Ioulia Timochenko : confirmation de ses sept ans de prison par la Haute-Cour de justice ukrainienne
LE NOUVEL APPEL DES INTELLECTUELS A SA LIBERATION
L’information est passée quasiment inaperçue dans la plupart des grands médias internationaux. Et, pourtant, elle est essentielle au regard de l’un des sujets les plus sensibles au sein de nos démocraties occidentales : la défense des droits de l’homme et de la femme.
LYNCHAGE POLITIQUE
Car c’est une innocente, jusqu’à preuve du contraire, que le funeste jugement en appel prononcé, ce mercredi 29 août 2012, par la Haute-Cour de Justice de l’Ukraine, pays prétendant se rapprocher des valeurs prônées par notre Union Européenne, vient de condamner définitivement, après une procédure judiciaire aux allures de lynchage politique, à sept ans de prison pour un hypothétique délit de corruption.
La victime de cette scandaleuse parodie de justice, qui n’est pas sans rappeler celles des tristement célèbres procès staliniens de Moscou sous l’obscure ère Vychinski, n’est pas, du reste, n’importe qui : il s’agit, ni plus ni moins, de l’ex-Première Ministre Ioulia Timochenko, égérie de l’ancienne « révolution orange » de 2004 et principale opposante à l’actuel président ukrainien Viktor Ianoukovitch, un très peu glorieux mixte, celui-là, de Staline et de Poutine. C’est tout dire !
ARRÊSTATION ARBITRAIRE ET INDIGNES CONDITIONS DE DETENTION
Cet inquiétant mélange de dictature soviétique et tsariste tout à la fois, ne semble pas trop se préoccuper, de surcroît, des horribles conditions de détention de son illustre prisonnière : voilà maintenant un peu plus d’un an déjà (c’et le 5 août 2011 qu’elle fut arrêtée arbitrairement et emmenée « manu militari », en pleine audience de tribunal, avant même que tout jugement ne fût prononcé à son encontre) que Ioulia Timochenko croupit dans sa misérable cellule, entourée de cafards et souffrant le martyre, clouée sur son lit, à cause d’un très douloureuse hernie discale, pour laquelle elle est en outre très mal soignée.
Que sa santé, déjà fragile au départ, se détériore ainsi de jour en jour, et de façon toujours plus alarmante, n’émeut pas outre mesure, non plus, cette nouvelle clique d’apparatchiks. Les « durs » de Kiev, comme autrefois ceux de Moscou ou du Goulag, en ont vu d’autres : si même les plus grands dissidents du passé, de Soljenitsyne à Sakharov, ne réussirent pas à faire infléchir ces cervelles obtuses, du moins avant qu’un certain Gorbaciov, futur prix Nobel de la paix, ne vînt les secouer grâce à son historique vent de la « perestroïka » et autre « glasnost », imaginons le peu d’impact qu’ont les lamentations, pourtant extrêmement dignes, d’une pauvre femme isolée et malade, sans même le prestige de la littérature pour lui conférer quelque solide reconnaissance internationale et lui servir, par la même occasion, de caisse de résonnance aux quatre coins de la terre !
EURO 2012 : LE SILENCE COUPABLE DE L’UEFA ET DE MICHEL PLATINI
Pis, l’UEFA, instance suprême du football mondial, leur a servi sur un très généreux plateau d’argent, à ces nouveaux maîtres du dogme néo-communiste, l’une des plus belles vitrines médiatiques qui soit en matière de propagande politique : l’organisation, au mois de juin dernier, de l’Euro 2012, manifestation sportive de toute première importance. Michel Platini, actuel président de cette prestigieuse institution, devrait, pour ce geste inconsidéré, avoir honte, lui qui, tout entier concentré sur la réussite de cet événement planétaire, n’a jamais élevé la voix, ni même prononcé le moindre mot, face à cette dictature d’un autre âge qu’est celle présidant aujourd’hui aux destinées idéologiques de l’Ukraine. C’est là, qu’on le veuille ou non, un silence coupable !
Car, par-delà même ce cas spécifique de Ioulia Timochenko, nombreux sont en ce pays, même s’ils sont certes moins connus et plus anonymes, les autres prisonniers politiques, incarcérés tout aussi abusivement pour de tout aussi inexistants délits d’opinion.
IRRESPONSABILITE DES FOOTBALLERS FRANCAIS
Le plus navrant, en cette sordide histoire, réside cependant, malheureusement, ailleurs. Comment nous, intellectuels de France, pourrions-nous encore faire en effet la leçon, en matière de civisme et de civilité, à l’Ukraine, lorsque l’on voit l’indigne et piètre spectacle, à tous niveaux (professionnel, moral et humain), que nos footballeurs, du moins beaucoup trop d’entre eux, ont alors lamentablement donné, lors de cet Euro 2012 (et déjà lors du Mondial qui l’avait précédé), devant les caméras de télévision du monde entier ?
Ne se rendent-ils donc pas compte, ces jeunes hommes payés à coups de millions pour taper dans un ballon, qu’ils n’auront fait ainsi, par ces immatures caprices de stars qu’ils ne sont pas, par leurs incessantes querelles claniques et autres insultes sur le terrain même, que saper indirectement, de manière aussi irresponsable qu’égoïste, le travail des quelques intellectuels français (auxquels se sont joints quelques beaux noms belges, dont certains issus de la société civile et du monde politique) qui, nantis de leur incontestable mais seule autorité morale comme de leur indéniable mais unique notoriété publique, auront pourtant appelé, grâce à la pétition qu’ils ont signé et que j’ai fait circuler dans les principaux médias européens, à la libération, précisément, de Ioulia Timochenko, victime avant tout, en la circonstance, de la plus flagrante et révoltante des violations des droits de l’homme et de la femme.
APPEL SOLENNEL A LA LIBERATION DE IOULIA TIMOCHENKO
Qu’à cela ne tienne ! Ce ne sont pas ces tristes épisodes de nos représentants sportifs qui, face à cette tragédie humaine tout autant que cette injustice juridique dont Ioulia Timochenko est aujourd’hui le cruel objet, et plus que jamais, qui nous fera baisser les bras. Au contraire : nous relevons, bien haut, la tête, et réitérons-nous donc solennellement ici, mes amis intellectuels et moi, dont la conscience se voit éprise avant tout d’humanisme, notre souhait le plus vif et notre volonté la plus ferme de voir Ioulia Timochenko libérée au plus vite.
C’est même avec une identique détermination que nous nous associons pleinement aussi à ses avocats, en l’occurrence, dans leur désir de porter à présent ce dossier, avec raison, devant la Cour Européenne de Justice.
Affaire à suivre, donc. En attendant, le combat pour Ioulia continue, intact, plus fort et intense que jamais.
Mobilisons-nous ! Démocrates de tous pays, unissons-nous afin de sauver cette femme de ce procès kafkaïen !
DANIEL SALVATORE SCHIFFER*
*Philosophe, porte-parole du Comité International contre la Peine de Mort et la Lapidation (« One Law For All »), dont le siège est à Londres.
Premiers signataires (par ordre alphabétique) :
Elisabeth Badinter, philosophe.
Robert Badinter, juriste et avocat, ancien Ministre français de la Justice (Garde des Sceaux).
Patrick Besson, écrivain, éditorialiste.
Marc Bressant, écrivain, Grand Prix du Roman de l’Académie Française.
Hsiao Chin, artiste-peintre italo-chinois.
Daniel Cohn-Bendit, Co-Président du groupe des Verts/Alliance Libre Européenne au Parlement Européen.
André Comte-Sponville, philosophe.
Jacques De Decker, écrivain, Secrétaire perpétuel de l’Académie Royale de Langue et de Littérature françaises de Belgique.
Anne Delvaux, députée européenne.
Isabelle Durant, Vice-Présidente du Parlement Européen.
Vladimir Fédorovski, écrivain et essayiste d’origine ukrainienne, cofondateur, en 1991, du Mouvement des Réformes Démocratiques de Russie.
Luc Ferry, philosophe, ancien Ministre français de l’Education Nationale.
André Glucksmann, philosophe.
Guy Haarscher, philosophe, professeur à l’Université Libre de Bruxelles et au Collège d’Europe.
Rebecca Harms, Co-Présidente de groupe des Verts/Alliance Libre Européenne au Parlement Européen.
Stéphane Hessel, Ambassadeur de France.
Jack Lang, Ministre de la Culture sous la présidence de François Mitterrand.
Alexandre Jardin, écrivain.
Daniel Mesguich, comédien, directeur du Conservatoire National Supérieur d’Art Dramatique (Paris).
Edgar Morin, sociologue, philosophe.
Dolores Oscari, directrice du Théâtre Poème (Bruxelles).
Gilles Perrault, écrivain, journaliste.
Michelle Perrot, historienne, professeur émérite des universités.
Alain Rey, linguiste, historien.
Michel Rocard, homme d’Etat, Premier Ministre de la France (1988-1991).
Jean-Marie Rouart, écrivain, membre de l’Académie Française.
Elisabeth Roudinesco, historienne, psychanalyste.
Daniel Salvatore Schiffer, philosophe, écrivain, éditorialiste.
Daniel Sluse, directeur de l’Ecole Supérieure de l’Académie Royale des Beaux-Arts de Liège (Belgique).
Jacques Sojcher, philosophe, directeur de la revue « Ah ! » (Université Libre de Bruxelles).
Guy Sorman, essayiste.
Annie Sugier, présidente de la Ligue du Droit International des Femmes.
Marc Tarabella, député européen.
Elisabeth Weissman, essayiste, journaliste.
Michel Wieviorka, sociologue (Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales, Paris).
Yves Charles Zarka, philosophe, directeur de la revue « Cités ».
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