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Justice : l’ex-directeur de la DGSE sur le banc des accusés...

Bernard Bajolet, ex-directeur général de la Direction Générale de la Sécurité Extérieure d'avril 2013 à mai 2017 est appelé à comparaitre devant le tribunal correctionnel de Bobigny (Seine-Saint-Denis). La juge d'instruction estime dans son ordonnance du 23 octobre 2024, qu’il existe des " charges suffisantes à son encontre pour caractériser une complicité de tentative d’extorsion « par instructions données de procéder à un entretien dont il connaissait le lieu et les conditions de réalisation […], ces conditions induisant le recours à la contrainte et rendant plus que vraisemblable l’usage de pressions au cours de cet entretien ». L'ancien directeur de cabinet de Bernard Bajolet, Jean-Pierre Palasset a été entendu en octobre sous le statut de témoin assisté.

Le 12 mars 2016, Alain Duménil se prépare à embarquer en compagnie de sa compagne à l'aéroport Paris-Charles-de-Gaulle sur le vol Air France Paris - Genève lorsque deux fonctionnaires de la Police aux frontières l'invitent à les suivre. Deux hommes représentant « l’État » l'attendent déjà dans une pièce pour l'informer qu'il reste redevable à l'État français de 13 millions d'euros pour des faits datant de 2003, somme atteignant 15 millions d'euros avec les intérêts. Les fonds doivent être versés sous quinzaine au plus tard. Les deux hommes auraient alors exhibé des photographies de lui et de sa famille prises tantôt en Angleterre, tantôt en Suisse. L’homme d’affaires franco-suisse leur aurait répondu qu'il allait porter plainte, les deux hommes de quitter les lieux. L'entretien n'a duré que quelques minutes.

Le 17 janvier 2017 l'homme d'affaires dépose plainte contre « X » pour « tentative d'extorsion », « détention et séquestration en bande organisée », et de menaces de la part d'agents de la DGSE, faits s'étant déroulés à l'aéroport Charles-de-Gaulle en mars 2016. La plainte est classée sans suite par le parquet de Bobigny (Seine-Saint-Denis) compétent territorialement. Alain Duménil réitère son dépôt de plainte, une information judiciaire est ouverte en 2018. La juge d'instruction en charge de l'affaire refuse de mener les auditions complémentaires demandées par la partie civile. Le 30 janvier 2020 elle annonce la fin de l'instruction. La Cour d'appel saisie « ordonne à la juge de faire les actes que le premier juge avait accepté de faire » via notamment une déclassification des documents secret-défense.

Bernard Bajolet est entendu par le juge d'instruction et mis en examen au mois d'octobre 2022 pour : « complicité de tentative d’extorsion et atteinte arbitraire à la liberté individuelle par personne dépositaire de l’autorité publique sur un homme d’affaires en 2016 ». Lors de son interrogatoire, Bernard Bajolet déclare à la magistrate « qu’il avait seulement validé le principe d’une entrevue à l’aéroport, mais n’était pas rentré dans les détails de sa mise en œuvre. D’après lui, l’objectif était une prise de contact courte et sans contrainte avec un homme considéré par l'institution comme insaisissable et avec qui de nombreuses tentatives de prises de contact antérieures avaient échoué  ». Au mois de juin 2023 la Cour d'appel de Paris demande que des investigations supplémentaires soient conduites. Dans son arrêt rendu : « la chambre de l'instruction de la cour d'appel ordonne que ce dossier sensible, qui mêle finance, politique et services de renseignement, ne soit pas refermé, mais bénéficie d'actes complémentaires ». La DGSE dément : « avoir exercé la moindre menace » sur Alain Duménil, « un affairiste international et un délinquant ». Les deux agents de la DGSE, couverts par le secret-défense, ne peuvent faire connaître leur version ; testis unus, testis nullus.

La DGSE, comme tous ses homologues, a besoin de « fonds secrets » nécessaires à ses opérations extérieures. « La DGSE dispose d’une très bonne couverture à Genève. Il y a là-bas une équipe de quelques agents qui est capable, 365 jours par an, nuits comprises, de sortir presque autant d’argent que vous voulez, dans la devise que vous voulez. (...) Il faut à la fois éviter les lourdeurs administratives, les traces éventuelles, et ne pas avoir à demander des feux verts politiques… Parfois, cela doit aller vite et discrètement » Maurice. D alias Siramy au JDD juin 2010. «  Regardez la connerie de l’affaire du Rainbow-Warrior, quand un des gars était allé acheter un Zodiac en Angleterre quasiment en demandant des notes de frais ! Au moment de l’enquête, c’est une des premières choses qui est ressortie » Alain Richard. La DGSE n'est pas la seule a bénéficier de fonds privés, et la communauté du renseignement disposerait de près de 76 millions d'euros.

Alain Edgard Louis Duménil, né à Neuilly-sur-Seine en mai 1949, Chevalier de la légion d'honneur (22/10/1995), Officier de la Légion d'Honneur (14/03/2003), diplomé d'HEC en 1975 a repris l’entreprise familiale à la mort de son père. Le jeune tycoon cède Duménil Leblé (éponyme ;-)) à Cerus après l’avoir mise en bourse juste avant le krach d’octobre 1987. Sa fortune est alors estimée à plus de 400 millions d’euros. Le lecteur désireux de connaître le parcours d'Alain Edgard Louis Duménil peut consulter Le Blog du Dirigeant (16/03/2021), un vrai publi-rédactionnel !

Soucieuse de faire fructifier ses fonds, la DGSE a souscrit des parts chez France Luxury Group. Au mois de septembre 2002, le groupe enregistre 180 millions de francs de pertes sèches (près de 28 millions d’euros). L'émissaire de la DGSE se tourne vers Alain Duménil pour qu'il reprenne les actifs et les placer dans une nouvelle société Alliance Designers que l'homme d'affaires s'est engagé à introduire en bourse. Il en récupère les actifs les plus rentables, ce qui a pour effet de diluer les actions et de faire perdre une vingtaine de millions d’euros à la DGSE !

L'homme a été condamné en 2005 pour faillite (affaire Stéphane Kélian) - le 2 mai 2012 il a comparu devant le TGI de Paris, l'automobiliste Duménil d'invoquer une immunité diplomatique a insulté trois policiers et «  conteste la compétence de la justice française » - le 6 février la cour d’appel de Grenoble l'a condamné à un an de prison avec sursis et 75.000 euros d'amende pour complicité de banqueroute pour avoir orchestré la faillite de l'entreprise en 2005. La Cour européenne des droits de l'Homme saisie a estimé dans ses attendus, que la Cour d'appel avait violé le droit à un procès équitable d'Alain Duménil. L'homme d'affaires semble bénéficier d'excellentes relations politiques : « Le Fonds stratégique d’investissement vient de lui débloquer 10 millions d’euros d’apports publics, au profit d’une autre entreprise ».

Au mois d'août 2014 Alain Duménil propriétaire du quotidien économique « L’Agefi » acquis en 2009 est soupçonné par l'Administration fédérale des contributions suisse d’avoir " omis " de déclarer aux impôts fédéraux, cantonaux et communaux (propriétaire à Crans-Montana (Valais) et à Genève) entre 2003 et 2011 des dividendes exceptionnels versés par la société immobilière Acanthe Développement sise à Paris dont il est l’actionnaire majoritaire. Alain Duménil entend s'opposer aux perquisitions, il invoque une immunité diplomatique au titre de représentant de la Mission permanente de la République de Madagascar auprès de l’ONU, et demande au tribunal à pouvoir retirer un montant mensuel de 100 000 francs pour pouvoir maintenir son train de vie, demande rejetée. Les arrêts du Tribunal Pénal Fédéral (juillet 2014) estiment le montant d'impôts soustraits à l'administration à 20 millions de francs. Il est soupçonné également de détenir des participations dans certaines sociétés françaises dont il n’aurait jamais déclaré l’existence au fisc pour un montant qui s’élèverait à 54 millions de francs. L'homme d'affaires est condamné du côté français en appel à 450 000 euros pour délit d'initié (2014) - sa Légion d’honneur lui est suspendue pour 10 ans au mois de février 2016 - en novembre il est mis en examen pour banqueroute et son nom apparaît dans plusieurs affaires impliquant ses entreprises en France et en Suisse.

La DGSE n'est la seule direction à bénéficier de fonds spéciaux. « Ces dotations ne sont pas soumises aux vérifications de la commission instituée par le décret du 19 novembre 1947 puisque sa compétence est limitée aux crédits inscrits à l'article 20 » NdA : Fonds spéciaux à destination particulière. « Le budget de la DGSE a plus que doublé depuis l’arrivée d’Emmanuel Macron à l’Elysée  ». Le budget 2025, 1,066 milliard d’euros (environ 0,004 % du budget) est indigent au regard des autres pays occidentaux. Le Livre blanc de la défense (2008) mettait le renseignement au premier rang des priorités. « Les ressources accordées à la DGSE lui permettent notamment de poursuivre les investissements dans les domaines cyber et de l’intelligence artificielle, tout en maintenant le renforcement des capacités d’action dans l’espace numérique » (projet de loi de finances 2025). Le déménagement de la DGSE de la caserne Mortier (Paris 20°) vers le Fort Neuf de Vincennes, capacité d’accueil de 6 000 postes prévu pour 2030 a été confié à un consortium Vinci et Airbus pour un coût de 1,34 milliard d’euros. Fermez le ban !

Si en France on parle peu de cette affaire, plusieurs média étrangers tirent à boulets rouges sur Bernard Bajolet, un Lorrain né en 1949. Ce Spécialiste du monde arabo-musulman et polyglotte (arabe, anglais, serbo-croate, italien) fut ambassadeur à : Alger - Amman - Bagdad - Kaboul ­- Sarajevo et réchappé de tentatives d’assassinat en Irak et en Afghanistan. Diplômé de l’Institut d’études politiques de Paris et de l’École nationale d'administration il fut en 2008 le premier coordinateur national du renseignement (présidence de Nicolas Sarkozy) avant de succéder le 29 avril 2013 à Erard Corbin de Mangoux à la Direction générale de la sécurité extérieure (présidence François Hollande). Bajolet, prolongé à plusieurs reprises prend sa retraite en mai 2017 et se retire dans son château d'Ouge en Haute-Saône (château inscrit aux Monuments historiques en 1989) et de s'impliquer dans la vie locale. Son livre Le soleil ne se lève plus à l'est aux éditions Plon (2018) lui a attiré quelques inimités nord-africaines inféodées.

Bernard Bajolet a intégré le comité d'orientation stratégique d'Amarante (référence à la couleur des bérets rouges), société de sécurité privée française à propos de laquelle l'article « dessous d’une libération » du Monde (2013) évoquait l'implication de la société Amarante dans la libération des quatre otages français détenus au Niger, ainsi que le versement d’une rançon d’une vingtaine de millions d’euros. « Nous ne payons pas les preneurs d'otages mais ces gens-là veulent de l'argent. Donc il faut leur en donner sans que ça se voit en puisant dans une comptabilité protégée ». Certains journalistes y trouvent à redire et d'invoquer le secret de leurs sources... A croire que l'avis des faits-diversiers est plus important que la défense des intérêts de la Nation. Une correction, une précision, une remarque ?

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