

La démocratie péruvienne fonctionne encore avec de grosses ficelles mais la fraicheur et l’énergie débordante de cette démocratisation devrait à bien des égards inspirer une Europe démocratique maussade. Il existe au Pérou un véritable engouement démocratique, on débat, on s’informe, on discute. Lors des élections régionales du 3 octobre dernier c’est tout le pays qui était à l’heure du vote. Bien sûr, celui-ci est obligatoire mais cela n’empêche pas les péruviens de se forger leur propre opinion politique et avec intérêt. Les candidats à la Marie débattant au sein des universités dans des salles combles, les télévisions et journaux locaux participant à un débat démocratique local de fond. Au Pérou on n’a pas peur de remettre en cause les dérives de l’économie de marché, de repenser un système électoral et démocratique chaotique. Les responsables politiques sont en prise directe avec la population et le débat est d’autant plus intéressant que la politique locale est concrète. On veut certainement trop bien faire par moment, la ville est défigurée par les panneaux d’hommes politiques aux mêmes sourires Colgates mais il existe cet élan, cette fougue démocratique qui manque cruellement en Europe.

…Et une Europe en panne d’idées

Si la vieille Europe démocratique à la gueule de bois on peut y voir deux raisons. Une structurelle que l’on observe au niveau mondial, les qualités de gouverneurs ne sont pas les mêmes que celles pour gagner une campagne. Ce décalage entre le candidat communicant et l’homme politique agissant est de plus en plus large. L’autre raison est conjoncturelle et résulte d’un manque de renouvellement et de proposition à gauche créant un déséquilibre politique. Deux composantes essentielles de la démocratie se meurent en Europe, la notion de débat démocratique et celle d’utopie. Elles sont intrinsèquement liés, sans idées le débat démocratique n’est pas la controverse au sens noble du terme. C’est-à-dire comprendre les points de vue, les contradictions et essayer de voir dans ces visions contradictoires ce qui relève du vrai conflit d’intérêt et du malentendu. L’utopie est utile à la démocratie et nécessaire pour un équilibre politique avec une droite conservatrice. Si l’utopie et le débat d’idée meurent en Europe, c’est que la démocratie vit la dérive individualiste décrite par Tocqueville dès 1840. Les individus renonçant à leurs prérogatives de citoyen, s’enferment dans leur particularité au lieu de participer à la vie publique.

Sortir de la boucle

Sans utopie, tout semble figé et voué à se répéter sans cesse dans un climat de désintérêt global voir de découragement total face à des élus politiques qui n’inspirent guère l’espoir. Alors on prend les mêmes ingrédients et on recommence. Les États de l’union s’enterrent dans des plans d’austérités au lieu de s’attaquer au cœur problème ultra libéral. Rigueur budgétaire puis stigmatisation des minorités en « bouc émissaire », ce qui attise une extrême droite aux aguets. Le populisme remue, né d’un désir de ne pas regarder la société en face, il créer le fantasme d’une unité sociétale et rend stérile tout débat démocratique. Enfin les manifestations contre la hausse inéluctable de l’âge au départ en retraite n’auront pour but que de mieux faire passer la pilule ultra sécuritaire après un retour à l’ordre. La formule est connue et pourtant elle marche toujours et mieux que jamais. L’union Européenne creuse sa propre tombe. La gauche européenne se trompe de combat et se regarde le nombril au lieu de regarder du côté de l’Amérique Latine de façon à retrouver un élan utopique et proposer une politique européenne mariant rigueur, plan de relance et justice sociale. En ce sens le débat d’idée est nécessaire pour faire naître la convergence. Qu’une fois pour toute on tape sur la table du marché du même poing et pas chacun de son côté, que l’utopie d’une Europe fédérale, libérale et sociale renaisse de ses cendres.

Lucas Trouillard, étudiant français en échange au Pérou.


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