Jean-Luc Mélenchon, un bon candidat présidentiel pour les musulmans
La campagne électorale pour les présidentielles de 2012 est quasiment lancée, alors que de lourdes menaces pèsent sur les musulmans de France et que l’islam et l’immigration seront certainement des enjeux majeurs des débats. La communauté musulmane doit donc peser de tout son poids et au plus vite dans cette campagne, comme nous y invitent de nombreux dirigeants de l’islam de France ainsi que des intellectuels musulmans.
Le principe même de l’élection présidentielle nous oblige à « voter utile », donc à « militer utile ».
Mais il ne faut pas se faire d’illusion : les deux finalistes feront certainement partie du bien triste trio Nicolas Sarkozy, Dominique Strauss-Kahn et Marine Le Pen. Aucun des trois ne peut satisfaire les revendications des musulmans. Pour Marine Le Pen, je n’ai même pas besoin de dire pourquoi. Pour Nicolas Sarkozy, les débats sur l’identité nationale et sur la « burka » (sujet évoqué même dans ses vœux de Nouvel an !) suffisent à l’écarter, d’autant plus que tout démontre qu’il va faire de la surenchère sécuritaire et anti-islam par rapport à sa concurrente du Front National. C’est reparti comme en 2007, et rappelez-vous le « mouton dans la baignoire »…
Le candidat du Parti socialiste sera sans doute Dominique Strauss-Kahn, dont on connaît mal le programme concernant les musulmans. Mais il ne faut pas oublier son soutien à Israël. Et au P.S., on voit monter de plus en plus des accents laïcards extrémistes qui pourraient l’influencer (comme ceux de Manuel Valls, le Jacques Myard de gauche !), et qui n’augurent rien de bon. Même Benoît Hamon, le porte-parole du parti, a cru bon de faire écho à Marine Le Pen à propos de nos frères obligés de prier dans le froid à Paris faute de mosquées dignes de ce nom. Rappelons-nous aussi de Ségolène Royal assimilant en 2007 les femmes voilées et les femmes violées. Certes, les musulmans ont pu compter sur des gens comme Martine Aubry ou Bertrand Delanoë, mais ceux-ci ne devront-ils pas demain donner des gages aux courants islamophobes du P.S. ou… au Crif ?
Il est évidemment hors de question d’adhérer au Front National de Marine Le Pen ou même à l’UMP dont la branche « Droite populaire » n’a rien à lui envier. Influencer ces deux partis serait peine perdue. Nous aurions plus de chance avec le Parti socialiste, mais son évolution récente vers une laïcité partisane et rigoriste me paraît difficile à contrer.
Alors comment « militer utile » si les trois favoris ne nous conviennent pas ?
Nous pourrions « mettre en concurrence » l’UMP et le Parti socialiste (car le Front national est hors jeu pour nous), comme nous avons su le faire par le passé, par exemple pour avoir des terrains pour des mosquées ou des subventions culturelles, ou pour contrer des lois défavorables aux musulmans. Mais force est de constater le climat délétère d’islamophobie ambiante et le fait que les électorats de ces partis comportent davantage d’électeurs hostiles à l’islam (cf. le sondage http://www.ifop.com/media/poll/1365-1-study_file.pdf !) que de musulmans décidés à défendre leurs droits. Tenter d’influencer ces deux partis nous conduirait donc à un choc frontal avec une autre surenchère, celle des courants islamophobes, qu’ils relèvent de l’identité nationale ou de la laïcité. Nous aurions plus à y perdre qu’à y gagner.
La stratégie qu’il nous reste consiste à investir sur un autre parti et son candidat, qui négocierait pour nous les voix musulmanes au deuxième tour.
Il faut éviter les mouvements et les personnes qui ne pèsent rien ou presque. Ce n’est donc même pas la peine de s’intéresser à Lutte Ouvrière ou Nicolas Dupont-Aignan, et à la kyrielle de « petits » candidats qui d’ailleurs ne sont même pas sûr d’avoir leurs 500 signatures. Pour la même raison, j’exclus également (et à regret) les partis dits « communautaires » comme le Parti anti-sioniste ou le Parti des indigènes de la République. Certes, tout comme avec Europalestine ou la candidature isolée de Mouloud Aounit, nous aurions de bons scores dans de rares zones de relégation sociale, mais au niveau local, nous avons constaté que ça ne représente quasiment rien, alors au niveau national, le poids sera moins que rien.
Que reste-t-il sur l’échiquier des candidats non microscopiques et plus ou moins déclarés à l’heure actuelle (car nous devons agir rapidement) ? De gauche à droite : Olivier Besancenot (NPA), Jean-Luc Mélenchon (Front de gauche), Eva Joly (Europe écologie - Les Verts), François Bayrou (Modem), Dominique de Villepin (République solidaire).
Olivier Besancenot ne pèse plus très lourd et sera certainement dépassé par Jean-Luc Mélenchon. De plus, même s’il a été souvent à nos côtés, le NPA a choisi son camp lors de l’affaire de la candidate voilée aux régionales, notre sœur Ilham Moussaïd : les laïcards trotskistes l’ont emporté et Ilham et ses soutiens ont été priés d’aller voir ailleurs. Inutile de prendre le risque d’un nouvel affront de ce type qui serait catastrophique.
François Bayrou et Dominique de Villepin ont eu l’occasion de montrer leur attachement à la communauté musulmane, en particulier en Seine-Saint-Denis où François Bayrou est allé défendre lui-même sa candidature en 2007 auprès de nos frères et sœurs de l’UAM-93, et où Dominique de Villepin reçoit un accueil chaleureux. Mais là encore, l’un et l’autre sont influencés par l’idéologie laïque et ne sont donc pas très fiables. Et ni l’un ni l’autre n’ont montré concrètement qu’ils pouvaient joindre les actes à la parole.
Il n’est d’ailleurs pas sûr que Dominique de Villepin se présente. D’une part il peut rentrer dans le giron UMP après négociation avec Nicolas Sarkozy, et d’autre part il est sur un créneau centriste où il entre en concurrence avec François Bayrou, mais aussi Hervé Morin, Jean-Louis Borloo et peut-être d’autres. D’ici que cette bande des quatre se décident après moult marchandages à des désistements réciproques ou tout simplement à un ralliement genre « vote utile » à Dominique Strauss-Kahn ou Nicolas Sarkozy, nous ne pouvons prendre le risque de miser sur un cheval qui ne se serait même pas sur la ligne de départ.
Les Verts sont proches de la communauté musulmane, et pas seulement par la couleur. Ils nous l’ont prouvé à de multiples reprises. Rappelons-nous Noël Mamère et son soutien actif à nos sœurs discriminées à cause de leur religion ou Daniel Cohn-Bendit condamnant le référendum islamophobe suisse. Mais voilà : leur candidat sera certainement une candidate, Eva Joly, qui bien que très favorable aux immigrés et aux sans-papiers, reste un ovni dans le paysage politique français. Sa méconnaissance des dossiers (à part ceux de la justice), le caractère très récent de son parcours politique en France, son peu de charisme médiatique et sa mauvaise maîtrise de la langue française sont autant de handicaps qui peuvent provoquer un monumental flop.
Il reste Jean-Luc Mélenchon, qui n’a aucun des défauts que nous avons énumérés pour les autres candidats. Mais ce ne serait pas seulement un choix par défaut pour les musulmans de France, car nous allons voir que de nombreux arguments positifs montrent qu’il serait le bon choix.
Certes, Jean-Luc Mélenchon défend la laïcité et la République, mais tous les candidats le font. Et à y bien regarder, ses piques laïques sont tournées vers les catholiques (l’enseignement confessionnel en particulier) ou même les bouddhistes (qu’est-ce qu’il a pu dire sur le Dalaï-lama !), mais jamais contre les musulmans. Dans l’épisode tragi-comique des réactions aux prières sur les trottoirs de nos frères parisiens, il ne s’est pas engouffré dans la brèche ouverte par Marine Le Pen et Benoît Hamon. Bien au contraire, il a réclamé des lieux de cultes dignes pour les musulmans. Dans ses discours, il n’hésite jamais à comparer l’islamophobie actuelle au sort des Juifs dans les années 30 puis sous l’Occupation nazie, ou à condamner les critiques contre les Quick halal. Et Jean-Luc Mélenchon a toujours montré un soutien indéfectible à la cause palestinienne contre le colonisateur israélien.
Notons aussi que Jean-Luc Mélenchon, avec sa « grande gueule » de battant (et c’est un avantage décisif dans la course présidentielle), n’hésitera pas à attaquer de front Marine Le Pen et ses attaques contre l’islam. En effet la future présidente du Front national est dans le même registre sur le plan de la posture protestataire, et il est fort à parier qu’il sera le seul à la contrer correctement. Il a tout intérêt à se démarquer du Parti socialiste et de l’UMP qui considèrent Marine Le Pen comme une adversaire « normale », et d’ailleurs Jean-Luc Mélenchon a toujours été partisan de l’interdiction du Front national alors que la gauche et la droite l’ont largement instrumentalisé. Contre Marine Le Pen, Jean-Luc Mélenchon sera donc bien efficace que Nicolas Sarkozy qui joue de plus en plus au Front national bis, que l’UMP qui est divisée sur la stratégie à adopter, ou que le Parti socialiste qui lui non plus ne sait pas comment la contrer sinon à fleuret moucheté.
Jean-Luc Mélenchon sera soutenu par son parti, le Parti de gauche, mais également par le Parti communiste. Il faut voir que dans cette alliance du Front de gauche, le PCF est largement majoritaire que ce soit par le nombre de militants ou par celui des candidats ou des élus. Et chacun sait que l’électorat musulman pèse lourd, et même très lourd, dans les villes ou les quartiers tenus par les communistes. Jean-Luc Mélenchon, s’il veut être adoubé par le Parti communiste, ne pourra donc pas faire l’impasse sur le vote musulman. Cela explique d’ailleurs sa bienveillance à notre égard, même dans ses références laïques.
De plus, au sein du Front de gauche, il n’y aura pas les incessantes querelles et les incertitudes de « primaires » à la mode du P.S. Il était convenu que les directions des mouvements qui composent ce rassemblement décident d’une candidature présidentielle unique après s’être répartis les candidatures aux élections locales. Et les jeux sont déjà fait : ce sera Jean-Luc Mélenchon, en échange de 90% de candidats PCF aux cantonales et aux législatives, donc c’est tout bon pour nous. Ce candidat unique sera alors proposé aux militants qui ne pourront que l’approuver puisque le PCF l’a déjà fait, et il n’y aura pas de concurrents aigris pour lui tirer dans les pattes (comme on l’a vu en 2007 au Parti socialiste).
Et au deuxième tour, me direz-vous ? Jean-Luc Mélenchon ne pourra guère éviter d’appeler à voter Dominique Strauss-Kahn, surtout s’il est opposé à Marine Le Pen, mais même contre Nicolas Sarkozy. C’est la tradition à gauche, après évidemment des négociations à la fois sur le programme, sur les candidatures législatives et sur les sièges ministériels. Tout ça pour ça ? Oui, mais c’est alors que plus Jean-Luc Mélenchon pèsera lourd (c’est-à-dire plus il aura un bon score aux présidentielles), et plus il pourra imposer à Dominique Strauss-Kahn les orientations et les personnes du Front de gauche (donc principalement celles des communistes qui sont très favorables aux musulmans), et contrer ainsi toute tentation de flatter l’islamophobie et l’ultra-laïcisme.
Pour finir, je vous invite à écouter une longue interview d’Alain Soral : http://www.egaliteetreconciliation.fr/Ripoublik-com-entretien-avec-Alain-Soral-4988.html. Sa critique de l’Empire « américano-sioniste » est passionnante, et après l’avoir entendue, passez au crible de cette analyse tous les candidats que nous avons évoqués. Vous constaterez comme moi que seul Jean-Luc Mélenchon en sort indemne.
On le voit, sur le plan programmatique, arithmétique, stratégie et tactique, Jean-Luc Mélenchon est notre meilleur candidat. Qui plus est, il a toutes les qualités personnelles pour réussir un score incontournable et il a déjà donné tous les gages nécessaires aux musulmans de France.
Concrètement, que faire ? Militer au Parti de gauche ou au Parti communiste, et aussi dans leurs satellites syndicaux (comme la CGT) ou associatifs (Secours populaire, maisons de quartier ou autres). Et évidemment discuter de notre intérêt à soutenir activement Jean-Luc Mélenchon au sein de la communauté (mosquées, lieux de travail, commerces, quartiers, marchés, associations musulmanes, forums internet, etc.) L’électorat musulman, c’est de l’ordre de 10% des inscrits en France, et dans les bastions communistes, ça peut aller jusqu’à 30, 40, 50% ou plus. C’est incontournable pour un candidat « outsider » aux présidentiels. Dans les villes et banlieues P.S. aussi, et là nous devons inciter les gens de sensibilité socialiste à préférer Jean-Luc Mélenchon à un candidat plus proche du sionisme international que de leurs intérêts.
Ce travail d’investissement militant dans les rouages de la société civile rejoint parfaitement les conseils de notre honorable frère Tariq Ramadan, tels qu’il les a exprimés par exemple dans une conférence à Lille (http://www.mosqueelille.fr/index.php?option=com_content&view=article&id=89:veillee-spirituelle-le-19122010). Tariq nous démontre qu’une pleine citoyenneté de chaque musulmane et de chaque musulman est le meilleur moyen de lutter contre l’islamophobie galopante. Alors joignons l’utile à l’utile, dans l’intérêt de toute notre communauté. Là encore, si vous passez les candidats pour 2012 au crible des critiques de notre frère Tariq, vous verrez immédiatement que Jean-Luc Mélenchon est diamétralement opposé non seulement à Nicolas Sarkozy et Marine Le Pen, mais également à une gauche qui renoue de plus en plus avec un laïcisme intégriste et anti-musulman. N’oubliez pas que le P.S. a même invité Caroline Fourest en personne venir apporter sa pierre islamophobe au concept creux d’« égalité réelle », comme si les « bounties » recasés de SOS-Racisme et de NPNS ne lui suffisait pas pour nous taper dessus.
Ecoutez Caroline Fourest sous les applaudissements au Parti socialiste, c’est très instructif : http://www.dailymotion.com/video/xg3wkc_convention-egalite-caroline-fourest_news. Et écoutez ensuite ceci : http://www.dailymotion.com/video/xcfwuf_j-l-melenchon-meeting-du-front-de-g_news.
Alors, qui est islamophobe et qui ne l’est pas ? Qui enfonce les musulmans de France et qui les défend ?
Très chères sœurs, très chers frères, le vent d’islamophobie et de chasse aux étrangers qui souffle sur notre communauté, partout en Europe, doit nous faire réagir sur le plan politique, et nous inviter à peser le plus possible sur les élections présidentielles et législatives de 2012, ici et maintenant. Encore faut-il procéder avec discernement et habileté, comme l’a enseigné notre Prophète (Paix et bénédiction sur lui). J’espère avoir aidé à le faire en toute conscience des enjeux à venir.
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