Islamic Park
La politique étrangère de chaque état privilégie d'abord ses propres intérêts et non une quelconque vision altruiste de l'échiquier international. Si sa sécurité ou ses approvisionnements sont menacés, il peut choisir d'entrer en guerre, mais seulement en dernier recours car cela coûte cher et l'opinion publique se lasse vite des campagnes lointaines sans bénéfice immédiat. Une option bien moins risquée a la faveur des dirigeants depuis quelques décennies, celle d'alimenter en argent et en armements des ennemis irréductibles qui vont guerroyer à leur place. Pour obtenir ce résultat, il a fallu un terreau favorable, mélange de pauvreté, d'indigence intellectuelle et de ressentiment envers l'occupant, tout cela unifié sous la bannière d'une religion qui désigne des boucs émissaires à l'extérieur, contrairement à la religion chrétienne qui intériorise la faute ou la culpabilité. Tous les ingrédients sont réunis pour faire naître les monstres qui vont dévaster la région.
Suivant cette logique, dans les années 80, les américains ont armé les moudjahidines afghans contre les russes avec des missiles Stinger, l'Arabie Saoudite quant à elle envoyant des sommes d'argent considérables. Durant ce conflit, beaucoup de combattants ont afflué vers le Pakistan voisin, où Ben Laden participait à l'organisation des volontaires arabes, mais planifiait déjà l'extension internationale du djihad. Des millions de dollars furent versés au Pakistan par l'ONU au titre d'assistance humanitaire. Il n'y eut pas d'écoles mais des madrassas dans lesquelles les étudiants étaient entraînés à devenir des Talibans. Quand fut fondé l'émirat islamique d'Afghanistan en 1996, les Talibans refusèrent de reconnaître la frontière Durand, influencés par les pakistanais.
Un autre marionnettiste apparaît sur la scène à la même époque, l'Iran des ayatollahs. Il participe à la création du Hezbollah, un autre Godzilla qui va achever de déchirer le Liban, opération déjà bien entamée avec l'OLP et l'appui des syriens ayant conduit au conflit avec Israël. Pour celui-ci, l'Iran est son ennemi juré, celui qui a déclaré dans toutes les tribunes qu'il ne devrait pas exister. Israël finira par favoriser l'émergence de l’État Islamique, nouvelle bête encore plus féroce que les précédentes, mais n'anticipons pas.
Ce n'est pas seulement dans les films que la créature se retourne contre son créateur, le 11 septembre 2001, le monde stupéfait regarde les tours jumelles du Trade Center s'écrouler, percutées par des longs courriers. Ben Laden revendique cet attentat au nom d'Al-Qaïda en diffusant des vidéos. Les dirigeants américains choisirent un bouc émissaire en la personne de Sadham Hussein, dictateur instable et peu coopératif pour les approvisionnements pétroliers indispensables à l'économie de la planète. Les émirats de la région n'étaient certainement pas plus respectueux des droits de l'homme, mais n'avaient pas envahi le Koweït ni aucun autre état. Dans la foulée, les Talibans furent repoussés d'Afghanistan dans les montagnes du Pakistan et il semblait que la démocratie allait enfin s'établir dans la région. Une fois de plus, les américains et leurs alliés constatent qu'il est beaucoup plus difficile de se maintenir dans un pays hostile que de le conquérir. Il fallut donc retirer les troupes d'Irak et d' Afghanistan. La pression des Talibans fut plus forte que jamais et chaque jour amenait son lot d'attentats en Irak. L'avertissement de Hamid Karzai prévenant que la déstabilisation de son pays entraînerait celle de ses voisins est resté lettre morte.
L'argent du pétrole continuant de couler à flots, les petits prédateurs deviennent de plus en plus ambitieux. Les shebabs s'installent au Soudan, et un peu partout des émeutiers téléguidés par des groupes armés se dressent contre les dirigeants, Khadaffi en Lybie, Moubarak en Egypte et Assad en Syrie. Avec leur clairvoyance habituelle, les occidentaux appellent « printemps arabes » ces tentatives de déstabilisation et les soutiennent en leur fournissant des armes et un appui aérien. Heureusement, l'armée égyptienne est solide et capable de barrer la route aux Frères musulmans. Dans le cas de la Lybie et de la Syrie, le désastre est total, l'armement fourni se retrouvant au sein de mouvances toutes plus sanguinaires les unes que les autres, qui ont pour nom Al-Aqmi, Boko Haram et enfin Daesh, l’État Islamique.
L'irruption soudaine du califat islamique est une conséquence directe de cette stratégie qui consiste à alimenter en sous-main des extrémistes pour faire la guerre à sa place. L'Arabie Saoudite et le Qatar ont financé ce mouvement pour dégommer Assad qui est allié avec l'Iran, les occidentaux ont fourni des armes aux rebelles syriens qui atterrissent dans les mains d'Al Nosra ou d'autres. Les israéliens l'ont favorisé en soignant gratuitement ses blessés, luttant indirectement contre l'Iran, achetant ainsi une certaine tranquillité, mais pour combien de temps ? La peur du gigantesque prédateur qu'ils ont créé commence à apparaître, notamment avec le construction d'un mur en Arabie Saoudite. Mais les murs ne retiendront pas grand-chose et le pire est toujours à venir.
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