Journal d’un BAC+5 SDF #76 (Bonne fête, France bien aimée !)
Samedi 13 Juillet 2024
Le week-end commence, pour ceux pour qui ça change quelque chose. J’ai du mal à attraper la tirette d’ouverture de ma tente car elle prend un malin plaisir de se cacher dans les herbes hautes et humides. La tirant comme d’habitude, un piquet de tente se détache ! Génial… J’arrive tout de même à l’ouvrir après avoir étiré la toile et placé mon pied dessus pour la maintenir le temps que la tirette arrive jusqu’en haut, permettant de la plier vers l’extérieur. Finalement j’ai accès à la bâche interne, dernière porte à franchir pour déposer mes affaires. Sitôt fait je récupère mon marteau et recharge mécaniquement ma lampe de poche. Je dois alors trouver l’emplacement idéal pour ce foutu crochet, afin qu’il reste en place. Pas évident puisqu’il y a des cailloux à quelques centimètres de profondeur. J’y arrive à la troisième tentative. Ni une ni deux, je fonce enfin à l’abri.
Avertissement : J’ai osé utiliser le terme « caillou » ci-dessus. Si vous êtes étudiant en Géosciences, je vous le déconseille fortement. Il y a des professeurs très à cheval sur la terminologie, certains même violents. Ce mot est une hérésie pour eux, alors préférez « pierre » ou « roche ».
A peine couché que j’entends à nouveau des petits bruits de frottements. Tout juste perceptibles, mais diablement enquiquinants. J’allume la lampe de poche et regarde partout, sans rien trouver, jusqu’à ce que j’éclaire par hasard une forme blanche attachée au plafond… Euh c’est moi ou ça ressemblerait beaucoup à un… nid d’araignée ? Heureusement que je m’en rends compte avant que les œufs n’éclosent, éparpillant des bébés araignées partout dans MA demeure. Sans aucune pitié j’attrape le nid dans un mouchoir et prend un plaisir morbide à écraser tout ces œufs. Ca croustille au toucher et à l’oreille. Ca pourrait même devenir addictif, un peu comme du papier bulle mais avec des bulles minuscules.
Ensuite on a tous droit d’entendre une querelle de félins. Après un bataille d’intimidation à base de postures (même si je ne les voyais pas, je connais) et de miaulements, les chats ont fini par sortir les griffes et se sont sévèrement battus.
Comme si cela ne suffisait pas il doit y avoir des oiseaux (ou des chauve-souris) qui ont frotté ma tente. C’était très rapide, de l’intérieur je les imaginais courir tout en battant des ailes pour escalader ma tente pour glisser de l’autre coté et s’envoler avant de toucher le sol.
Le matin je croise le Dag muet. Et voilà que windows veut m’imposer sa mise à jour… Du coup j’en profite pour préparer mes sandwichs. Une fois terminée (la maJ), internet rame à mort encore quelques dizaines de minutes.
Dag revient tout propre et rasé de près. Il se sert de l’eau glacée. Dimanche, il le passera dans un Pod, pour se reposer de ses « vacances », terminer quelques travaux et ses derniers préparatifs. Départ lundi matin pour Fribourg.
Un petit lézard aventureux a l’air d’hésiter à entrer dans la salle commune. Pour le moment il fait les 100 pas devant la porte. J’ai déjà vu la même scène plusieurs fois depuis que je suis là.
Un gosse joue à la console sans arrêter une seconde pour se moucher. Par conséquent il renifle encore et encore, afin d’empêcher ses fluides nasaux de tomber sur l’écran…
Punaise on est déjà samedi, donc pas de réponse par mail à attendre. Mais sait-on jamais…
« Souffrance au travail : France Travail peut vous soutenir ! » Oui c’est le titre d’un message envoyé par France Travail. C’est du troll n’est-ce pas ? Mais ça provient des trolls Russes du méchant Poutine bien entendu. Oh p***** ce que j’en ai marre.
J’ai essayé du salami au poivre pour changer l’intérieur des mes sandwichs. Mauvais choix, il n’a quasiment aucun goût. Les olives sont encore noyautées pour couronner le tout… Ca m’apprendra à lire l’essentiel des emballages.
Maintenant j’ai l’immense privilège extraordinaire d’assister à une parade nuptiale de mouches. Si elles pouvaient éviter de le faire sous mon nez, ça m’arrangerait.
Voilà le contraire le l’autre fois au WC : des crottes qui flottent et qui n’ont pas été évacué par un chasse d’eau, au lieu d’une chasse d’eau dépensée pour rien dans un WC propre. En plus il n’y a plus de PQ. Je me suis retourné vers le WC des enfants, et ce n’est pas confortable du tout.
Cette fois j’ai pu prendre ma douche en dernier, juste avant que ne passe la femme de ménage. A mon retour je fais une grosse lessive que je suspends où je peux, c’est à dire dehors, en utilisant des chaises. J’espère surtout ne pas l’oublier. Dag arrive alors, muet comme une carpe qui n’ouvre même pas la bouche, portant des sacs remplis de batteries et de nourriture. Il va être 15h mais il se met à préparer ses sandwichs, ou plutôt ses tartines : 2 demi-baguettes coupées en longueur et recouvertes de fromage et de jambon.
Après avoir terminé sa longue pause, il repart non sans avoir rempli ses sacs de victuailles et des batteries rechargées.
« Demain matin départ. » Un petit papy m’a adressé ainsi la parole pour la première fois. Il a l’air satisfait de son séjour et donc un peu triste de partir.
Pendant ce temps un couple d’allemand regarde le Tour de France à la télévision.
Ma lessive ne sèche vraiment pas vite, malgré le petit vent et quelques apparitions du Soleil à travers les nuages. Je teste donc à nouveau ma méthode corporelle : j’ai déposé mes deux chaussettes sur les cuisses, pendant que je suis devant mon ordinateur.
La vache, v’la Yves ! Il m’a raté hier, en arrivant juste pendant mes deux heures d’absence… Il recherche l’adresse d’un certain Schluraff, chef d’un restaurant à Soultz il y a longtemps. J’ai retrouvé son nom, Gilbert, et quelques adresses de restaurant où il a pratiqué son art culinaire, mais rien de récent. Yves va pouvoir faire quelques km en vélo maintenant.
Avant de partir il me traite d’enfoiré en rigolant… parce que j’ai dit « salut le papy ! ». Bah quoi, il considère tout le monde comme jeune.
Et merde… je viens de trouver son adresse actuelle mais Yves est déjà reparti. Il est dans un nouvel établissement, « L’Avant Scène » à Soultz. Bon, il a dit qu’il reviendrait ce soir pour le foot, alors je lui donnerais mes dernières informations, s’il est sage…
Il est 19h et un homme seul est en train de vider la terrasse des chaises et tables pour la soirée musicale qui commencera ce soir à 20h30, et durera jusqu’à 22h. En même temps il y aura le match de la Finale de l’Euro 2024 Angleterre contre Espagne. Bah du coup je vais me permettre de rester là, entre les deux, ça va être joyeux.
Aaaah non, le match c’est demain en fait, dimanche. Dommage, j’aurai préféré subir tous les bruits en même temps au lieu d’y avoir droit deux soirs de suite. Quoiqu’il en soit ils n’ont pas besoin de la salle commune, donc je m’y enracine jusqu’à demain, c’est à dire après minuit vraisemblablement.
Peut-être que Yves se rendra compte que le match n’aura pas lieu ce soir, et donc je risque d’oublier de lui donner l’adresse de « l’Avant Scène ». Je prépare un petit papier en double pour le donner à Dag, s’il le rencontre à ma place.
… Mouais, il est complètement borné Dag, c’est fou… Je lui demande juste de filer le papier à Yves, si par hasard il le croise aujourd’hui ou demain, en mon absence, mais il bloque. Il est concentré sur ses affaires et ne comprend pas comment/pourquoi un étranger joue le rôle d’intermédiaire ou je ne sais quoi. Discussion avec un sourd. S’il ne veut/peux pas ou carrément l’oubli, ce n’est pas grave, mais il insiste dans son blocage incompréhensible. Pendant ce temps il tient son plastique bleu rempli d’eau qui n’attend que de durcir au congélateur.
Une des petites filles allemande vient de jurer méchamment, après avoir reçu un message sur son téléphone, dans un jeu(?). Il y a beaucoup de jeunes avec des consoles, c’est donc difficile de dire d’où proviennent les sons.
Les olives ne sont pas seulement encore noyautées, beaucoup ont encore leur tige. D’habitude ça m’est égal, j’ai de l’expérience en dénoyautage à l’aide d’un couteau et d’une fourchette, mais là je n’ai même pas d’assiette. J’aurai mieux fait d’acheter des cornichons, en plus je préfère, mais je n’en ai pas croisé alors qu’il y a des olives partout en ce moment, d’origine inconnue bien entendue. C’est une stratégie dégueulasse en fait, de positionner des étagères d’olives un peu partout pour qu’il soit totalement impossible de se déplacer dans le magasin sans les voir. Maintenant j’ai compris, j’y penserais la prochaine fois, afin de résister à pareille manipulation.
Dag est, d’après lui, contre la violence, par contre il est pour sortir le fusil aujourd’hui : soirée musicale + télé + descente des volets mécaniques. Ca hurle trop pour lui. Pour moi aussi, je déteste les sons trop forts, c’est aussi pourquoi je ne vais plus jamais au cinéma. Dag est dévasté. Il espère que sa dernière glace lui permettra de survivre 15min de plus, sachant qu’il y en a pour 45min encore, au minimum.
J’ai remarqué que la posture de certains gosses sur leur téléphone ou console de jeu est plus que questionnable : assit sur une chaise, le front posé sur la table et la machine sur les cuisses.
« Dany » arrive une demi-heure plus tard que d’habitude. La machine à boisson n’a pas été touché, puisque personne n’a rapporté de déficience. « Dany » ne tente pas aujourd’hui et se passe donc de son café, pourtant nécessaire au bon fonctionnement de son organisme. Il y a au moins une personne qui s’est plainte du bruit, en plus de Dag. Lui n’est pas très affecté puisque ses oreilles n’entendent plus bien à cause du vent quand il fait de la moto.
En fin de soirée un enfant s’est mis à danser tout seul, il s’appelle Luca. Ca devait faire plaisir à l’artiste qui n’a pas eu tellement de spectateurs.
Mais à cause de lui la soirée continue…
Dag n’en peut plus. « C’est quoi ça ?! » Je lui fait remarquer qu’il y a des gens qui se trémoussent. « C’est des hollandais, j’en suis sûr » qu’il répond.
« Dany » met fin à la fête, après 20min de rab’ gratuites. Finalement c’est lui qui vole la vedette à l’artiste, il discute avec les jeunes, pendant que les autres doivent remballer leurs affaires.
Il y a un feu d’artifice à 23h.
En voilà un avec une lumière de spéléologue, une lampe frontale. C’est pratique, pour sûr.
Après avoir discuté avec les enfants puis l’artiste, il revient vers moi. Arrive ensuite une caravane en pleine nuit, donc « Dany » doit resortir bosser pour voir de quoi il en retourne.
C’est quoi cette histoire, il n’y a pas de feu d’artifice à minuit ?
Puisque c’est comme ça je m’en vais me coucher. C’est dimanche, vous pouvez fair la grasse-matinée, veinards ! Moi, je me demande ce qui va me réveiller, entre les « frotteurs » de tente, les oiseaux, la chaleur, les humanoïdes etc. Une chose est sûr, ce ne sera pas par un réveil matin.
Bonne fête à notre unique France bien aimée ! Bonne nuit à tous.
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