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Inoculer la peur du malheur au cœur du bonheur : une publicité de l’OCIRP sur internet

Une publicité d‘un genre nouveau fait son apparition sur internet qui diffère des simples affiches sur les routes ou des placards dans les pages de journaux voués à ne capter que le coup d’œil du lecteur pressé. Elle s’adresse à l’internaute, seul devant son écran, qui peut disposer d’un peu plus de temps de lecture. Un groupe de compagnies d’assurances, l’OCIRP, en offre actuellement un bel exemple.

Il faut lui reconnaître une qualité raffinée de facture qui rend le message d’autant plus pervers. L’OCIRP a manifestement réuni en moyens techniques et artistiques ce qu’on peut faire de meilleur pour faire vivre le pire.

Un simulacre de relation interpersonnelle

L’accroche, comme celle de la publicité traditionnelle, est un slogan dans une bannière, repris en incrustation sur quelques images d’un écran d’appel. Prétendant s’adresser à l’internaute en personne, il est écrit non en caractères typographiques impersonnels, mais en lettres cursives qu’une main écrit : « Nous avons appris à imaginer le pire pour que vous puissiez vivre le meilleur », annonce-t-il. Le simulacre de relation personnelle tient à ce face-à-face entre « nous », les assureurs, et « vous », le lecteur. Le leurre de la flatterie consiste à faire croire qu’un personnel, voire une domesticité, attaché à son seul bien-être, se tient à la disposition de ce dernier sans qu’il n’ait rien demandé. Le contraste tranché entre « le pire » et « le meilleur », comme entre noir et blanc, donne une frappe au slogan pour en faciliter la mémorisation, d’autant que, intericonicité aidant, se laissent facilement reconnaître deux termes attachés à l’institution du mariage quand deux êtres s’unissent, dit-on, « pour le meilleur et pour le pire ».

Une attente angoissante dans une histoire de mariage

Justement, c’est une scène de mariage qui attend le lecteur, apparue de temps en temps aussi en bannière, s’il cède à l’invitation de cliquer sur le site OCIRP, intrigué par ces images sans lien apparent entre elles et donc inintelligibles de l’écran d’appel qui captent l’attention : un enfant qui tombe de cheval, un couple de seniors attablés, une fillette donnant la main à une femme, une jolie lycéenne marchant sur la route.

Sur une musique au rythme haletant mêlée par instant au rugissement d’un moteur, devant une mairie, un jeune marié et quelques membres de sa famille s’impatientent : ils tournent en rond, regardent montre et horloge. La mariée se fait attendre. On entend seulement sa voix en off sur le gros plan d’une roue avant de scooter qui file à vive allure : elle aussi enrage ; elle s’en veut d’inquiéter les autres par son retard dont des plans intercalés montrent la nervosité croissante. La mariée lancée sur son engin à grande vitesse va-t-elle les rejoindre à temps ou en sera-t-elle empêchée ? Plus l’attente se prolonge, plus on en doute. Non ! Ouf ! La mariée finit par arriver à la mairie, et descendant de sa machine, jure que « c’est la dernière fois qu’elle se marie… à scooter ! »

Quatre histoires annexes de malheurs qui attendent les jeunes mariés

Le trait d’humour noir clôt l’histoire principale. Se greffent alors au choix sur elle quatre autres histoires qui racontent en quelques images symboliques glissées entre ellipses le destin de quatre des personnages de la noce. Odile est la femme du couple de seniors aperçu : elle souffre d’une perte d’autonomie. Hélène est devenue veuve très jeune avec un garçonnet à élever, celui qu’on a vu tomber de cheval. Clara est la fillette handicapée que sa maman emmène à l’école où elle s’intègre. Nadia, la jolie lycéenne, est orpheline et pense à son père disparu en allant angoissée voir les résultats d’un examen, le baccalauréat sans doute.

On ne peut souhaiter meilleurs vœux de bonheur à de jeunes mariés sous la pluie de pétales qui tombe sur eux à la sortie de la mairie. S’ils savaient, les malheureux, ce qui les attend ! Qui sait si l’un d’eux ne va pas connaître bientôt le veuvage avec enfant, qui peut de surcroît être handicapé ? Ne vont-ils pas laisser bientôt une jeune fille orpheline ? Et pour finir, n’est-ce pas la dépendance des vieillards qui les guette ?

Un mélange virtuose de distanciation et d’identification

On ne saurait aussi stimuler plus activement le réflexe de voyeurisme devant l’exhibition du malheur d’autrui, fût-elle discrète. Un usage intensif de la métonymie, en effet, ne fait voir délicatement que l’effet et non la cause : hormis la chute de cheval sans gravité de l’enfant, on ne trouve pas la moindre trace d’exhibition de scène de souffrances ou de mort. L’inquiétude du pire se lit seulement sur le jeune marié à sa montre qu’il consulte nerveusement, à ses lèvres mordillées, à l’ouverture de l’écrin où attendent deux alliances. Une situation tragique est campée en quelques images symboliques prises souvent en gros plan, entrecoupées d’ellipses et éclairées de brèves confidences plaintives des personnages en voix off.

Cette proximité maximale tend à déclencher un réflexe d’identification à ces « victimes de la vie » qui inspirent la compassion. Un service annexe – dit « les goodies » – offre d’ailleurs les photos de ces personnages attachants à qui en veut. Et cette identification renvoie le lecteur à lui-même : car ça n’arrive pas qu’aux autres ! L’attente inquiète dans la première histoire a visé précisément à lui faire partager celle des personnages : il a parié plus d’une fois qu’à la vitesse où elle fonçait, la mariée allait avoir sûrement un accident. Il n’en a été quitte… que pour la peur et la distanciation par l’humour noir de la mariée à sa descente de scooter. La dédramatisation est prolongée par un autre service annexe – dit « making off » – qui rassure : ce n’était qu’une fiction dont des photos prises dans les coulisses de sa réalisation apportent la preuve.

La stimulation des réflexes de peur et de défense

N’empêche, malgré ces procédés de distanciation, à un des moments les plus heureux de la vie, est inoculée par cette publicité « la peur (qui), disait Clémenceau, est le grand moteur des actions humaines ». L’OCIRP attend de ce réflexe de peur le déclenchement du réflexe de défense qui s’impose : la souscription des divers contrats d’assurance qui mettront à l’abri du pire pour vivre le meilleur !

Oui, la mort est promise à la naissance. Oui, toutes sortes de malheur attendent de pied ferme entre-temps les femmes et les hommes. Mais est-ce une raison pour polluer un moment de bonheur de toutes ces menaces dans le but d’en tirer profit ? Plus que la peur, finalement, c’est un malaise que l’on éprouve au sortir du visionnage de cette publicité au demeurant remarquablement réalisée. Car faut-il que la peur soit instillée ainsi à tout moment aux ventres des gens pour leur arracher des contrats ? Cette conception d’une existence terrestre assurée contre tous les risques s’apparente paradoxalement à une conception religieuse de la vie qui s’assure contre l’inconnu d’une survie dans l’au-delà.

On se souvient de la publicité d’un autre assureur, la CNP, pleine d’allégresse contagieuse : les saisons de la vie s’enchaînaient où les générations se passaient le relais dans l’emportement d’une valse de Chostakovitch. Franchement, on préfère cet hymne à la vie plutôt que la distillation de la peur, si raffinée soit-elle. Mais la publicité de l’OCIRP a au moins le mérite de montrer que, quand est démantelée une politique de couverture des risques de la vie par la solidarité nationale, c’est la peur qui étreint les citoyens. Et on comprend que certains en profitent pour en tirer profit. Paul Villach


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17 réactions à cet article    


  • JPC45 30 septembre 2008 11:37

    Il faut arreter avec vos délires !

    L’assurance par définition assure contre un risque : DC, invalidité, dépendance : comment voulez vous alors que ds une publicité on ne parle pas du pourquoi de l’assurance ?
    Je retiens surtout que vous avez du mal à parler de la mort, de l’invalidité : sujet tabou pour vous ?

    Sinon, je vous met au défi de souscrire un contrat OCIRP !

    L’OCIRP est une institution de prévoyance (et non pas une compagnie d’assurance) dont la seule façon de bénéficier de ses services est de dépendre du convention collective qui désigne l’OCIRP.

    Cet organisme est en général celui qui est désigné pour tout ce qui est rente (éducation de conjoint, etc).

    C’est donc une camapgne pour se faire connaître et non pour faire souscrire des contrats.


    • Paul Villach Paul Villach 30 septembre 2008 12:03

      @ JPC45
       Rigolo ! J’en déduis que, selon vous, la parole publicitaire ne souffre pas d’objection ! Elle est donc sacrée ! Libre à vous de vous agenouiller ! Moi, je ne sais pas faire ! PV


    • JPC45 30 septembre 2008 12:07

      ? décidément vous déduissez très mal !


    • Paul Villach Paul Villach 30 septembre 2008 12:25

      @ JPC45

      Vous ne paraissez pas avoir lu attentivement mon article. Je souligne les grandes qualités de sa facture. Quelle remarquable réalisation ! 
      Mais doit-on pour autant rester bouche bée devant le message si artistiquement porté ? Mon point de vue est non ! Sauf à laisser se développer une parole d’évangile publicitaire sans réplique alors qu’elle exige critique comme toute parole en démocratie. PV


    • floruf floruf 30 septembre 2008 13:47

      Allons allons , JPC45 , vous n’êtes pas sans savoir que la parole de Mr Paul V. ne souffre aucune objection ! ... et en plus vous ne savez pas lire !! ;)


    • bof 30 septembre 2008 15:55

      Mais voyons, c’est vous qui comprenez rien. Puisque Monsieur Paul vous le dit : vous êtes là en train de surfer tranquillement, nageant dans le bonheur de cliquouiller ici et là... et voilà que de vilains publicistes viennent vous gâcher le plaisir à coups de messages évoquant des trucs vilains : décès, invalidité, etc.
      Et tout ça, horreur ! pour vous VENDRE des assurances après vous avoir appâté avec de zolies zimages avec plein de métonymie et d’intericonicité dedans.
      Eh ben, c’est pas bien, voyez-vous. Croyez-en Monsieur Paul, le chevalier blanc. Il sait, lui.
      C’est vous qui n’avez rien compris et qui vous laissez séduire, malheureux que vous êtes !
      Remerciez-le au lieu de le contredire, ingrat !

       smiley


    • chiktaba 30 septembre 2008 14:50

      Parceque il y a des gens qui font attention aux pubs internet ?
      En ce qui me concerne, la plupart des popups sont bloques et si par miracle il y en a un qui passe (d ailleurs elles sont de plus en plus invasive notamment sur ago) et ben bam c est coup sans un regard.
      Il me semble que la plupart des internautes font de meme, j ai du mal a comprendre d ailleurs comme les moteurs de recherche s autofinance avec la pub.
      Je n ai pas l impression d etre un cas exceptionnel mais ce genre de pub qui soit disant sont effrayantes me font plutot maigrement sourire de depit.


      • kabreras kabreras 30 septembre 2008 18:50

        De pire en pire les articles de P.V.
        On s’enuie ... 
        Evidement qu’une compagnie qui vend de la prévoyance ne va pas vous dire de ne surtout pas prendre ses services parceque le monde est un loukoum géant !!!!


        • Paul Villach Paul Villach 30 septembre 2008 19:14

          @ Kabreras

          Je compatis à votre souffrance qui, heureusement, n’est pas telle qu’elle vous détourne de lire mes articles.

          En revanche, je vous soupçonne de regarder d’un mauvais oeil le fait qu’une publicité soit une information comme les autres qui mérite examen et critique. 
          Continuez ! PV


        • kabreras kabreras 30 septembre 2008 19:21

          Une publicité n’est par définition pas une information etant donné qu’elle se doit pour des besoin de vente d’orienter le client dans un sens précis...
          Il ne faut pas tout confontre Mr P.V. , la pub ce n’est pas de l’info, c’est de la pub ... 


          • Paul Villach Paul Villach 30 septembre 2008 20:28

            @ Kabreras

            Votre ignorance est touchante ! Je ne peux rien pour vous ! Vous n’avez pas dû réfléchir beaucoup sur ce qu’est "une information". Mais ça ne vous empêche pas de pérorer ! Paul Villach


          • docdory docdory 30 septembre 2008 22:39

             @ Paul Villach

            Intéressante , votre comparaison religieuse : "Cette conception d’une existence terrestre assurée contre tous les risques s’apparente paradoxalement à une conception religieuse de la vie qui s’assure contre l’inconnu d’une survie dans l’au-delà. "
            Il faut noter qu’au Moyen-Age , la vie n’était qu’une succession de risques tellement énormes qu’ils étaient évidemment inassurables ( les assurances n’existaient d’ailleurs probablement pas ) . Ce qui était à l’époque l’équivalent des assurances , c’étaient les " indulgences " , délivrées par le clergé moyennant espèces sonnantes et trébuchantes, indulgences qui étaient en fait des sortes de contrats d’assurance sur les risques de l’au-delà !
            L’avantage qu’il y avait à délivrer des indulgences , par rapport à la profession d’agent d’assurances , était que les " assurés " ne risquaient pas de revenir de l’au-delà se plaindre de la non-couverture de leur sinistre éventuel ( l’enfer ! ) . 


            • finael finael 30 septembre 2008 23:34

              Les assurances existent depuis 3 à 4000 ans ... eh oui !


            • finael finael 1er octobre 2008 00:01

              Je ne vois pas en quoi le fait qu’on "imagine le pire" nous " permettrait de "vivre le meilleur".

              Non seulement cette pub joue sur nos peurs (légitimes) mais elle est mensongère qui plus est.

              Faudrait-il donc avoir peur même dans nos moments de bonheur ?

               En quoi le fait de dépenser de l’argent pour "s’assurer" nous protègerait des accidents ou maladies ?

               Même les publicités pour les produits pharmaceutiques, para-pharmaceutiques, alimentaires, et parfois même pour les voitures jouent sur des peurs : peur de grossir ; peur de vieillir, peur de mourir, peur de ne pas être "dans le coup" peur de ceci ou de celà ...

               La peur est un aiguillon puissant pour inciter les gens à faire comme ci et non comme ça, pour vendre des produits ou des idées. C’est normal "la peur est mauvaise conseillère" dit le vieux dicton.


              Et dire que la publicité est différente de "l’information" c’est d’une naïveté !


            • grangeoisi grangeoisi 1er octobre 2008 00:51

              Bah ! La Bulle fait partie des stimuli d’AV.

              L’un est stimilus de la vision : ce que nous ne voyons pas lui le voit !

              L’autre, ce nous ne savons pas il le sait, éventuellement il l’invente !

              Celui-là est expert économique et dit le contraire de ce qu’il avait affirmé précédemment !

              Celui-ci est un fin observateur politique aussi parle t-il pour ne rien dire et dit pas grand chose même en l’écrivant !


              • chmoll chmoll 1er octobre 2008 10:21

                s’ke L’OCIRP assure sur les dangers d’l’internet ?

                sur l’net ,y a des sites qui vous foutent la frousse pour vendre leur bazard


                • CAMELEON 2 octobre 2008 21:00

                  La peur est à la mode en ce moment pour nous inciter à ne pas nous mettre en travers des sauvetages financiers en faveur des memes organismes qui ont crée cette meme "crise".Bien sur le fait de faire peur(mais au fait de quoi aurions nous peur ???) détourne notre attention de la vraie question :pourquoi ne pas faire payer ceux qui ont empoché les sommes manquantes ?? Car cet argent est bien allé quelque part et en cherchant ce quelque part on n’a qu’à demander le retour de l’argent manquant mais il est préférable de faire peur pour éluder cette solution primaire

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