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Accueil du site > Tribune Libre > Je persiste et signe : oui, Monsieur, un enfant mineur non émancipé peut (...)

Je persiste et signe : oui, Monsieur, un enfant mineur non émancipé peut créer une EURL pour exercer une activité commerciale !

Pour favoriser la création d’entreprise en France, la loi n° 2010-658 du 15 juin 2010 a autorisé la création et la gestion d’une entreprise unipersonnelles à responsabilité limitée (EURL) par des enfants mineurs non émancipés.

Cette réforme a été présentée en fanfare par Monsieur Hervé NOVELLI, alors secrétaire d’État chargé du Commerce, de l’Artisanat, des Petites et moyennes entreprises, du Tourisme, des Services et de la Consommation.

Mais vous allez comprendre qu’il y a parfois loin des promesses à la réalité.

Les mésaventures d’un jeune apprenti créateur

Nous avons reçu, sur notre site, il y a quelque temps déjà, un témoignage d’un enfant mineur non émancipé qui racontait ses déboires de (quasi) créateur d’entreprise.

Ce jeune internaute désirait créer une EURL pour y exercer une activité commerciale. Il raconte s’être heurté au refus catégorique de la Chambre de commerce et d’industrie (CCI) auprès de laquelle il voulait déclarer la création de sa société.

La CCI aurait justifié son refus par l’impossibilité pour un mineur non émancipé d’exercer une activité commerciale.

Je m’étonne de cette histoire et je fais une recherche rapide sur le site de l’Agence pour la création d’entreprise (APCE), que l’internaute avait cité.

Rebelote, le site exclut effectivement les activités commerciales des activités susceptibles d’être exercées par une EURL dirigée par un mineur.

Cela m’enfonce dans mon étonnement d’autant plus que l’APCE a la réputation d’être très pointue sur tout ce qui touche à la création d’entreprise.

Un principe de base du droit des sociétés

Pourtant, d’après ce que je sais, un mineur non émancipé peut tout à fait créer et gérer une EURL pour exercer une activité commerciale

Certes, l’article L 121-2 du code de commerce et l’article 413-8 du code civil réservent aux mineurs émancipés la possibilité d’être commerçant.

Mais cela ne concerne que les mineurs non émancipé qui exercent une activité commerciale en tant que personnes physiques et qui doivent donc solliciter leur inscription, en tant que commerçant en nom propre, au registre du commerce et des sociétés.

Il n’est aucunement question, dans ces dispositions, de l’exercice d’une activité commerciale sous la forme d’une société.

Concernant l’exercice d’une activité commerciale sous la forme sociétaire, justement, plusieurs éléments plaident, sans ambiguïté, en faveur de la thèse que je défends :

1° La loi n° 2010-658 du 15 juin 2010, qui autorise notamment la création, sous certaines conditions, d’une EURL par un mineur non émancipé, ne contient aucune restriction au niveau des activités éligibles.

2° A aucun moment les débats qui ont précédé le vote de la loi ne mentionnent de restriction relative à l’activité exercée par la société unipersonnelle.

3° Sauf dans certains types de sociétés somme toute peu courants comme les sociétés en nom collectif, ni le ou les associés d’une société (EURL notamment), ni ses dirigeants n’ont la qualité de commerçant.

C’est la société, et elle seule, qui, en tant que personne morale, détient une telle qualité. Il s’agit là d’un principe de base du droit des sociétés résultant de l’article L121-1du Code de commerce aux termes duquel ne sont commerçants que ceux qui font des actes de commerce à titre professionnel et habituel.

Cela s’explique aisément par le fait que la société commerciale dispose d’une personnalité juridique propre distincte de celle de ses membres et que les actes de commerces sont effectués par la société par l’intermédiaire de son ou ses gérants qui la représentent.

Ce principe de base a d’ailleurs été confirmé par de nombreuses décisions des tribunaux, dont notamment trois arrêts de la Cour de cassation : chambre sociale, 11 janvier 1989, n° de pourvoi : 86-16267 ; chambre commerciale, 17 juillet 1990, n° de pourvoi : 88-11839 ; chambre commerciale, 1er octobre 1997, n° de pourvoi : 95-12092.

La valse hésitation de l’administration

La position de l’APCE commence pourtant à m’inquiéter car j’avais écrit sur le site Droitissimo.com qu’un mineur non émancipé pouvait exercer une activité commerciale par l’intermédiaire d’une EURL et cela pourrait laisser perplexes les internautes qui seraient confrontés à des interprétations contradictoires de la loi.

Pour en avoir le cœur net, je laisse un message sur le site de l’APCE qui me répond par un silence assourdissant.

Quelques temps après, sans nouvelle de l’APCE, je décide, dans un éclair (rare) de lucidité, d’interroger directement la Direction Générale de la Compétitivité, de l’Industrie et des Services (DGCIS) qui est une des directions du ministère de l'économie et des finances et qui est en principe responsable de tout ce qui concerne les PME, dont bien sûr la création d’entreprise.

Après plusieurs échanges de mails, la DGCIS me confirme officiellement ce que je pensais être juste et ce que j’avais écrit : un enfant mineur non émancipé peut tout à fait créer et gérer une EURL pour exercer une activité commerciale !

Bien évidemment, comme la DGCIS a tenu à le rappeler, il doit respecter l’ensemble des conditions  prévues par la loi du 15 juin 2010

C’est comme ça, point barre !

Mais l’histoire ne s’arrête pas là : je reprends contact avec l’APCE pour lui faire part de mes échanges écrits avec DGCIS. Après quelques jours de silence, l’agence me répond enfin en ces termes :

« Nous vous remercions pour votre interpellation (c’est gentil). Votre argumentaire a soulevé un certain nombre d’interrogations (cela me flatte). Toutefois, le Ministère de la Justice nous a confirmé la validation de l’information diffusée sur notre site (ah bon ?) ».

Qui ? Quoi ? Comment ? Pourquoi ? Nulle explication ne m’est donnée. C’est comme ça, point barre ! Et c’est tout.

Comme l’a écrit Edmond ROSTAND dans Cyrano de BERGERAC « Ah ! Non ! C'est un peu court, jeune homme ! On pouvait dire... Oh ! Dieu !... bien des choses en somme ».

Depuis, j’ai essayé d’avoir des explications plus précises sur les motifs de cette position, qui me semble juridiquement injustifiable, auprès de l’APCE et de la DGCIS qui, embarrassés et confus, renvoient la patate chaude au ministère de la Justice.

Quant à ce dernier, il se garde bien de prendre officiellement position, estimant, je suppose, que comme dans toute bonne série policière américaine « tout ce que vous pourrez dire pourra être retenu contre vous » (je sais, cela fait beaucoup de citations, mais il faut bien meubler).

Mais je persiste et signe : oui, Monsieur, un enfant mineur non émancipé peut créer une EURL pour exercer une activité commerciale !

En tout cas, cela me ferait très plaisir d’apprendre un jour que notre jeune internaute a réussi à créer son entreprise grâce à Droitissimo.com. Enfin, avant ses 18 ans…

Pour en savoir plus, rendez-vous sur http://www.droitissimo.com.


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5 réactions à cet article    


  • Traroth Traroth 1er juin 2011 15:15

    On nage en plein flou juridique, c’est vraiment absurde. Sur le fond, je me pose quand même des questions. Comment un mineur non-émancipé peut-il créer une entreprise et encore plus la gérer, alors que, de par sa qualité de mineur, il ne peut pas légalement signer de contrat.

    Les mots ont un sens, et au-delà de la démagogie d’un ministre cherchant le « coup » médiatique, que veut dire « mineur » si on donne eux mineurs tous les droits et capacités d’un majeur ?

    Je rappelle que les limitations de droits et de capacités des mineurs prévues par le législateur ont une raison d’être : protéger les enfants contre les conséquences qu’ils pourraient prendre autrement, et qui pourraient mettre en danger leur avenir et même leur famille !


    • Traroth Traroth 1er juin 2011 15:15

      les conséquences des décisions* qu’ils pourraient prendre autrement


    • titi titi 1er juin 2011 16:06

      « et au-delà de la démagogie d’un ministre cherchant le »coup« médiatique »

      ce n’est rien d’autre que cela.
      Comme jadis le capital d’entreprise à 1 euro... sachant que pour démarrer une entreprise il faut nécessairement un comptable qui valide les comptes en fin d’année (minimum 1500 euro/an) et une responsabilité civile (minimum 1500 euros ans)

      En fait on voudrait faire comme aux USA, où les petits génis démarrent leur boite dans leur garage et deviennent milliardaires à 30 ans.
      Sauf qu’en france on a pas la culture du risque : assurance obligatoire, pas de capital risque...

      C’est pas cette mesurette qui fera passer notre société d’une société d’allocataires à une société d’entrepreneurs.


    • wesson wesson 1er juin 2011 18:05

      bonjour titi,

      "En fait on voudrait faire comme aux USA, où les petits génis démarrent leur boite dans leur garage et deviennent milliardaires à 30 ans."

      les exemples mille fois rabâchés se compte sur les doigts d’une seule main (et par pitié ne me parlez pas du fiston Gates, dont le papa avait déjà fortune faite avec son cabinet d’avocat. Le petit bill a peut-être bien démarré dans un garage, mais c’était pas celui d’un hlm ...)

      et pour les autres ... en 2011 il y a 48 millions d’américains qui bouffent à l’aide de tickets d’aide alimentaire.


    • le poulpe entartré 2 juin 2011 00:25

      @ l’auteur

      C’est bien d’être pugnace comme cela vis à vis des administrations qui ne se pressent surtout pas pour répondre à des questions pointues. Tout de même que d’énergie gaspillée juste pour dire : « j’avais raison ». Il aurait été plus rapide (et plus simple) de créer une société dans un état satellite à la France, comme la Belgique, le Luxembourg, Saint Marin, Andorre, Jersey, en Angleterre ou Gibraltar. Une fois le siège crée : ouverture d’une succursale en France. Si vous avez eu raison sur un point de droit (félicitations) économiquement parlant c’est un non-sens total par le temps perdu et toutes ces ressources gaspillées. Moralement parlant, c’est autre chose mais quelle est donc celle des administrations qui se sont bornées à vous donner une fin de non recevoir assise sur de l’incompétence et le déni de vos droits ?

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