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Accueil du site > Tribune Libre > Jean Ferrat est mort : j’entends, j’entends ...

Jean Ferrat est mort : j’entends, j’entends ...

Jean Ferrat est mort, ce samedi 13 mars 2010.

"La vie aura passé comme un grand château triste que tous les vents traversent
Les courants d’air claquent les portes, et pourtant, aucune chambre n’est fermée
Il s’y assied des inconnus pauvres et las, qui sait pourquoi certains armés
Les herbes auront poussé dans les fossés, si bien qu’on n’en peut plus baisser la herse"
Mais "Je ne dis pas cela pour démoraliser, il faut regarder le néant
En face pour savoir en triompher. Un chant n’est pas moins beau quand il décline
Il faut savoir ailleurs l’entendre qui renaît comme l’écho dans les collines
Nous ne sommes pas seuls au monde à chanter et le drame est l’ensemble des chants"
Le drame, il faut savoir y tenir, sa partie, et, parfois, qu’une voix se taise
Sachez-le toujours le chœur profond reprend la phrase interrompue ..." [1]
 
"En groupe en ligue en procession
En bannière en slip en veston
Il est temps que je le confesse
A pied à cheval et en voiture
Avec des gros des p’tits des durs
Je suis de ceux qui manifestent" [2]
 

C’est pour ça que j’aime Ferrat, à moins que ce ne soit l’inverse ! Je connais toutes ses chansons par cœur : ses disques étaient à la maison. Mes parents m’avaient racontés que lorsqu’il était venu chanter par ici, dans les années soixante, les curés du coin avaient interdit d’aller l’écouter chanter "Nuit et brouillard".

"Si les uns chantent par ma voix
D’autres décrètent par la bible .." [3]
"Bien sûr bien sûr vous me direz que c’est toujours comme cela mais justement
Songez à tous ceux qui mirent leurs doigts vivants, leurs mains de chair dans l’engrenage
Pour que cela change et songez à ceux qui ne discutaient même pas leur cage
Est-ce qu’on peut avoir le droit au désespoir, le droit de s’arrêter un moment ?"
 

Non ...

Et pourtant, désormais, les chansons de Jean Ferrat vont être interdites. Jusqu’au 14 mars 2080 ! La vieille censure de l’ORTF, Jean Ferrat l’a connue :

"En vingt ans de dur labeur
J’ai connu vingt directeurs
Qui partirent à ma chasse
Mais avant qu’ils ne m’attrapent
lls passaient tous à la trappe
Moi je suis toujours en place" [4]
 

Mais la censure a désormais un autre visage, encore plus froid : celui du capitalisme débridé. Depuis 2002, en France, il est interdit de publier les chansons de Jean Ferrat sur Internet. Ses chansons deviennent petit à petit introuvables dans le commerce. Il avait déjà dû tout ré-enregistrer en 1980 parce que Barclay voulait cesser de les distribuer.

Jean Ferrat est mort aujourd’hui, et j’entends déjà les vautours s’agiter : Drucker va lui rendre hommage, et les marchands de disques vont faire quelques ré-éditions ... Des compils bien proprettes avec "La montagne" et "Heureux celui qui meurt d’aimer". Et pour écouter "Dingue", "La porte à droite", "Restera-t-il un chant d’oiseau", "Dix-sept ans", ou "A la Une", il nous restera les éditions originales, devenus "collectors" inabordables, ... et les sites pirates, à l’étranger ...

Et le peuple communiste, le peuple qui écoute Ferrat, le peuple communiste tendance Ferrat, ce peuple communiste qui parfois dit "mon parti m’a quitté", ce peuple de gauche qui pleure aujourd’hui l’un de ses plus grands poètes ne pourra plus faire connaître les chants de Jean Ferrat. Pendant soixante-dix ans !!!

Désormais, toutes ces chansons qui nous accompagnaient dans la rue, dans le métro, et dans les manifs ne nous appartiennent plus : impossible de les publier sur un site militant, de les imprimer avant de partir manifester, sans violer la loi du Capital et sa "justice" aux ordres ! Nous faudra-t-il les désapprendre, ses chansons ? S’interdire de les publier, de les faire découvrir aux jeunes générations pendant les 70 ans qui viennent ? Accepter sans se rebeller cette lobotomie juridique ??? Oh j’entends déjà l’argument des marchands, je les entends déjà parler "au nom" des ayants-droits, qui n’auront même pas doit à 1% des profits ... Et le peuple communiste, celui qui faisait venir chanter Ferrat dans les meetings et dans les usines en grève, n’aura que ses yeux pour pleurer, et la tradition orale pour média.

Et moi, pauvre de moi qui connait toutes ses chansons par cœur, combien de vies devrais-je perdre devant TF1 pour combler le vide laissé par une seule chanson de Ferrat ? Et puis, si j’avais su il y a trente ans que je n’aurais pas le droit aujourd’hui de vous les faire partager ici sans payer de royalties aux marchands de disques et à leurs avatars, les aurais-je passées en boucle jusqu’à toutes les savoir ?

"Hou, hou ! Méfions-nous : les flics sont partouts", chantait Ferrat. N’empêche que le meilleur hommage que l’on puisse rendre à Jean Ferrat, pour tout ce qu’il nous a donné de chants de révolte et d’espoir, c’est de continuer le combat !

 
"C’est un autre avenir qu’il faut qu’on réinvente
Sans idole ou modèle pas à pas humblement
Sans vérité tracée sans lendemains qui chantent
Un bonheur inventé définitivement
Un avenir naissant d’un peu moins de souffrance
Avec nos yeux ouverts en grand sur le réel
Un avenir conduit par notre vigilance
Envers tous les pouvoirs de la terre et du ciel
 
Au nom de l’idéal qui vous faisait combattre
Et qui nous pousse encore à nous battre aujourd’hui" [5]
 
En groupe en ligue en procession
Et puis tout seul à l’occasion
J’en ferai la preuve par quatre
S’il m’arrive Marie-Jésus
D’en avoir vraiment plein le cul
Je continuerai de me battre
On peut me dire sans rémission
Qu’en groupe en ligue en procession
On a l’intelligence bête
Je n’ai qu’une consolation
C’est qu’on peut être seul et con
Et que dans ce cas on le reste
 

J’entends, j’entends ...

J’en ai tant vu qui s’en allèrent
Ils ne demandaient que du feu
Ils se contentaient de si peu
Ils avaient si peu de colère
 
J’entends leurs pas j’entends leurs voix
Qui disent des choses banales
Comme on en lit sur le journal
Comme on en dit le soir chez soi
 
Ce qu’on fait de vous hommes femmes
O pierre tendre tôt usée
Et vos apparences brisées
Vous regarder m’arrache l’âme
 
Les choses vont comme elles vont
De temps en temps la terre tremble
Le malheur au malheur ressemble
Il est profond profond profond
 
Vous voudriez au ciel bleu croire
Je le connais ce sentiment
J’y crois aussi moi par moments
Comme l’alouette au miroir
 
J’y crois parfois je vous l’avoue
A n’en pas croire mes oreilles
Ah je suis bien votre pareil
Ah je suis bien pareil à vous
 
A vous comme les grains de sable
Comme le sang toujours versé
Comme les doigts toujours blessés
Ah je suis bien votre semblable
 
J’aurais tant voulu vous aider
Vous qui semblez autres moi-même
Mais les mots qu’au vent noir je sème
Qui sait si vous les entendez
 
Tout se perd et rien ne vous touche
Ni mes paroles ni mes mains
Et vous passez votre chemin
Sans savoir que ce que dit ma bouche
 
Votre enfer est pourtant le mien
Nous vivons sous le même règne
Et lorsque vous saignez je saigne
Et je meurs dans vos mêmes liens
 
Quelle heure est-il quel temps fait-il
J’aurais tant aimé cependant
Gagner pour vous pour moi perdant
Avoir été peut-être utile
 
C’est un rêve modeste et fou
Il aurait mieux valu le taire
Vous me mettrez avec en terre
Comme une étoile au fond d’un trou [6]
 

A Jean Ferrat, à sa famille, et à ses ami-e-s, qui sont des milliers, qui sont vingt et cent. A Jean-Pierre, Natacha, ou Samuel. A celui qui croyait au ciel et à celui qui n’y croyait pas. A celles et ceux qui ne priaient pas, mais qui voulaient simplement ne plus vivre à genoux [7] :

 
"Je chanterais ces mots
S’il le faut en reggae
Pour qu’un jour les enfants
Sachent qui vous étiez"

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7 réactions à cet article    


  • liebe liebe 15 mars 2010 11:47

    Pour ce qui parle de Jean Ferrat le communisme, je souhaiterai leur dire que ce grand artiste nous a montré la voix (e) de la colère et qu’il a toujours eu le courage de ses opinions.
    Il aurait bien rigolé hier soir en voyant les résultats des élections, il aurait aussi pousser un beau coup de gueule...
    Ferrat a certes soutenu le PC mais sans jamais s’encarter, il a dénoncé certains excés dans ces chansons ;
    Le communisme, le vrai celui que l’on ne trouve que dans les livres était dans ses pensées, était dans son coeur, était dans ses chansons.
    Il n’a eu de cesse de dénoncer les multitudes de turpitudes qui traversaient les âges.
    il y a le ferrat léger, le ferrat poête, le Ferrat mélomane avec un grand coeur, le Ferrat engagé, le Ferrat grand humaniste, le Ferrat à la voix d’or..
    Ces chansons ont bercé mon enfance, je les écoutais sur un vieux tourne disque quand mes parents n’étaient pas là , et je chantais c’est partout le bruit des bottes ou la femme est l’avenir de l’homme avant d’interpréter nuit et brouillard ou potemkine.
    Ferrat était un grand homme qui nous a chanté une France digne de ce nom :

    Ma France by Jean Ferrat Album : Jean Ferrat - Vol.1 (1999)
    De plaines en forêts de vallons en collines
    Du printemps qui va naître à tes mortes saisons
    De ce que j’ai vécu à ce que j’imagine
    Je n’en finirais pas d’écrire ta chanson
    Ma France

    Au grand soleil d’été qui courbe la Provence
    Des genêts de Bretagne aux bruyères d’Ardèche
    Quelque chose dans l’air a cette transparence
    Et ce goût du bonheur qui rend ma lèvre sèche
    Ma France

    Cet air de liberté au-delà des frontières
    Aux peuples étrangers qui donnaient le vertige
    Et dont vous usurpez aujourd’hui le prestige
    Elle répond toujours du nom de Robespierre
    Ma France

    Celle du vieil Hugo tonnant de son exil
    Des enfants de cinq ans travaillant dans les mines
    Celle qui construisit de ses mains vos usines
    Celle dont monsieur Thiers a dit qu’on la fusille
    Ma France

    Picasso tient le monde au bout de sa palette
    Des lèvres d’Éluard s’envolent des colombes
    Ils n’en finissent pas tes artistes prophètes
    De dire qu’il est temps que le malheur succombe
    Ma France

    Leurs voix se multiplient à n’en plus faire qu’une
    Celle qui paie toujours vos crimes vos erreurs
    En remplissant l’histoire et ses fosses communes
    Que je chante à jamais celle des travailleurs
    Ma France

    Celle qui ne possède en or que ses nuits blanches
    Pour la lutte obstinée de ce temps quotidien
    Du journal que l’on vend le matin d’un dimanche
    A l’affiche qu’on colle au mur du lendemain
    Ma France

    Qu’elle monte des mines descende des collines
    Celle qui chante en moi la belle la rebelle
    Elle tient l’avenir, serré dans ses mains fines
    Celle de trente-six à soixante-huit chandelles
    Ma France


    Adiou Jean, tu es allé retrouver les étoiles , briller au firmament, éclairer nos coeurs de tes chants , scintiller de paix ...
    Merci pour ces mots qui nous ont tant fait pleurer, qui nous feront encore pleurer.. Nous te rendons hommage mon ami, qui a réussi au travers de tes chansons à t’attacher fidèlement le coeur de tes auditeurs, et malgré ton absence, nous chanterons encore les mélodies que tu nous as offertes...
    Merci jean .. Adiou...


    • fredleborgne fredleborgne 15 mars 2010 12:18

      Voilà malheureusement le seul combat qu’il n’a pas su mener, celui de la liberté sur internet.
      Il avait mis son nom avec les pro-hadopi

      Inspiré de la chanson « Le bruit des bottes » dont il a été l’interprète

      C’est partout la pluie de notes
      C’est partout l’ordre doremi
      Sur internet on vous ligote
      On vous arnaque au pied du lit
      On a beau me dire qu’en France
      On peut dormir à l’abri
      Des mafiosi en finance
      Font travailler les képis

      Quand on fait payer la musique
      C’est toujours en général
      Pour sauver la gent artistique
      Pour sauver l’Ordre moral
      On sait comment ils opèrent
      Pour transformer les esprits
      Les citoyens bien pépères
      En citoyens fan de Lorie

      A coups d’ostentatoires
      menaces dans les medias marrons
      De propos diffamatoires
      pour vous envoyer en prison
      Il se peut qu’on vous bloque
      votre accès à l’information
      Qu’on vous formate en lousdoc
      le disque de votre compilation

      Il se peut que pour des broutilles
      Pour avoir donné des jeux
      finalement qu’on me fusille
      Pour avoir télechargé un peu
      On va t’écraser punaise
      Pour avoir piraté julien
      Pour avoir gardé le pèze
      pour rajouter du beurre au pain

      Il se pourrait qu’on s’amuse
      a m’enfiler un petit gourdin
      Pour avoir crié « j’accuse »
      à une bande de politicien
      Ils auront des électrodes
      Ils diront tu veux du jus
      Pour connaître la période
      Où je piratai les sangsues.

      A moins qu’ils me ratatinent
      Pour mon immoralité
      Pour avoir aimé « libertine »
      Sans avoir acheté le cedé
      A moins qu’ils ne me condamnent
      A mourir écartelé
      Entre le paradis des ânes
      Et celui des series Télé

      Il se peut qu’on me douillette
      Pour que je veuille attester
      Qu’en mil neuf cent quatre-vingt-sept
      Je suivais « amour gloire et beauté »
      Il se peut qu’on me tourmente
      Et qu’on me fasse avouer
      Que dans les années nonante
      J’écoutais que du piraté

      A moins qu’ils me guillotinent
      Pour avoir osé chanter
      Les refrains de vieilles contines
      Et les chants de classes d’été
      A moins qu’avec un hachoir
      Ils me coupent les dix doigts
      Pour m’apprendre sur le tard
      le clavier des anacondas

      C’est partout la pluie des notes
      C’est partout l’ordre en dorémi
      Sur internet on vous ligote
      On vous arnaque au pied du lit
      Il ne faut plus dire qu’en France
      On peut dormir en confiance
      Les gouvernants sans répit
      Travaillent aussi du képi
      Travaillent aussi du képi


      • Minga Minga 16 mars 2010 00:27

        « Voilà malheureusement le seul combat qu’il n’a pas su mener, celui de la liberté sur internet.
        Il avait mis son nom avec les pro-hadopi »
         :
        Tout ça n’est pas exact, et c’est même très injuste. Le seul combat que Jean Ferrat ai perdu, c’est son dernier combat, contre la maladie.
        Il n’a JAMAIS mis son nom avec les pro-hadopi, mais c’est vrai qu’il n’a pas pu ou pas su défendre son œuvre contre ses producteurs, et qu’il a accepté que son producteur (et ami) mène en son nom un procès pour interdire la publication de ses chansons sur Internet (en 2002).

        En 2003, quand j’ai crée le site revoltes.net, c’était au départ avec l’idée de publier les chansons de Ferrat. Alors, j’avais écrit à « Gérard Meys productions ». Deux longues lettres (par mail), expliquant que le but de notre site coopératif et autogéré n’était pas et ne serait jamais
        de gagner du pognon, que j’étais de ceux qui comme Balasko avaient eu la chance d’avoir des parents communistes, et que j’étais moi-même « communiste tendance Ferrat », que je connaissais toutes ses chansons par coeur, et que je souhaitais pouvoir partager les plus beaux textes, les plus engagés. Ces deux lettres étaient presque entièrement construites d’extraits de chansons de Jean Ferrat. Je les connais quasiment toutes par coeur, et les reconnais toujours aux premières notes. Un secrétariat m’avait alors répondu froidement, par mail : « nous ne désirons pas que les textes des chansons de Jean Ferrat soient publiées sur Internet » ...

        Plus récemment, des artistes qui font des spectacles en hommage à Ferrat ont étés « emmerdés » (par le producteur de Ferrat). Un peu cocos sur les bords, ils ont résistés.

        Néanmoins, il est bien clair que tout ceci nuit considérablement à la connaissance des plus grandes chansons de Jean Ferrat par les plus jeunes. Entre les connards du Figaro et le bizness « moderne », c’est « un air de liberté » qui s’est noyé dans des tonnes d’essence, et qui pleure des larmes polluées.
        Des cages s’ouvrent sur des cages
        Il y a dans l’air comme un naufrage
        Un coeur, quelque part, ne bat plus.

        Vous voulez rendre hommage à Ferrat ? Il y a un moyen ! Un moyen qu’il aurait aimé, je crois, n’en déplaise à ceux qui parlent pour lui, et sur son dos : prenez ses chansons sur les sites étrangers, sur les sites pirates, sur les sites commerciaux, et copier/coller-les PARTOUT : sur les chats, sur les forums, ... Mais évitez de faire ainsi la promo de sites contraires aux valeurs défendues par Jean Ferrat ou de « servir la soupe » à des sites commerciaux en leur créant gratuitement « du contenu » : ça, je crois pas qu’il aurait aimé (et son producteur encore moins !) ...

        Mettez des liens vers les vidéos de Ferrat sur Utube et dailymotion, téléchargez-les. Faites découvrir ces textes aux jeunes révolté-e-s qui tentent de slammer ou de rapper les mêmes idées. Innondez les web de chansons de Ferrat. Vous savez lesquelles : pas les plus connues, pas les chansons d’amour, non : CELLES QUI EMMERDENT ENCORE ET TOUJOURS LES SALAUDS QUI NOUS EXPLOITENT, même cinquante ans après.


      • clostra 15 mars 2010 14:38

        Temps pis pour les forêts, temps pis pour l’encre qui pollue : j’imprime !
        et vous en redonne

        Tu t’en vas....


        • sisyphe sisyphe 15 mars 2010 15:50

          Merci pour ce très bel hommage, avec des textes moins connus.

          Ferrat à jamais dans nos cœurs, dans nos esprits, comme un exemple d’humanisme vrai, de dignité, d’amour, de paix et de justice.

          Fait chier la mort, parfois...

          Sa disparition me fait penser à ce texte de Lamartine chanté par Brassens : « Pensée des morts » :

          "C’est un ami de l’enfance
          Qu’aux jours sombres du malheur
          Nous prêta la providence
          Pour appuyer notre cœur
          Il n’est plus : notre âme est veuve
          Il nous suit dans notre épreuve
          Et nous dit avec pitié
          "Ami si ton âme et pleine
          De ta joie ou de ta peine
          Qui portera la moitie ?

          (...)

          C’est l’ombre pale d’un père
          Qui mourut en nous nommant
          C’est une sœur, c’est un frère
          Qui nous devance un moment
          Tous ceux enfin dont la vie
          Un jour ou l’autre ravie,
          Emporte une part de nous
          Murmurent sous la pierre
          "Vous qui voyez la lumière
          De nous vous souvenez vous ?"


          • Minga Minga 15 mars 2010 22:56

            Merci à liebe, fredleborgne, sysysyphe ... pour leurs hommages sincères et chaleureux.

            Je viens de voir ce soir l’émission « d’homage » sur FR3. Les salauds ... On y a vu certes quels moments rares de télé, avec Denise Glaser, qui a été virée de la télé puis est morte dans la misère, Isabelle Aubret, mais, s’ils avaient pu, ils auraient rendus hommage à Ferrat sur les chansons de Sardou !

            On y a vu des tas de connards sarkozystes massacrer les chansons de Ferrat, les p’tits chanteurs à la croix de bois transformer « La montagne » en cantique religieux, et ce vieil enculé de Frédéric Mitterand rendre l’hommage du vice à la vertu !!!

            Et, bien entendu, pas une seule chanson rebelle ! 5 fois « c’est beau la vie », 4 fois « deux enfants au soleil », pour mieux taire « A la une », « la porte à droite », « dingue », « le fantome », « mis à part les curés », « Maria », ...

            Ce soir, FR3 n’a pas rendu hommage à Jean Ferrat : ce soir, ils l’ont tué une seconde fois. Bande d’hypocrites ! Bande d’enfoirés ! Ce soir, ce soir, après la roue de la fortune, la main d’ma soeur était sur la 3 :

            C’est une émission formidable
            Sur les problèmes de société
            Où des héros et des minables
            Vous parlent en toute liberté
            Sont-ils victimes sont-ils coupables
            Ce soir voici pour commencer
            Quelques racketteurs redoutables
            Qui font la sortie des lycées
            Ils vont pour vous se mettre à table
            A condition d’être masqués
            Un témoignage inoubliable
            Un grand moment de vérité

            Ce soir ce soir
            Après la roue de la fortune
            Les racketteurs les racketteurs
            Sont à la une

            C’est une émission fantastique
            Où vous avez un rôle à jouer
            Un rôle moral un rôle civique
            Pour nous aider à retrouver
            Tous ceux dont on est sans nouvelles
            Disparus volatilisés
            Ce soir je vous lance un appel
            Vous seuls pouvez nous renseigner
            Dans quels bas-fonds la malheureuse
            A-t-elle un jour pu s’égarer
            A quelles manoeuvres très douteuses
            A-t-elle fini par se livrer

            Ce soir ce soir
            Après la roue de la fortune
            La main d’ma s ?ur la main d’ma s ?ur
            Est à la une

            C’est une émission fracassante
            Sur les tréfonds d’la société
            Une tranche de vie saignante
            Que vous ne pouvez pas manquer
            Un homme qui a payé sa dette
            Vingt ans de prison mérités
            Reconstituera en direct
            Le crime qu’il a perpétré
            Tout ce qui s’passait dans sa tête
            Combien de fric il a touché
            En appuyant sur la gâchette
            Pour refroidir un député

            Ce soir ce soir
            Après la roue de la fortune
            Les assassins les assassins
            Sont à la une

            C’est une série faramineuse
            De grands débats télévisés
            De controverses fabuleuses
            De face à face sans pitié
            Entre qui saigne et qui charcute
            Entre bourreaux et torturés
            Entre un ripou et une pute
            Un délateur un dénoncé
            Entre un para et un fellouze
            Entre un violeur et des violées
            Et puis comme une apothéose
            Entre SS et déportés


            • Frédéric Blanc Frédéric Blanc 16 mars 2010 18:44

              Avec la disparition de Jean, c’est une part magique de mon enfance qui disparait, bien que certaines de ses mélodies resteront gravées à jamais dans ma mémoire, en particulier celles accompagnant les textes de Louis Aragon, mais pas seulement. Simplicité de l’homme que je ne connaissais pourtant pas personnellement mais qui transparait à travers les témoignages de ceux qui le cotoyaient, ténacité du progressiste qu’il était et talent de l’artiste... cela donne envie d’avoir une existence qui ressemble à la sienne, surtout en sachant à quel point il croquait dans la vie à pleines dents. Je suis né en 1968 et je n’oublierai jamais ses chansons que ma mère, très marquée également par sa disparition, et mon père, instituteurs de l’école publique d’un petit village, passaient souvent sur le tourne-disque ou le magnétophone. Elles ajoutaient un surcroît de beauté à nos instants de vie et donnaient un supplément de courage pour affronter les difficultés. Jean Ferrat était l’un de ces très rares artistes qui, sans être présent parmi nous, faisait pour ainsi dire partie de la famille, et en demeura membre toujours. Il y a quelques années, j’ai traversé en un après-midi et un soir cette belle région des monts d’Ardèche. Ce faisant, j’ai pensé aussitôt à lui, acquiescant en mon for intérieur au choix de son cadre de vie. Probablement un jour viendrai-je à Antraigues pour un moment de recueillement et un hommage personnel silencieux. Jean Ferrat n’est plus, cependant son oeuvre lui survit à jamais. Pour moi, à jamais elle me ramènera à l’univers merveilleux des premiers âges et restera, je l’espère, source de motivation. pour avancer dans la vie, seul ou avec d’autres, en espérant contribuer à bâtir une société meilleure et plus juste.

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