Iran : la main invisible des Etats-Unis
Le règne du dernier shah d’Iran, Mohammad Reza Pahlavi (1919-1980), renversé par la révolution islamique de 1979, a duré 37 ans. La République islamique a fêté ses 43 ans. Le nouveau régime semble donc bien implanté et indéboulonnable.
Et ceci, en dépit de soubresauts populaires qui l’ont secoué sans parvenir à l’abattre : le régime islamique, arc-bouté sur une idéologie totalitaire, ne cède pas un pouce de terrain. En dernier recours, il n’hésite pas à faire tirer sur le peuple, comme en 2009, suite à la réélection truquée du président Ahmadinejad, en 2019 lors des manifestations contre la hausse du prix de l’essence, ou en 2022, lors du soulèvement toujours en cours des femmes contre le port obligatoire du voile.
Comme en 1978, année fatidique précédant la révolution victorieuse du 11 février 1979, mettre le régime à genoux nécessiterait une grève générale dans l’industrie pétrolière et une scission au sein des instances gouvernementales. Et surtout, une direction politique, un leadership équivalant à celui de l’ayatollah Khomeiny qui fait défaut dans la mesure où les partis d’opposition sont interdits ou en exil, les seuls autorisés n’ayant aucune chance de mettre en péril le régime. Le peuple, à mains nues, est seul face à un pouvoir répressif et criminel qui ne trouve devant lui aucun obstacle majeur.
Par ailleurs, l’implication des puissances occidentales dans la révolution iranienne laisse clairement percevoir que la chute du shah n’a pas été due au seul combat d’un peuple contre une tyrannie. Lutte qui fut meurtrière et légitime, bien évidemment. En effet, ce sont les Occidentaux, et au premier chef les Etats-Unis, qui par leurs pressions politiques, afin de préserver leurs intérêts économiques et géopolitiques, ont sonné le glas de la monarchie. Une nouvelle fois, comme en 1953 sous Mossadegh, l’Iran a été dépossédé de son destin, car privé de l’option démocratique. Et par une ruse de la raison, le combat d’un peuple pour la liberté a abouti à son exact contraire : une théocratie a remplacé une dictature.
Comme le démontre amplement la chronologie des faits, dans les années 70, les Etats-Unis ont considéré que le rôle du shah était terminé, car contraire aux intérêts géostratégiques de la puissance américaine. Le souverain allait payer au prix fort le quadruplement du prix du pétrole durant la guerre du Kippour (1973) et la déstabilisation des économies occidentales qui s’en est ensuivi. Le shah voulait utiliser cette manne pour faire de son pays le « Japon du Moyen-Orient ».
Mais l’afflux de pétrodollars va entraîner une surchauffe de l’économie. A l’engorgement industriel s’ajoute une inflation galopante dépassant 500 % par an. Les mécontentements s’accroissent de toutes parts. La révolte gronde, les oppositions montrent les dents.
A partir de ce moment, le régime du shah est considéré par les Etats-Unis comme source d’instabilité et de conflits potentiels, ce qui est dommageable pour l’approvisionnement pétrolier. En outre, la fraction socialo-communiste risque de prendre le pouvoir et de mettre la main sur un armement surabondant acheté principalement aux Américains. Par ailleurs, si le régime tombe, le shah ne sera plus en mesure d’assurer son rôle de « gendarme du Golfe », tel qu’il lui a été dévolu par le président Nixon en 1972 et de contenir la menace communiste de l’Union Soviétique.
Il importe donc, pour les Etats-Unis, de trouver un régime de substitution dont les visées seront compatibles avec les intérêts stratégiques américains. Ce régime sera la république islamique de Khomeiny dont l’anticommunisme est de loin supérieur à l’antiaméricanisme.
La question suivante mérite donc d’être posée : le peuple iranien possède-t-il à lui seul les facultés de recouvrer sa liberté, d’établir la démocratie, sans l’aide d’agents extérieurs, à savoir les puissances occidentales, ces dernières ne se souciant égoïstement que de la menace nucléaire de l’Iran ?
Si répondre à la question précédente relève presque de la divination, la transmission du relais politique de la monarchie impériale à la République islamique par l’intermédiaire des Etats-Unis, avec l’approbation des puissances occidentales, est avéré factuellement. J’en préciserai les modalités dans un article ultérieur.
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