Je suis Charlie... et après ?

Quelle semaine nous venons de vivre. Mercredi dernier un horrible attentat frappait Charlie Hebdo et décimait la rédaction. Les terroristes Kouachi venaient de tuer 12 personnes et étaient en cavale. Celle-ci a pris fin 48 heures plus tard par la mort des deux assassins. Entretemps un troisième sanguinaire tuait une policière à Montrouge et à exécutait plusieurs otages dans une épicerie casher. Au total le nombre de victimes de ces 3 jours sanglants s’est élevé 17.

12 morts 66 millions de blessés titraient les journaux au soir de l’attentat. Cette lâche attaque a bouleversé le pays et les français. Le soir même de l’attentat, des rassemblements ont eu lieu dans tout le pays. Le mouvement « Je suis Charlie » a été relayé sur les mouvements sociaux.

3,7 millions de personnes ont manifesté dimanche dans toute la France. Ils ont voulu mettre la France à genoux, ils l’ont mise debout, pouvait-on lire sur les banderoles. Les terroristes se sont attaqués à quelque chose de sacré aux yeux des français :la liberté d’expression mais surtout notre liberté à rire de tout même de la religion. Certains pays occidentaux n’avaient pas caricaturé Mahomet.

Les anglais ne le sont pas permis par car ils n’ont jamais caricaturé Jésus. Mais Charlie Hebdo c’était cela se moquer parfois insolemment mais jamais sans tomber dans l’appel à la haine ou la stigmatisation ; la satire tout simplement. Cette même notion que les frères Kouachi ne connaissaient pas…

Mais pourquoi, deux individus nés en France qui sont allés à l’école de la République ne connaissaient pas cela. N’ont-ils pas appris cette citation de Voltaire. « Je ne suis pas d’accord avec vous, mais je me battrai pour que vous ayez le droit de le dire ». Ils se sont laissés embrigadés par les réseaux islamistes radicaux, sans faire preuve de bon sens et de discernement, si nécessaires aux hommes pour vivre en société.

L’école a-t-elle sa part de responsabilité dans le drame qui s’est passé. Transmet-elle suffisamment les valeurs de la République ? On est â même de se poser des questions quand on voit ces minutes de silences troublées dans les collèges et les lycées. D’une manière plus générale l’école est victime comme le reste des espaces publics, d’une confiscation de la pensée.

Aujourd’hui en particulier à la télévision, ce sont toujours les mêmes personnes que l’on entend. Celui qui pense différemment n’est pas invité sur le plateau télé. On assiste à une uniformisation de la pensée. Mais là il y’a eu électrochoc. Comme en témoigne cet article d’Abednour Bidar invitant le monde musulman à se remettre en cause lui-même.

Abednou Bidar prend à contrepied nombre de musulmans qui affirment que ces deux terroristes ne sont pas des musulmans. Il affirme que c’est le monde musulman lui-même qui a permis l’émergence de monstres comme l’Etat Islamique ou Al Quaida.

En somme, il a raison car pour combattre un mal, il convient de le nommer proprement. Les deux terroristes sont des musulmans français. Nombreux sont ceux qui pensent que cette nationalité, ils ne le méritaient pas car ils n’en partageaient pas les valeurs. La déchéance de nationalité d’un terroriste va surement s’inviter dans le débat.

D’un point de vue sécuritaire, elle ne serait pas l’idéale mais elle ôterait à ces terroristes la liberté de circulation sur le territoire français. Mais du point de vue du droit, elle sera difficile à appliquer. A partir de quelles preuves suffisantes peut-on suspecter un homme d’être un terroriste cherchant à commettre des attentats.

Ce n’est pas facile car la plupart du temps, ils se tiennent tranquilles les années précédant l’attentat afin d’endormir la méfiance des services de renseignements. Dans le cas de frères Kouachi, le voyage au Yémen en 2011 peut-il constituer une preuve sérieuse et suffisante ?

Toutes ces questions méritent d’être posées. Certains parlent même d’un Patriot Act à la française. Ces mesures d’exceptions qui ont été mises en place par les Etats Unis au lendemain du 11/09/2001. L’émotion légitime que ce drame a suscitée doit nous appeler à la prudence. Voulons- nous d’un nouveau Guantanamo ? La France est en guerre contre le terrorisme a affirmé le président Hollande. Mais être en guerre ne doit pas faire oublier que nous sommes un état de droit.

Enfin sur le plan militaire, quelles options vont être envisagées ? Le président Hollande était entouré d’une cinquantaine de chefs d’états le jour cette exceptionnelle manifestation. Certains sont venus manifester davantage contre le terrorisme que pour la liberté d’expression. On pense à Lavrov, Orban, Bongo, Ahmet Davotglu et consors.

Les cerveaux de ces attentats sont au Yémen. Est-ce que la France a les moyens de mener une opération dans ce pays alors qu’elle est déjà engagée au Mali, en Centrafrique et en Irak. Son intervention en Irak se limite à des frappes aériennes. Cela ne suffira pas si on veut venir à bout d’Al Quaida.

Et surtout, la grande question est de savoir qui seront les alliées à ses côtés. Quels pays seraient prêts à prendre part à une coalition. Les Etas Unis ? Avec Obama en fin de mandat, ce n’est pas sûr. L’Union Européenne ? L’Allemagne est réputée pour être neutre, les pays d’Europe Centrale ont davantage peur de l’ours russe que du terrorisme islamique. Le Royaume Uni peut être envisagé comme un allié. Mais à quelques mois des élections britanniques, ce n’est peut-être pas le meilleur moment pour se lancer dans une opération militaire.

Toutes ces questions sont légitimes et doivent apparaitre dans le débat actuel. La France fait face à un triple défi majeur à la fois culturel, sociétal et sécuritaire. A nous de poser les bonnes questions afin que la France puisse trouver les bonnes réponses.