Je sens donc je crée
Comme le montre l’excellent documentaire de Cécile Denjean présenté sur Arte le 31 janvier 2014 ( le ventre, notre deuxième cerveau), la science prouve désormais la réalité de l’interface de communication que représente notre tube digestif. Il n’est pas qu’une usine à broyer ce qui est étranger pour l’assimiler mais s’avère au contraire être un système symbiotique informatif qui nous lie au monde dit extérieur.
Notre ventre est doté d’un véritable réseau de 200 000 neurones ( autant que le cerveau d’un chien) dont les cellules souches proviennent du même feuillet embryonnaire que celles de l’encéphale. En plus de la gestion des fonctions digestives il est en relation très étroite avec le système immunitaire, lequel participe de la conscience du Soi et il est responsable de l’équilibre de notre psychisme. (source : « The second Brain » de Michael Gershon, Colombia University). L’exemple le plus spectaculaire est celui de la sérotonine, un neurotransmetteur qui influence les états d’âme et qui est produit à 95% par les cellules nerveuses de l’intestin. La région abdominale que l’on limitait aux fonctions d’assimilation et d’élimination des aliments, est en fait aussi le siège le l’assimilation et de l’élimination des émotions. Notre cerveau entérique dans l’abdomen façonne chimiquement nos émotions et, en retour, est affecté par la réponse de l’encéphale.
Les recherches actuelles mettent également l’accent sur la réalité d’une symbiose informationnelle et opérationnelle qui nait d’un véritable dialogue entre les 100 000 milliards de bactéries qui habitent notre tube digestif et le corps humain. A titre de comparaison notre corps est un véhicule d’environ 1000 milliards de cellules provenant de la division d’un œuf fécondé. Il transporte donc cent fois plus de cellules bactériennes dites étrangères dans son microbiote. Nous sommes une symbiose coopérative. Notre corps et sa mémoire génétique sert d’écosystème pour le maintient d’une biodiversité génétique allant bien au-delà de notre patrimoine proprement humain ? A force de vivre ensemble, notre corps et les bactéries ont appris à se connaître et à communiquer. La coopération et la rétroactivité est ici la règle naturelle.
Si l’on part de ce principe de base d’interrelation que l’on peut mettre en évidence dans la biologie, la médecine, l’écologie, les sciences sociales, on peut envisager que les frontières émotionnelles, qui ne sont pas si étanches entre le soi et le non soi, ne le soient pas d’avantage entre les individus entre eux de même qu’entre les individus et le monde dit extérieur.
Nos états émotionnels résultent de l’expérience vécue et de la sensibilité individuelle, elle-même le fruit d’une coopération symbiotique comme nous l’avons vu plus haut. Ces émotions ont à leurs tours un feed back sur notre métabolisme, puis sur notre entourage et enfin sur la réalité qui nous entoure. C’est l’essence de nos émotions particulières qui fournit le carburant aux drames ou aux joies dans le monde.
La connaissance, la compréhension, la conscience et enfin la maîtrise de nos états émotionnels sont donc déterminants pour agir sur la réalité co-créée. Notre réalité émotionnelle se révèle sur l’écran où se projette le film de notre vie. Les lois de la probabilité, qui ont fait les fondements de l’évolutionnisme, n’interviennent « aléatoirement » sur l’expérience que lorsque la conscience appliquée fait défaut. Reste tout de même à préciser que cette loi de probabilité résulte elle-même d’une moyenne de l’ensemble des expressions individuelles.
Les êtres humains sont sur notre planète les champions des émotions qu’ils cultivent pour les plus habiles ou subissent pour les plus soumis dans leur vie privée, leur vie sociale et dans leurs divertissements en général. La passivité condamne donc mécaniquement le soumis à la résultante artificielle des névroses ou des joies collectives. A contrario être actif c’est placer le cours de ses émotions dans le champ de contrôle et de protection de sa conscience. L’observation attentive est la clé qui ouvre la porte du choix.
En France et dans le monde l’état de crise, de désespoir, de morosité et de colère qui se déverse actuellement dans les populations n’influe-t-il pas sur les débordements, les catastrophes dites naturelles et autres expressions de violences et de tensions accumulées dans les peuples et dans la bio sphère.
Abrutie par les divertissements marchands, l’alcool, les drogues, les dogmes religieux de soumission aveugle, les mondes de violence virtuels, figée dans les peurs du chômage, du manque, de la maladie, de la haine de l’autre, l’humanité s’enferme dans une névrose obsessionnelle qui noircie ses émotions vitales. A la manière d’un miroir, tout cela lui est renvoyé par la sphère du monde dans une juste et exacte proportion.
Seule la conscience de la pleine et entière responsabilité émotionnelle sur les évènements en cours permettrait d’influencer l’à venir. Nous sommes le monde et le monde est en nous. Nous sentons, nous collaborons, nous échangeons, nous créons. C’est tout. Il n’y a rien d’autre. Chaque être incarné est une extension du même champ de conscience. La vigilance lucide ou la passivité désinvolte servent ou desservent le bien commun. Chacune de nos émotions altère ou désaltère le cœur du monde. Nul ne peut échapper à la règle de l’unité. Les douceurs de la coopération consciente peuvent seules bâtir durablement. Les violences émotionnelles de la compétition tous azimuts mènent à la souffrance et à la déchéance programmée. Amplifiés par la bulle réverbérante de notre bio sphère ses ricochets finiront par nous toucher tous.
Erik Gruchet, Saint Pierre le mardi 11 mars 2014
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