Julian Assange et sa demande d’asile : qui blâmer ?
Comment ne pas penser à cette chanson de Bob Dylan, « Who killed Davey More ? ». Elle interroge sur la responsabilité de son décès, suite au combat de boxe qui l’opposait à Sugar Ramos en 19631. Tour à tour, l’arbitre, la foule, le manager, le parieur, le journaliste, et enfin son adversaire refusent toute culpabilité. Leurs arguments sont sans doute individuellement respectables, ou pour le moins compréhensibles. Mais Davey More y est resté.
Et puis, le tribunal de Créteil vient de refuser d’obliger l’État français à enregistrer la demande d’asile politique de Julian Assange, sous prétexte qu’il n’est pas présent sur le territoire national2. Forcément, puisqu’il est détenu à la prison de Bellmarsh dans un régime d’isolement digne d’un asile psychiatrique de la grande époque soviétique3.
Alors qui blâmer ?
Est-ce le garde des Sceaux et des girouettes, qui, lorsqu’il était encore avocat, défendait les intérêts de Julian Assange et réclamait qu’un asile lui fût donné en France ?
Sont-ce les zélés fonctionnaires français qui se cramponnent à la lettre du texte de référence et en piétinent son esprit quand ils refusent d’enregistrer une simple demande d’obtention d’un droit d’asile amplement justifié par une persécution judiciaire internationale au retentissement planétaire ?
Seraient-ce les juges, forcément indépendants, mais qui n’ont sans doute jamais rédigé d’attendus qui froisseraient le pouvoir en place ?
Et quid des responsables de l’exécutif, d’ordinaire si véloces pour s’affranchir de la sacro-sainte séparation des pouvoirs quand ils peuvent y glaner un soupçon de buzz positif ?
Ou pourquoi pas l’aspect systémique d’un état devenu trop complexe où plus personne n’est responsable de rien ?
Quelques commentaires et interrogations.
Les journalistes mainstream ne prennent même pas prétexte de tout évènement de l’affaire Assange pour remettre sur la table les graves menaces qui, du fait d’une extra-territorialité hégémonique des USA, pèsent sur la liberté de la presse et, au-delà, sur la liberté d’opinion en général. Ont-ils déjà accepté leurs baillons ?
La prochaine fois qu’un officiel français se gargarisera avec « la France, patrie des droits de l’homme », trouvera-t-il en face de lui assez d’amoureux de la liberté et de la vérité pour lui crier « Assange » à la figure et le traiter d’hypocrite ? (Il paraît que maintenant, il faudrait dire droit humain, mais mon logiciel sémantique n’a pas été mis à jour à la version compatible Woke).
Nous nous sommes couvert de ridicule tant de fois avec des postures velléitaires démenties par nos actes. Pensons par exemple à la rocambolesque interdiction de survol de l’avion du président de Bolivie Evo Morales soupçonné de transporter Edward Snowden4. Peut-être serait-il temps de remettre en cause ces vassalités de fait envers les USA et l’UE dont la légitimité démocratique peut être battue en brèche. Nul n’a voté pour rejoindre l’OTAN et le non sans ambiguïté à l’UE en 2005 a été méprisé et invalidé par ce qu’il faut bien appeler une caste de traîtres.
En attendant, souhaitons que le Royaume-Uni ait le courage de laisser partir Julian Assange vers un pays moins veule qui voudra bien lui offrir la liberté et la sécurité. Sans notre aide, hélas, et sans l’honneur de lui proposer cet asile.
Cliché Secretaria de Cutura de la Nacion (Argentine) CC BY-SA 2.0
1 https://fr.wikipedia.org/wiki/Who_Killed_Davey_Moore%3F
2 https://www.bfmtv.com/international/julian-assange-la-requete-pour-sa-demande-d-asile-en-france-refusee_AN-202309060327.html
3 Voir à ce sujet les entretiens de Viktor Dedaj avec Anne-Laure Bonnel : https://www.youtube.com/@AnneLaureBonnel-Reporter/videos
4 https://www.huffingtonpost.fr/actualites/article/affaire-snowden-evo-morales-interdit-de-survoler-la-france-et-d-autres-pays-de-l-ue_29306.html
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