Insolite : l’exploration urbaine
L’« Urbex » pour « urban exploration » consiste à visiter des sites publics ou privés, fermés, à l'abandon, isolés ou difficiles d'accès. La France compterait plus de six mille disséminés un peu partout et pas seulement en ville... Cette pratique longtemps restée confidentielle s'est popularisée dans le milieu des cataphiles (visiteurs clandestins des anciennes carrières souterraines de Paris) qui cherchaient d'autres terrains d'aventures. La contraction « Urbex » attribuée au Canadien Jeff Chapman, alias « Ninjalicious », dans les années quatre-vingts est contestée. Certains aficionados de faire remarquer que le vocable est apparu aux États-Unis dans les années soixante-dix. En France, il faut attendre les années quatre-vingt-dix et des reportages à la télévision et les vidéos sur Youtube pour que le phénomène soit popularisé.
De plus en plus d’adeptes visitent : demeures abandonnées (recherche d'héritiers, coût de la rénovation trop important), lieux de mémoire, ruines, anciennes résidences d’été ou d'hiver de familles fortunées, friches industrielles désaffectées, villas réquisitionnées pendant la Seconde Guerre mondiale, établissements de santé, casernes désarmées, stations de Métro fermées. La liste est loin d'être close. L’urbex englobe : cataphilie, toiturophilie, frichiphiles, subterranéologie et l’abandonologie, lieux délaissés pour cause de cataclysmes naturels ou technologiques, fin d’une période historique ou politique précise, contraintes économiques.
Tous les enfants sont des urbexeurs. Quel môme de Paris ne s'est pas introduit sous la colonne de la bastille, glissé par les grilles du bassin de l'arsenal pour rejoindre une station de métro désaffectée, à s'être faufilé dans une partie d'égout ou une entrée dérobée pour explorer une partie des catacombes, n'a parcouru les tunnels de l'ancienne ligne de la Petite Ceinture, les caves d'immeubles et greniers de bâtiments historiques dans le quartier du Marais ? Des bâtiments aujourd'hui dissociés étaient reliés par des caves s'enfonçant deux niveaux sous la chaussée.
Lorsqu'on entend aux informations parler de l'urbex c'est dans la rubrique des faits-divers. Un urbexeur français de 24 est mort de déshydratation au mois de juin 2024 après s'être introduit dans la zone interdite du cosmodrome de Baïkonour au Kazakhstan. Le 27 avril, « une adolescente de 15 ans a perdu la vie après une chute du toit, tandis qu’une autre âgée de 17 ans a été grièvement blessée. Les deux victimes faisaient partie d’un groupe de quatre jeunes qui s’étaient introduits illégalement sur un site industriel ». Dans la nuit de mardi 16 à mercredi 17 avril « un couple amateur d’urbex a découvert un cadavre en décomposition dans une maison abandonnée d’Albertville (Savoie) ». Le 3 avril « un homme d’une vingtaine d’années a été gravement brûlé à Sprimont alors qu’il grimpait le long d’un poteau électrique ». Septembre 1987, des ferrailleurs de Goiâni cannibalisent un appareil de radiothérapie Six semaines plus tard quatre personnes mourraient irradiées.
Les bâtiments laissés à l'abandon sont souvent fragilisés par le temps, les intempéries, l'humidité, l’absence d’entretien et sources de dangers : planchers fragiles, sols glissants, endroits sombres, chutes de parties maçonnées, insalubrité, mérule, présence d'outils rouillés, produits toxiques (chimiques ou radiatifs), spores pathogènes, amiante, alimentation électrique encore sous tension, rencontres fortuites avec des graffeurs, squatteurs, ferrailleurs venus déposer les installations (cuivre, sanitaire), des « brocanteurs » démontant une cheminée, indélicat venu y déposer ses encombrants (décharge sauvage), le dealer qui y a planqué sa « dope », etc. Un accident ou une blessure peut vite devenir dramatique.
L'ancienne Villa Sapène réquisitionnée pour servir de maison close pendant l'occupation au Mesnil-Le-Roi (Yvelines) accessible par un petit sentier ne cesse de se détériorer : trous béants aux étages, balcon et escalier effondrés, murs couverts de tags et de représentations de personnages de manga. Parmi les gravats des bouteilles d'alcool, des déchets alimentaires et un canapé montrent que les lieux accueillent des fêtes clandestines.
Question parlementaire (2019) : « l’urbex » pose une réelle question de sécurité physique des personnes s’y adonnant puisque se rendre sur un lieu désaffecté conduit souvent à un certain nombre de risques (effondrement d’escaliers, de murs, de toits ; présence d’éléments chimiques dangereux ; inondations souterraines ; chute de personnes depuis un toit ; blessures liées à des objets coupants sur le chemin ; etc.). Cette pratique peut être d’autant plus dangereuse que les personnes pratiquant « l’urbex » comptent parmi elles de plus en plus d’adolescents, voire d’enfants, à la suite de la médiatisation récente de vidéos sensationnalistes « d’urbex » sur la plateforme YouTube et fut par ailleurs à l’origine de plusieurs morts ces dernières années à Lyon et Rosporden ».
La visite ou l'exploration d'une propriété privée reste une pratique interdite, en cas d'accident le propriétaire peut voir sa responsabilité civile engagée pour manquement à la sécurité. Il n'est pas rare donc de se retrouver confrontés à des : vigiles, zone sous alarme, vidéosurveillance, pièges photographiques. Malgré les risques intrinsèques évoqués, cela ne suffit pas à en dissuader certains. Un hôpital abandonné au centre de la capitale et auquel on accédait par une entrée dérobée était gardienné, frisson supplémentaire avant d'en rejoindre les parties désaffectées.
L’article 226-4 du Code pénal dispose : « L’introduction dans le domicile d’autrui à l’aide de manœuvres, menaces, voies de fait ou contrainte, hors les cas où la loi le permet, est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende ». Article 322-1 du Code pénal : « La destruction, la dégradation ou la détérioration d’un bien appartenant à autrui est punie de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende, sauf s’il n’en est résulté qu’un dommage léger. Le fait de tracer des inscriptions, des signes ou des dessins, sans autorisation préalable, sur les façades, les véhicules, les voies publiques ou le mobilier urbain est puni de 3 750 euros d’amende et d’une peine de travail d’intérêt général lorsqu’il n’en est résulté qu’un dommage léger ».
Commettre des imprudences reste possible en s'entourant de beaucoup de prudence. Avant d’explorer un lieu il faut effectuer des recherches préliminaires : depuis quand est-il à l’abandon, activités passées, quel en est le propriétaire, chemins d'accès, est-il gardé, protégé, le spot est-il connu, où stationner, possibilité de contacter le propriétaire pour une autorisation, gravures, cartes postales, photographies, articles, livres, histoire locale. De jeunes urbexeurs consultent Google Map et utilisent un drone pour la reconnaisssance et/ou pour en filmer l'intérieur. La visite planifiée, toujours avertir des personnes fiables sur l''endroit retenu et en leur communiquant numéro de téléphone cellulaire, les horaires et l'itinéraire prévus. Ne jamais partir seul. Il est recommandé d'emporter des vêtements couvrants et résistants (grimper, ramper), des chaussures de sécurité, gants, téléphone et lampe frontale chargés, matériel photographique, un en-cas, un outil multi-fonctions, une trousse de secours et des vêtements de rechange.
Ne jamais s'introduire sur le site par effraction. Il faut emprunter une entrée praticable laissée par d'anciens visiteurs, des installations ou des animaux... Une fois dans la place, la déontologie des urbexeurs recommande de : respecter les lieux - la mémoire des personnes et celle de l'édifice - ne rien emporter - ne rien endommager ni détériorer - ne rien abandonner - ne pas en divulguer l'adresse pour éviter la surfréquentation.
La photographie est devenue l'incontournable de l'urbex et a contribué largement à sa popularité. Le photographe n'est pas réduit à saisir des intérieurs vétustes hors d'âge, une friche, ou une partie envahie de végétaux. Des photographes se sont spécialisés dans des éléments architecturaux, des photos de mode, voire glamour, et des créatifs vers de light painting. La photo « urbex » est une variante de la photographie d’architecture. Elle cherche à saisir la scène dans sa globalité. Le photographe opère généralement avec un objectif grand-angle et lumineux pour obtenir des résultats spectaculaires. Une photographie est une reproduction en 2D d'une scène en 3D, l'impression de profondeur est « restituée » par la perspective. Un objet proche de l'objectif apparaître plus grand sur la photo (surtout avec un GA), et un plus éloigné, plus petit. Le photographe doit donc se placer par rapport au sujet principal pour lui donner la taille souhaitée par rapport à la scène capturée et en oubliant parfois la « règle des tiers ».
Quelles que soient ses préférences artistiques, le photographe devra souvent improviser afin d'obtenir une photographie présentant le plus d'impact. Les photographies qui attirent le regard ont tendance à être contrastées, et des photographes ajoutent un sujet coloré dans leur composition afin de guider l'attention sur un point de l'image. Les scènes aux contrastes élevés sont impossibles à restituer en une seule prise. La lumination (ou luminance) d'une scène correspond au produit de son éclairement par son coefficient de réflexion, l'écart de contraste peut atteindre 30 IL (indice de lumination), soit bien plus que la dynamique des capteurs des APN (9 à 14 IL). L'œil humain peut distinguer une dynamique de 100000 : 1, ce qui correspond à 16 IL à pupile fixe, mais la variation en diamètre de l'iris de 1 à 7 mm offre une dynamique de 26 IL. De nombreux photographes se tournent vers le High Dynamic Range (bracketing).
Cette technique consiste à prendre un cliché et de l'encadrer de plusieurs clichés en variant l'Indice Lumineux (de + et - 0,5 à 2 IL) pour des scènes extrêmes. Si l'histogramme de la photo est « centré » l'exposition est bonne, nul besoin d'avoir recours au HDR. Le correcteur d'exposition permet de la dépalcer, au besoin, soit vers la droite (hautes lumières) ou vers la gauche (ombres). Faire la balance des blancs sur « ombre » donne des couleurs plus « chaudes », et un trépied est recommandé afin de conserver exactement le même cadrage afin d'en éviter les pertes lors de la fusion. Pour un temps de pose supérieur à 1 seconde on désactive le mode stabilisation (vibrations) et on relève le miroir (reflexe). Si l'on ne dispose pas d'un pied on peut utiliser le « mode rafale » disponible sur certains appareils.
Tout photographe sait que : vitesse, ouverture et sensibilité sont liées et quels réglages privilégier selon la scène. Lorsque l’on double la vitesse, on diminue la lumière de 1 IL, si on la divise par deux on gagne 1 IL, idem pour les ISO et les valeurs d'ouverture : 22- 16 - 11 - 8 - 5,6 - 4 - 2 -1,4 -1. Passer de f/16 à f/11, par exemple, permet de gagner 1 IL. Le photographe opérant en HDR préfère conserver une profondeur de champ (diaphragme) constante afin d'obtenir des pixels nets et en faciliter la fusion lors de leur assemblage. La mise au point effectuée, on désactive la mise au point automatique pour éviter qu’elle ne change entre les clichés.
Le traitement HDR étant générateur de bruit numérique (analogie avec le « flare » en argentique), une sensibilité de 100 ISO est recommandée. Le fichier sera enregistré en « RAW » (données brutes non traitées) pour conserver le maximum de détails dans les ombres et lumières, et en JPEG pour une exploitation immédiate. Les images retenues sont ensuite assemblées en post production et tirées sur un papier d’artiste (6 IL) pour un rendu conforme à vos attentes. Si le HDR peut sublimer une photo, il peut aussi la desservir. Les textures et les couleurs sont accentuées et mieux vaut ne pas abuser de cette technique au risque de voir apparaître des résultats peu réalistes et dérangeant. Le bracketing n'est pas adapté pour les temps de pose longs.
Si le flash intégré (pop-up) convient pour déboucher les ombres (fill-in), il est inadapté aux grands volumes ou scènes trop sombres. La lumière diminue avec le carré de la distance, passer de 1 m à 3 mètres c'est déjà 9 fois moins de lumière. Il faut multiplier le nombre des sources lumineuses. L'éclair du flash (maître) déclenche les autres flashs (slaves) par l'intermédiaire de cellules photoélectriques. Cette technique est impossible avec la plupart des appareils compacts qui possèdent un pré-éclair non désactivable, sauf à choisir des cellules qui permettent de paramétrer le nombre de pré-éclairs. La synchronisation par liaison radio offre plus de souplesse. Autre technique créative, utiliser des temps de pose d'une trentaine de secondes pour obtenir l’effet lightpainting. Une correction, une précision, une remarque ?
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