Journal d’un BAC+5 SDF #92 (« Névrosé limite »)
Lundi 29 Juillet 2024
Ooooooooh enfin un ciel dégagé et merveilleux rempli d’étoiles de toutes tailles. Première fois que j’ai une telle vue depuis mon arrivée ici.
J’ai rejoins ma tente beaucoup plus tard que ces derniers jours puisque ça va un peu mieux. J’espère pouvoir reprendre mon rythme de vie d’avant. Mes voisins de mon nouvel emplacement discutaient jusqu’à 23h ou minuit, sans jamais hausser le ton ni se disputer. Quand j’arrive ils sont déjà couchés. Mais au matin, à l’heure du déjeuner, quelqu’un a fait tomber quelque chose et l’a peut-être bien cassé. J’ai eu l’impression qu’une chape de plomb venait de tomber et un silence de mort régna quelques minutes.
J’arrive trop tard à la salle commune pour m’installer. Le ménage vient d’être fait et la serpillière passée : le sol est tout trempé. Pas grave, je dois aller faire des courses de toute façon : pain, charcuterie, petits pains, deux salades de riz et quelques rochers au chocolat. Mais j’ai oublié le jus de pommes. J’en ai mare des carottes, mais je ne sais pas trop quoi prendre d’autre. J’aimerai des haricots verts mais il n’y a rien d’autre que des conserves.
Une petite fille s’installe de l’autre coté de la fenêtre et m’observe de looongues minutes de ses grands yeux brillants, avides de connaissances.
Elle va ensuite se poser sur les genoux d’une grande sœur/amie/… mais ça finit en dispute et ses sandalettes sont balancées à quelques mètres. Les laissant par-terre elle reprend son périple vers son grand frère/ami/… lui aussi occupé par son téléphone et s’assoie dessus à son tour (sur les genoux du gars, pas le téléphone). La maman arrive alors, l’attirant toute guillerette vers de nouvelles aventures.
Ca faisait longtemps. Il y a quelqu’un pour la maintenance de la chaudière, et encore une fois sa clé ne lui permet pas d’entrer dans le local. Il va mettre plus d’une heure avant de revenir accompagné d’une employée possédant la clé.
Une mère d’une petite famille (4 membres) a décidé de faire des courses pour de très/trop nombreux repas et essaye de tout mettre dans le frigo, d’empiler et de désempiler, quitte a le faire sonner encore et encore quand la porte est laissée ouverte trop longtemps. Au final elle fut contrainte d’enfourner ses affaires à différents étages, ce qui ne va pas faciliter leur récupération.
Durant tout l’après-midi elle revient encore et encore pour y ajouter du matériel.
Après la lettre de menace de réduire mon rsa, voici la lettre d’annonce de travail forcé pour continuer à toucher le revenu pour ne pas avoir droit de travailler. Ca doit être le troisième ou quatrième « référent socio-professionnel » qui m’est attribué, sans aucun retour jusqu’à présent.
A priori je vais être « mangé » par « Contact Plus », un organisme qui m’accompagnera au goulag euh non, dans un « CER », Contrat d’Engagement Réciproque. Bidiou, si avec ça je ne m’en sort pas c’est qu’il me faudrait un cinquième référent.
Un enfant vient de comprendre qu’il ne faut pas courir avec des claquettes, au risque de les perdre et de finir par s’écorcher les pieds sur des graviers.
Et allez zou… « la connexion a échoué... » alors que j’avais un piste pour un logement meublé et pas cher. Tout le site de l’agence est en rade, génial.
David est en forme et de bonne humeur. Enfin ça c’est jusqu’à ce qu’il me raconte sa rencontre avec son ex au supermarché. Il a fondu en larmes. Elle le vit très très mal, a une importante prise de masse et ne fait plus rien de ses journées, son jardin est revenu à la nature sauvage. C’est la bonne grosse dépression. Normalement elle devait aller à Paris pour JO avec ses enfants, mais David ne sait pas s’ils y sont finalement allés ou bien s’ils avaient annulé purement et simplement.
Les psy l’avait diagnostiqué « Névrosé limite », si ça parle à quelqu’un.
Il a enfin eu son premier entretient depuis qu’il a « déménagé » ici, puisqu’il est maintenant dans son camion au camping. Le système est en marche pour le soutenir sur le long terme, aussi bien en terme de rendez-vous supplémentaires que de prises médicamenteuses. Il devrait avoir accès à quelques cachets en cas de chute brutale de moral.
Ce week-end il a pu se ressourcer dans la nature avec une femme spécialiste de mysticisme. Elle est déjà casée et lui n’est pas prêt donc leur relation est purement amicale. Ils auraient même dormis ensembles, cote à cote.
David doit se lever tôt demain puisqu’il a de la route à faire, prêt de 700Km qu’il m’a dit. Une commande doit être livrée à des allemands demain matin sans faute. Pour plaisanter je lui ai dit que son camion transportera, entre autre, une caisse suspecte avec quelques humains dedans…
Et ça continue avec les annonces moisies. Il faut donner son adresse mail et attendre le mail de confirmation mais celui-ci ne vient jamais. Renvoyer l’email ne change rien, ça mouline dans le vide et puis c’est tout. Et sans email, pas de message, et pas de message, pas de location. Ca c’est du site de pro.
Je viens de sauver une petite abeille qui ne trouvait plus la sortie de la salle commune, essayant de traverser la transparent des vitres avec vigueur. Ensuite c’est une grosse mouche.
Et puis je viens à l’aide de deux enfants perdus devant un écran de télé bloqué.
Ca valait vraiment la peine, ils n’y sont même pas restés 5min.
Ca fait plaisir il y a pas mal de monde qui regarde le Volley féminin à la téloche. J’aime beaucoup ce sport, comme le Hand.
Wouhaaa je viens de recevoir une proposition de location de T2 meublé à Lentilly, pour 780€ à peine !
Ah zut, il n’est pas fourni avec un job, comme c’est dommage…
J’ai trouvé un site qui recense des communes en recherche d’habitants, alors je tente de les contacter, mais impossible de savoir si mon message est bien partis ou pas. Après l’avoir validé apparaît un captcha à cliquer, on revalide et on retrouve l’écran d’origine, sans aucune information, et je n’ai pas non plus d’accusé de réception dans ma boîte mail. Génial…
Ooooh le l’Or en escrime féminin ? Sublime !
Ensuite du Tennis de table où le français écrase son adversaire.
Maintenant que je suis tout seul dans la salle commune un petit mulot ose entrer pour inspecter les lieux. En essayant de le chasser il s’est retrouvé acculé et… s’est caché sous la machine à boissons. Eh bien qu’il y reste…
De toute façon il est l’heure d’aller au lit, même pour moi. Pas trop difficile ce début de semaine ?
En tout cas j’espère qu’une bonne nuit de sommeil vous fera grand bien. Ici des p’tits kékés font encore du bruit avec leurs bécanes. Et je viens de me souvenir que j’avais acheté des rochers au chocolat, ils sont toujours dans le frigo, indemnes. Mais ce n’est que partie remise, ils ne perdent rien pour attendre !
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