Jean-Pierre Mignard, un idéaliste en politique
Désirs d’avenir change de président
On apprend cette semaine dans la presse nationale (Le Nouvel Observateur daté du 1er novembre) que Jean-Pierre Mignard vient de prendre la présidence de Désirs d’avenir, l’association qui soutient Ségolène Royal.
L’une des dernières prestations télévisées de J.P. Mignard, je vais y revenir, fut réservée le 29 mai dernier à l’émission de Pascale Clark En aparté, émission hélas ! supprimée depuis la rentrée.
Avocat, issu du catholicisme social, membre des instances nationales du Parti socialiste, il est depuis trente ans un ami intime de Ségolène Royal et de François Hollande ; il a soutenu activement la candidate socialiste pendant l’élection présidentielle (il l’accompagnait en Chine pour plaider la cause des "dissidents"), et, déjà, au moment du débat interne à l’intérieur du P.S.
Jean-Pierre Mignard, j’ai eu la chance de le connaître personnellement en 1984 dans la Nièvre où il animait le courant Rocard du P.S., lui-même était davantage rocardo-deloriste que rocardien pur jus. C’était un orateur hors pair capable de tenir la dragée haute à Pierre Bérégovoy - alors ministre de l’Economie et des Finances - dans les congrès de la fédération socialiste. C’était surtout un homme de convictions, acquis à l’éthique de responsabilité, respectueux de ses interlocuteurs ; au fond, un idéaliste en politique.
A peu près à la même époque (novembre 1985) il a publié La Gauche bouge (1), coécrit avec trois énarques : Jean-Michel Gaillard (décédé en 2005), Jean-Pierre Jouyet, l’actuel secrétaire d’Etat aux Affaires européennes, François Hollande, et un agrégé d’histoire, Jean-Yves le Drian, qui préside aujourd’hui la région Bretagne. Ce livre de copains fut signé du nom collectif de Jean-François Trans, Jean-François en raison de leurs prénoms composés, Trans pour transcourants, structure qui avait pour ambition de dépasser les batailles d’appareils et les guerres de courants au sein du P.S. ; l’accession de François Hollande à la tête du parti de la rue de Solférino en 1997 aura été l’aboutissement logique de cette démarche.
Jean-Pierre m’avait dédicacé ce livre dans une librairie de Nevers, ajoutant après le titre La Gauche bouge : « Et elle a en a bien besoin ». Une quinzaine d’années plus tard s’ajoutera à cette dédicace celle de François Hollande : « Elle a depuis bougé mais il y a encore beaucoup à faire ! »
Qu’écrire aujourd’hui, sinon que de ce côté-là tout est à reconstruire ; gauche, année zéro. On pourra compter sur le nouveau président de Désirs d’avenir.
En 1993, candidat aux élections législatives dans la 2e circonscription de la Nièvre, celle de Cosne-Cours-sur-Loire, Jean-Pierre Mignard obtint, en cette année de Berezina politique pour la gauche, le très bon score de 49,34% et ne fut battu que de cinq cent neuf voix, moins de 1% des électeurs inscrits ! En 1994 il aurait dû figurer en bonne position sur la liste socialiste aux élections européennes... ne fût-ce les pressions élyséennes sur la Fédération de la Nièvre qui le firent dégringoler en position non éligible ; ou de l’amitié en politique !
Il répondit laconiquement au mot de sympathie que je lui adressai : « Les archaïsmes ont la vie dure. » Que dire d’autre en effet ?
Il présida à la fin des années quatre-vingt-dix le club pro-européen, proche de Jacques Delors, Témoin, fondé en octobre 1992 à Lorient, qui essayait de faire progresser la cause de l’Europe politique. Le rejet du référendum sur le traité constitutionnel européen le 29 mai 2005 aura marqué également l’échec de Témoin. Mais que penser de : « Ce non de gauche qui, en 2005, s’était cru majoritaire, occultant le renfort borné des souverainistes, les tonnes de ciment de l’extrême droite, l’impressionnante médiocrité de la campagne du oui et le défoulement traditionnel propre aux référendums français ? » (2).
Mais revenons à l’émission de Pascale Clark, j’avais noté ces phrases fortes si caractéristiques de sa personnalité ouverte, tolérante et généreuse :
- sur le ralliement au gouvernement Fillon de son ami Jean-Pierre Jouyet, il a dit, refusant un jugement à l’emporte-pièce : « Je n’ai pas une Cour martiale dans mon cerveau » ou encore (critiquant implicitement la direction du P.S.) : « en matière de ressources humaines ça n’a pas été formidable » ;
- à propos de Jean-Pierre Jouyet et de Bernard Kouchner : « Le P.S. aurait pu leur proposer des places [traduire : à l’occasion des prochaines élections au Parlement européen en 2009] » ;
- en référence aux graves incidents de Clichy-sous-Bois : « Je voudrais un geste, une parole ; un signe [de la part de Nicolas Sarkozy ou de Rachida Dati (actuelle Garde des Sceaux)] serait utile » ; Jean-Pierre Mignard, un idéaliste en politique titrais-je ; on le sait, il a publié avec Emmanuel Tordjman un livre, L’Affaire Clichy. Morts pour rien (3), sur cette affaire dont l’aboutissement, la mort par électrocution dans un transformateur E.D.F. de deux jeunes, Bouna et Zyed, constitue un drame.
Le jeune homme qui, comme Julien Sorel, le héros de Stendhal, hésitait entre le Rouge (la carrière militaire) et le Noir (la carrière ecclésiastique, pour Mignard on choisirait plutôt la pourpre cardinalice) ; aura finalement donné toute sa mesure dans sa robe d’avocat.
Quoique je ne l’aie pas revu depuis une vingtaine d’années, quand j’aperçois Jean-Pierre Mignard à la télévision, j’ai toujours l’impression de revoir un (vieil) ami.
Notes
(1) Jean-François Trans, La Gauche bouge, éditions Jean-Claude Lattès, 1985
(2) Alain Duhamel, in Libération du 30 mai 2007
(3) Jean-Pierre Mignard - Emmanuel Tordjman, L’Affaire Clichy, éditions Stock, 2006
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