Je suis un « socedème »
Je suis un « socedème » et apparemment ça fait bien rire.
En tout cas l’autre soir, un ami et moi avons (après le rugby) décidé de se retrouver dans un bar, « Place du marché » comme on l’appelle à Poitiers. Demis commandés, table trouvée, un jeune homme, épris de boisson vint nous voir en s’esclaffant par un « Tiens, salut le socedème ! » Tout d’abord emmerdé par le bièreux, je rétorque quelques insipiditées afin de pouvoir l’éconduire.
La première question de mon ami (et probablement la vôtre) fut de définir ce nouveau terme. J’expliquai mon passé politique, et les fréquentes discussions eues avec le fâcheux d’alors, que le houblon n’avait manifestement pas effacées de sa mémoire. Un socedème, entamai-je, c’est le diminutif peu affectif pour social-démocrate, euphémisme certain pour le « social traître » d’antan, prononcée au moins une fois lors du baptême de tout bon Jicéhère. « Un Jicéhère, qu’est-ce-c’est ? » Un jeune communiste révolutionnaire, une sorte de situationniste embrigadé. « Un situationniste ? Oh putain faut que j’lire ! » fit-il pour clore le sujet qui ne le passionnait visiblement pas. Tout se passait bien, il faisait frais ce soir-là, et mon ami, sortant d’une soirée, s’en alla, me laissant seul sur le pavé, face à mon café (j’avais de la route...).
C’est alors que tout changea. Ma politesse de tout à l’heure n’avait pas dû suffire à mon invectiveur, et profitant d’une pause entre deux gorgées de café chaud, il me fit signe pour me présenter à ses « amis ». Sans me presser la nénette, j’approchai, et à mes oreilles résonnèrent de nouveaux les petites sympathies du début de l’article. Nous étions alors embarqués pour une longue discussion politique. Bien que passionné par ce sujet, je ne me voyais pas vraiment répondre à de jeunes étudiants prenant leurs idées très aux sérieux. Donc j’escouta.
Et vas-y que j’essaie de te convaincre, que la gauche « c’était mieux avant », que Ségo elle est nulle, que les mammouths du PS devraient tous se barrer chez Bayrou, etc., etc.
Convaincre. Cela faisait longtemps que je n’avais pas essayé, trouvant l’idée futile, surtout à 1 h du matin, et encore plus, un public visiblement incapable d’écouter autre chose que sa personne. Il m’a fallu attendre longtemps avant de pouvoir parler à mon tour. Preuve certaine de la rancoeur du militant en face de moi, il m’assénait les écoutilles avec un « il faut que le PS change ». (A la rédaction de l’article, je suis tenté de remplacer rancoeur par jalousie, mais rancoeur est peut-être moins vexant pour eux.)
Mes réponses furent disparates, tronquées, interrompues par sa diahrrée incohérente et revancharde. Il parlait comme ce prof de math, dans Le Péril jeune, disait « le jeune » quand il parlait de la jeunesse. Savait mieux parler que moi de la gauche, de Bourdieu, et que la pire des choses qu’il avait faites dans sa vie, c’était de vôter Ségolène au deuxième tour (à ce moment, un silence, ou un rot je ne sais plus, me permit de placer un « Ah car tu n’as pas voté Chirac en 2002 ? » qui fit son plus bel effet). Malgré tout, ou rien, il était visiblement satisfait d’avoir su trouver la voie, en militant.
A l’instant, je viens de lire dans le blog d’Hémiprésente que j’étais « engagé ». Je préfère être engagé, et ouvrir ma voix, que militant, et perdre la tête, en la trouvant.
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