Justice, informatique et Sarkozyté
La France entière s’accorde à dire que notre justice fonctionne mal. Depuis le passage au nouveau siècle tous les intervenants s’accordent dans le constat d’une saturation de systèmes devenus obsolètes.
Un nouveau logiciel informatique permettant le regroupement et la mise en commun des informations paraissait donc salutaire, après cahier des charges et appels d’offre, de 2001 à 2004, le ministère décida de la mise en test courrant 2007 de Cassiopée. Quelques Tribunaux de Grande Instance furent mis à l’épreuve puis le logiciel fut installé à Bordeaux pour essai de grande envergure avant une généralisation nationale. Mercredi 13 mai, le ministère a conclu la phase d’expérimentation en décidant d’étendre l’installation du système Cassiopée aux 175 TGI avant fin 2010.
En cette semaine de visite papale au Moyen-Orient, de multiples mouvements sociaux, d’adoption de l’Hadopi, l’information a été reléguée au tréfonds des feuilles régionales. Pourtant, si l’évènement semble peu relayé dans la presse, le geste politique est conséquent et pose d’innombrables questions.
Quand Edvige sort par la porte, Cassiopée entre par la fenêtre.
Le quotidien Sud-Ouest nous apprend, ce Vendredi, que le décret de mise en place est paru au JO sans l’avis fortement réservé de la CNIL émis le 26 mars dernier, contrairement à ce que prévoit l’article 26 de la loi. Ce nouveau logiciel accouple une mise en réseau des différents acteurs judiciaires, police, gendarmerie, parquet, instruction etc..., et une base de données aux contours des plus flous, chaque procédure pénale pourra être consultée par toutes parties sans aucune protection légale inscrite dans le marbre des données sensibles.
Quand Cassiopée déguise un tortillard en TGV.
Le gouvernement nous a habitué depuis quelques mois à sa spécialité qu’est l’usine à gaz, ici encore la règle semble de rigueur. Le système adopté mêlent plaintes aux parquets ou aux juges, suites aux plaintes, déroulements d’enquêtes, personnes en causes, témoins, pedigrees et Cv, concomitances de faits, et autres comptes bancaires. Y sont adjoints l’ensemble du déroulement des procédures des différentes suites et des archives.
A la suite des essais effectués au tribunal de Bordeaux, les agents du greffe ainsi que tout le personnel judiciaire se lamente de ce système lent, complexe et incroyablement inadapté. Si l’idée de départ se voulait être une amélioration et une accélération du travail, ce qui en résulte est un bourbier sans nom, dénoncé par chaque corps de métier à différents titres. Toutes les organisations professionnelles y trouvent davantage d’inconvénients que de progrès, au meilleur des cas les procédures sont multipliées par deux en travail et en temps.
Quand Cassiopée plus pour gagner plus.
Il est des entreprises qui nous font bomber le torse national. Atos Origin n’est pas de celle-là, matrice de Cassiopée, inconnue du grand public, nom sans référence, cette entreprise navigue sur la vague du consulting et du développements des nouvelles technologies des systèmes d’information, entre partenariat, joint venture et partage des risques elle se plait à affirmer son positionnement parmi les leaders mondiaux du conseil, de l’intégration de systèmes et de l’infogérance (?). Mais l’intérêt à porter à ce groupe réside ailleurs, alors qu’on sait les amitiés que nos politiques aiment à entretenir envers le monde de la finance et des pouvoirs monétaires, nous connaissons moins les entremises qui existent entre ces différents acteurs, pourtant, quelques épisodes récents, affaire Pérol - Caisse d’épargne, Richard - France Télécom, nous rappellent combien sont discrets les échanges de bon procédé du public vers le privé, Atos Origin est une de ces firmes qui profite des atermoiements issus de remaniements ministériels.
Un coup d’oeil au conseil d’administration et au comité exécutif de ce groupe ne manque pas de saveur quant aux rapports perceptibles entre le gouvernement et ces managers. Le PDG, Thierry BRETON, successeur de Sarkozy au ministère des finances, est celui qui s’opposa aux class action, l’initiateur de la fusion GDF Suez ainsi que de la privatisation des autoroutes est aussi le géniteur du paquet fiscal. S’en suivent les multi cumulards du petit monde des CA, qui ex-PPR, qui ex-LVMH, qui ex-Bouygues, qui ex-SUEZ, mêlant les amis des amis et les anciens fonctionnaires ou assimilés de Safran ou Thomson, les noms s’égrènent et reviennent toujours les mêmes origines industrielles proche du pouvoir, un autre pantouflard du nom de Grapinet.
Quand Cassiopée flaire bon subornation, accommodement et corruption.
La loi Hadopi nous a montré combien le pouvoir sait se montrer arrangeant avec ses amis, ici encore l’interrogation est de rigueur. Comment une administration ministérielle, aussi pointilleuse avec le citoyen, peut-elle se montrer aussi magnanime avec ses fournisseurs ? Comment un appel d’offre peut-il ouvrir ses portes à une société si impliquée politiquement ? Comment un ministère peut-il avaliser un système au mépris de toute attente ? Y a-t-il des postes à pourvoir chez Atos Origin qui ne déplairaient pas à quelques pensionnaires du cabinet Dati ?
Encore beaucoup d’énigmes se profilent à l’horizon d’un possible remaniement ministériel, les joueurs semblent placer leurs pions, qu’importe la justice, les sièges sont confortables, l’argent coule à flot et les prisons attendront bien, il est d’importance que la technologie entre au palais de justice, pour 35 millions d’euros, n’attendons pas une entrée fracassante, le pouvoir adore les portes dérobées quand les intérêts particuliers priment.
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