J’ai testé pour vous la Ford « Fuck You »
C'est quand ce loueur de voiture londonien m'a proposé, me fixant mollement dans les yeux avec un sourire niais : « do you want a Ford Fuck You's ( traduction de Focus...) », qu'il a ainsi en deux secondes réveillé mon aversion sanguine pour les anglo-saxons. Celle ci est née il y a vingt ans, mais également de mes dernier rapports professionnels avec eux sur le territoire français il y a cinq ans. Après quinze jours de vendanges chez des anglais limite polis, au moment de la paye, plus aucun d'entre eux ne parlait le moindre mot de français, et ne connaissait nos « congés payés », me volant ainsi +-50 euros. Ils m'ont laissé un arrière-goût d'humain étrange et inconnu dans notre sud, j'étais devenu immigré chez moi... en France.
Ce gentleman néanmoins élégant a déclenché, dès mon premier échange avec lui, presque au premier mot, depuis moins de deux heures sur le sol anglais, mon dégoût ancien pour les gens trop polis. Pour avoir sondé le regard flegmatique neutre et plat de cet homme dont les deux derniers mots, avec l'accent indistinct qu'il prit, sonnèrent comme la pire des injures internationalement connues et reconnues. Devant l'insistance avec laquelle il persistait à faire mur devant mon doute, sa Ford m'est restée en travers. Bon, après tout, j'ai si peu de ma vie mis les pieds dans des Ford dont je n'ai pas gardé le moindre souvenir quant à la personnalité de cette marque, ( hormis le V4 de la Capri ) et uniquement en temps que passager que j'acceptais pour la première fois de tester au volant. J'eus très rapidement la confirmation de mes intuitions, cette bagnole au sourire plat et niais, fer de lance de la marque, n'a aucune personnalité. Sans l'insigne au volant, elle ressemble à mille autres y compris dans son comportement raide, neutre et commun. Le seul argument favorable de cette auto est qu'est est moins chère que toutes ses concurrentes et malheureusement, elle n'en vaut pas plus.
Quel autre argument peut bien servir à convaincre quiconque de s'endetter pour sortir avec elle, flanqué d'une telle dénomination dans le dos ? Franchement, c'est juste une voiture de pauvre entièrement dépourvue d'aucun cachet. Celui qui n'a pas eu de parents ou grands-parents, résistants ou pas, mais susceptibles de lui raconter comment il y a soixante dix ans, nos envahisseurs allemands n'avaient réussi leur avancée sur le terrain, uniquement qu'après avoir réquisitionné tout le parc de nos célèbres Traction Avant Citroën. Ce sont celles-ci, bien plus véloces que toute la gamme de leurs tanks civils patauds et lourdauds, qui leur ont assuré la victoire au sol. Leur légèreté et tenue de routes, vivacité et nervosité sont dues à la motricité directement transmise au train directeur supportant l'organe le plus lourd de l'ensemble, le moteur, elles paraient par leurs facultés actives à la mauvaise qualité des réseaux routiers de nos deux pays confondus. Quand à la gamme proposée, 7cv, 11cv, 15cv, 22cv, légère, normale, commerciale, familiale, limousine, cabriolet, faux cabriolet, 15 hydro, qui dit mieux ?
Ces voiture ont d'ailleurs finalement petit à petit, sans qu'aucun ne s'en vante, donné le « LA » à toute la concurrence, malgré quelques voitures allemandes qui sont encore aujourd'hui récalcitrantes à la générale unanimité et juste récemment passées de la propulsion aux quatre roues motrices en haut de gamme, certains modèles persistent. N'ayons pas peur des mots, les deux seuls arguments valables de nos anciens ennemis ont été l'attaque, qui a souvent été la meilleure défense, et la réquisition de nos outils nettement plus efficaces. Cela datait déjà de la guerre précédente où se sont honorés les fameux taxis de la marne, des Renault pour l'occasion. Il n'y avait plus que les colonels, les généraux et Hitler lui même pour rouler encore en voiture allemandes sur le territoire français. Toutes les autres factions en charge de l'avancée sur le terrain ne se sont pas cachées de s'être vraiment régalés au volant de nos fleurons nationaux, sur nos tentaculaires réseaux routiers, très inégaux et imprévisibles, mais dont les défauts étaient effacés par les Citroën légères.
Jusqu'aux années soixante dix, les voitures allemandes n'avaient aucun mérite ni aucune renommée. Aucune d'elles n'est vraiment devenue mythique dans l'inconscient collectif, si ce n'est les quinze millions de ventes de la coccinelle et son frère combi à fleurs des Hippies. Toutes les autres marques allemandes n'avaient aucun charme et n'inspiraient confiance que parce qu'elles étaient beaucoup plus lourdes et imposantes, ce qui est un argument en cas de choc. Mais c'est aussi ce poids qui constituait, et aujourd'hui encore, la principale cause des sorties de routes aux cours desquelles ne sont souvent tuées que les parties adverses. Leur suprématie actuelle est banalement due au réflexe primaire de faire le choix de donner la priorité aux plus lourd et tâcher à tout prix de devenir propriétaire de l'un de ces obus roulants, de ces descendants de tanks civilisés et au volant de cette Ford, je me suis juste un peu senti comme un traitre de collabo.
Mais surtout, je ne saurai jamais si notre loueur a voulu dire : « Fuck US », ce qui fait de moi un infâme anti-atlantiste anti-sionniste et donc anti-sémite, ou même « Fuck us » ce qui voudrait dire qu'ils « nous » baisent par dessus le marché, mais dans tous les cas, cela m'a gêné de me trimballer avec cette injure résonnant dans mes oreilles et inscrite aux yeux de tous dans mon dos et encore, j'ai bien pris soin de ne pas traduire par « Faux culs ». Je me serai bien fait le plaisir de lui rappeler que Ford court depuis dix ans derrière Citroën en WRC avec sébastien Loeb, et que c'est aussi cette marque française qui a autorisé d'autres, dont WV à enfin dominer le Dakar depuis sa retraite du Dakar. Je suis sûr qu'il aurait été d'accord pour reconnaître que question mythe, les voitures françaises occupent le terrain vers le haut de l'affiche au cinéma. Malgré l'absence de la série de propagande véhiculée par la WV numérotée 53, peu de voitures populaires apparaissent dans les films. Les DS stylisées dans « retour vers le futur », Tractions noires au front de tout sujet et comédie sur la guerre, et Même 2CV renversées par des Rolls Royce maladroites, sont la seule marque de personnalité susceptibles de faire un lien sentimental avec le spectateur. A part bien sur, la ford Mustang, voiture populaire outre atlantique...
Essayez, vous verrez ce que ça fait, arpenter les routes anglaises au volant d'une voiture anglo-saxonne, en écoutant sur une radio luxembourgeoise un chanteur français d'origine belge habitant en Suisse et qui porte un nom à forte consonance outre atlantique, johnny Halliday ou Eddy Mitchel, vous aurez le sentiment que vous êtes en Europe alors que vous n'y êtes politiquement pas.
Dès mon retour, il m'est arrivé une autre aventure européenne semblable, mon voisin, un bon ami qui tient un bar me confie les clés de sa Citroën C4 avec de quoi acheter deux cartouches de Malboro au bled d'à coté, je lui dit que ce serait fait d'ici ce soir, voire demain matin. Je suis aussitôt parti vers l'Espagne par l'autoroute gratuite, ai passé la frontière à la Jonquiera et acheté les cartouches à moitié prix, avec la différence entre les prix français et espagnols, lui ai fait le plein de sa caisse et dans le premiere pizéria me suis sustenté avec une jeune roumaine. C'est avec un plaisir non dissimulé que je me suis souvenu, au retour, avec un réelle joie au cœur, au volant de cette excellente caisse, qu'André Citroën... était espagnol.
La froide Europe américallemande s'arrête quelque part entre Londres et la Loire, là où commence la vraie liberté des chauds sanguins sudistes où les premiers savent tous aller y passer leurs vacances ! Décidément, il y a bien deux Europes !
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