Iran : Théocratie et simulacre de démocratie
Le 19 mai dernier en Iran, le président Hassan Rouhani a été réélu pour un deuxième mandat, un résultat qui convient bien au régime théocratique de Téhéran.
En fait, l’ensemble du spectacle électoral a été soigneusement géré par l'État, aussi bien pour la présentation des candidatures que pour les débats télévisés d'une campagne qui n’a duré que trois semaines. Pourtant, nos journaux et médias ont présenté ces élections comme un exercice de démocratie dans lequel les « réformateurs » auraient gagné de façon décisive.
En Iran, la théocratie ne base pas sa légitimité sur les urnes, mais elle encourage la participation populaire aux élections pour signifier au monde extérieur que le peuple iranien approuve ses oppresseurs religieux.
Dans le système iranien, seul le puissant « Conseil des Gardiens » peut valider les candidatures à la présidence. Le conseil est placé sous l’autorité du chef suprême religieux (l’équivalent du pape pour les chiites), l'ayatollah Ali Khamenei, ce qui permet à la théocratie au pouvoir de contrôler le processus « démocratique », qui n’est en fait qu’une mascarade : le candidat au pouvoir exécutif est soigneusement sélectionné par le régime clérical dont le premier critère est la garantie que l’intéressé possède les qualités clés pour assurer la survie du régime lui-même.
Deux facteurs principaux déterminent ces critères de sélection :
- D’une part, la menace sur la République islamique d'Iran à l'échelle internationale, en raison de sa politique étrangère, est réelle. Les actions diplomatiques hostiles de l'administration américaine, l'Arabie saoudite, la Turquie et Israël en sont des exemples récents. Le candidat doit montrer qu’il est prêt à tenir le cap quelle que soit la météo.
- D’autre part, le niveau de mécontentement interne en raison de la dégradation de la situation socioéconomique au sein du pays, conjugué à une dégradation des conditions de vie de la population s’aggrave. Le régime attend du candidat qu’il contrôle le mécontentement croissant sans changer la politique économique obsolète du pays.
Présenté comme « réformateur » par la presse occidentale dominante, Rouhani a en fait déjà assuré un mandat de quatre ans sans faire quoi que ce soit pour répondre aux exigences économiques les plus élémentaires des travailleurs pauvres. L'injustice sociale, le chômage, la pauvreté absolue, la dégradation de l'environnement, l'oppression subie par les femmes et la répression massive de toute forme d’opposition ont caractérisé son premier gouvernement. Il n'a rien fait pour soutenir le développement des syndicats ni pour faire progresser la condition des femmes dans la société iranienne. Ses politiques économiques d’inspiration néolibérale ont été synonymes d’inflation et d’augmentation du taux de chômage.
Malgré cela, Rouhani a été « reconduit » dans ses fonctions. Il ne s'est pas présenté comme celui qui soulagerait la misère des Iraniens, mais comme l'homme qui a mis fin aux sanctions internationales. L'accord passé avec les Etats-Unis et l’UE implique que les sanctions internationales soient adoucies en échange de l'acceptation par l'Iran du contrôle strict de son programme d'énergie nucléaire.
Si Trump ne s’est jamais caché d’être un adversaire de cet accord avec l'Iran depuis la période qui a précédé son élection en novembre dernier (malgré une résistance forte des alliés UE-USA), cela ne signifie pas pour autant qu’il soit favorable à un rapprochement avec ce pays, comme l’a montré son discours en Arabie Saoudite lors de sa première visite, mais simplement qu’il regrette la levée des sanctions.
La liste des candidats à l'élection du 19 mai ne comportait pas de représentant d’une quelconque opposition dont les forces sont interdites et régulièrement réprimées (le Parti communiste iranien de Tudeh continue de fonctionner dans la clandestinité depuis 1983, lorsque le régime théocratique a arrété et/ou exécuté ses principaux dirigeants). Pour donner une illusion de concurrence et jouer la tactique du « repoussoir », le « Conseil des Gardiens » a lancé un candidat rival en la personne de l'ayatollah Ebrahim Raisi, connu pour sa participation à l'exécution d'environ 5 000 prisonniers politiques pendant l'automne 1988. Mais les atouts de Rouhani étaient déjà sur le tapis de jeu. C’était en réalité le seul candidat soutenu par les dirigeants iraniens qui souhaitent poursuivre la normalisation des relations diplomatiques et de la coopération avec l'UE et les États-Unis et donc d'éliminer une menace existentielle immédiate pour sa survie.
L’administration de Rouhani repose sur une équipe de technocrates islamistes plutôt compétents dont plusieurs ont fait leurs études au Royaume-Uni et aux États-Unis, ce qui les positionne favorablement pour suivre le processus de détente.
En l'absence de partis politiques d'opposition et avec l’interdiction des syndicats par le régime islamiste, le programme néolibéral de Rouhani n'a été ni présenté ni examiné. Sa rhétorique réformatrice a été suffisamment diffusée pour attirer les électeurs opposés à l'intégrisme pur et dur de Raisi. Mais, si Rouhani est présenté comme « réformateur », on ne doit pourtant s’attendre à aucun changement significatif dans l'économie politique du pays mais seulement à des ajustements esthétiques de la gestion comptable.
Rouhani a été considéré comme l’élément le plus sûr dans le climat turbulent du Moyen-Orient, et toutes les factions apparemment concurrentes s'uniront pour conforter le pouvoir du candidat choisi grâce au recours à la technique du « vote utile » et au bulletin de vote « cosmétique » pour éliminer l’épouvantail de service.
Vous avez bien lu : cette stratégie électorale se passe en Iran et pas ailleurs. La présentation partiale des médias ne concerne que l’Iran. Ailleurs que dans les théocraties, ce schéma serait aussitôt « repéré et traité », comme ceux qui ne sont pas Charlie.
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