Kadhafi fait bombarder son peuple par les avions d’Alliot-Marie
J'avais un doute encore, mais je ne l'ai plus. Le sanguinaire colonel utilise bel et bien des avions Dassault pour écraser la révolte de son propre peuple. Vous allez me dire, quand on vend des armes, on ne sait pas nécessairement à quoi elles vont servir exactement (enfin pas toujours...). Il n'empêche : en acceptant de remettre à neuf douze de ses trente-huit Mirage F1 d'origine, la ministre de la Défense française a fait une grave erreur d'appréciation. Ou plutôt, son compagnon a beaucoup œuvré pour qu'elle la fasse. Créateur de l'improbable association France-Libye, c'est bien lui qui est à l'origine des liens étroits de Kadhafi avec les lobbies de vendeurs d'armes français. Si bien qu'on assiste à ce paradoxe extraordinaire, en ce moment même : des manifestants révolutionnaires brandissent des pancartes remerciant Nicolas Sarkozy de les avoir reconnus, alors qu'ils reçoivent sur la figure des bombes larguées d'avions français remis en état par la décision de celle qui fut sa ministre aux armées... même un BHL au pire de sa forme n'aurait jamais pu imaginer pareil scénario.
En ce moment aussi, on tombe aussi au hasard des journaux surréalistes de J-P Pernaut entre la saga des carnavals, la météo et la grande enquête sur le pouvoir d'achat de la ménagère en Europe, on tombe sur des perles, qui ne durent que quelques secondes. Ainsi début mars, au hasard d'une caserne abandonnée visitée par le cameraman de TF1,
on tombe sur des missiles Strela, russes, bien plus efficaces que les canons de DCA des insurgés inexpérimentés, mais aussi encore sagement rangés dans leurs caisses des missiles anti chars français : des SS-11, guidés par fil (vendus aux américains !). Les révolutionnaires sauront néanmoins se servir des Strela 9K32 (SA 7 Grail),il semble bien... le tout étant de savoir combien ils en ont pu en subtiliser dans les casernes vandalisées....
On a beaucoup vendu d'armes au dictateur, en effet, et la France y a pris bonne place. Et un homme y est pour quelque chose, nous rappelle le Monde du 17 février dernier : "En 2004, le général Rondot commence à enquêter sur les amitiés libyennes de M. Ollier. "Compromission de POL. Irak, Libye, Syrie", note l'espion dans ses fameux petits carnets. POL est son code pour le compagnon de Michèle Alliot-Marie, alors ministre de la défense. Pour le général, il est soupçonné d'avoir avec certains pays arabes des "accointances excessives". Sacré "POL" dirait-on aujourd'hui ! "Un article de France Soir, en mars 2005, insinue que M. Ollier est soupçonné d'avoir proposé à Thales, entreprise travaillant notamment pour le ministère de la défense, de l'aider à négocier un gros contrat avec le régime libyen. Il est également dit que Thales aurait alors enquêté sur lui. Furieux, M. Ollier sommeDenis Ranque, président du groupe, de démentir, ce que ce dernier fait sans rechigner. Il affirme par la suite qu'un ancien de Thalès, membre de la DGSE, alimente le général Rondot en rumeurs contre lui." Bref, il a même failli être la victime des réglements de comptes entre fournisseurs d'armes (en l'occurence Thales contre EADS). Des compromissions toujours plus grandes, visiblement : "à partir de 2006, Patrick Ollier fut l'artisan d'une tentative de rapprochement avec la Libye, dont le point d'orgue fut le projet de vendre un réacteur nucléaire civil au pays. M. Ollier explique alors que "Tripoli veut retrouver sa place dans le concert des nations et a engagé l'ouverture de son économie à l'Occident".
Ce qui exactement le propos de Nicolas Sarkozy pour nous "vendre" un Kadhafi repenti redevenu vierge de tout attentat... Et pendant que le mari s'activait à faire obtenir le juteux contrat de la mise à niveau des 12 Mirage F-1... c'est sa propre femme qui finalisait le contrat ! Avec comme co-signataire Marwan Lahoud, le frère de l'autre, représentant EADS. Voilà qui valait bien un petit tour en vacances... au Qatar, tiens... comme ici (à droite) lors d'un voyage officiel en 2004...
Le doute restant sur l'usage des avions de MAM pour écraser les résistants au dictateur sanguinaire a disparu en une seule séquence télévisée. Après celle de l'atterrissage à Malte de deux Mirage fraîchements repeints munis de leurs paniers plein de roquettes TDA 68 françaises elles (celles aussi du Jaguar) aussi que leurs pilotes n'ont pas voulu larguer, il restait cependant un doute encore, sur l'utilisation réelle de ces engins.
Car jusqu'alors, c'était bien du soviétique qui avait servi. Lors d'un premier reportage signé toujours TF1 ; le 9 mars, on avait pu entrevoir au loin dans le ciel un lourd appareil. Un russe, un Sukkhoï 22, caractérisé par ses moignons d'ailes orientables et son gros fuselage cylindrique, l'entrée d'air étant à l'avant du cockpit en une seule bouche d'aspiration. Visiblement, ce n'était donc pas un Mirage signé Dassault ce jour là dans le ciel de Libye. On retrouvera un appareil de ce type crashé un peu plus tard. Le 23 février, un avion s'était déjà crashé. Une photo de la BBC montrera plus en détail un de ces lourds chasseurs, un des deux régulièrement vu en état de vol, très certainement.
Mais le13 mars, sur TF1 toujours, c'est bien pourtant cette fois un Mirage français qui est surpris en train de bombarder. Aucun doute possible.
Une seconde image alors qu'il se retourne prouve qu'il s'agît bien cette fois d'un Dassault et non d'un Sukkhoï. Or cela signifie qu'en réalité Kadhafi jette déjà dans la bataille ses dernières cartes : dans son parc hétéroclite d'avions, le Mirage est en effet fort peu représenté.
Et la défection de deux appareils remis à neuf pour 100 millions et plus de 15 de commissions réparties à égalité entre Kadhafi et le pays signataire du contrat, à savoir la France, pèse donc lourd dans la balance : les deux pilotes savaient très bien ce qu'ils faisaient en s'échappant à Malte : ils privaient Kadhafi de deux de ses avions dans le meilleur état possible.
En réalité, Kadahfi a lancé ses Sukkhoi et ses Mirage à l'attaque car ses Migs-23 qu'il avait en surnombre il y a quelques années encore ne fonctionnent plus ou fort peu, n'ayant pas été entretenus et étant désormais trop vieux (l'appareil lui-même date de 1967 * !). Seuls quelques exemplaires semblent avoir été maintenus en état de vol. De la centaine livrée jadis (117 exactement), moins d'une dizaine est encore vaillante, dont quelques biplaces. La flotte aérienne de Khadafi est beaucoup moins redoutable qu'on le le pensait ! Ses Mig-25 sont dans la même déshérence, et totalement inaptes au combat au sol. Le chasseur le plus représenté est donc bien aujourd'hui le lourd Su-22 Sukkhoï MK-3 qui date de 1966... l'engin le plus dangereux pour les insurgés étant un hélicoptère d'attaque, le Mil Mi-35 ; le bon vieux Hind remis au goût du jour et toujours aussi dévastateur ; où les avions d'entrainement pouvant devenir des appuie-feux, comme les L-39 ou les Galeb. Etrangement, le MIL MI-35 a été fort peu rencontré lors des derniers combats sur les vues télévisées. Les insurgés en ayant capturés un ou deux, à examiner les divers clichés visibles sur la situation.
Le 23 février, un appareil s'était déjà crashé car ses deux membres d'équipage ; Abdessalam Attiyah al-Abdali, et Ali Omar al-Kadhafi, avaient refusé de bombarder le peuple libyen : ils avaient sauté en parachute et avaient laissé l'avion s'écraser, délibérément, à Ijdabiya, à 160 km du sud ouest de Benghazi. Un Sukkhoï 22 biplace, très certainement. Le même jour, deux Mirages F-1 ED se réfugiaient, encore armés, à Malte. Les numéros 502 et 508. Or, sur les douze exemplaires qui devaient être refaits à neuf, quatre seulement auraient été effectivement terminés : la Libye, indiquait Merchet n'a donc plus que deux autres F-1 : des biplaces démunis de "racks" à armement (dont le 204), dévolus à l'entraînement. Le contrat de plus de 100 millions d'euros (et de 15 de commissions !) n'a débouché que sur quatre appareils au final ! A Brega, le 3 mars, c'est un Mirage qui aurait été descendu... résultat, Kadhafi n'a plus qu'un seul Mirage biplace... (l'information restant à vérifier, certains débris montrés laissant entendre un énième Sukkhoï SU-22 : le F-1 à comme couleur "intérieure" du métal et n'a que très peu d'indications sérigraphiées, et les morceaux montrés semblent bien contenir du cyrillique et non du français). Le taux d'attrition des avions a toujours été élevé en Libye : le désert abîme fort les avions, et à peine la moitié de la flotte achetée au départ vole : sur les 39 Su-22 achetés, plusieurs ont donc déjà été abattus où ont été crashés volontairement. Sur la quinzaine grand maximum volant encore, les révolutionnaires en ont mis six à terre. Reste moins d'une dizaine donc, qui ne sont pas tous certains de pouvoir voler. L'état général de l'aviation libyenne est en réalité....déplorable, et les pilotes volant peu sont très mal formés. Au point on l'a vu de faire appel à des pilotes venus de Syrie. D'un pays devenu lui aussi l'ami récent de notre cher président...
Le 4 mars, un autre appareil était filmé par France 2 cette fois en train d'attaquer les révolutionnaires à l'ouest de Ras-Lanouf... Et ce jour-là, bingo : les tirs pourtant hasardeux des vieilles ZPU-4 faisaient mouche (à moins que ce ne soit un fort discret SA-7 !). L'avion s'est écrasé, à quatre kilomètres de l'endroit. En s'y rendant, on découvre outre les corps des deux pilotes, un libyen et un syrien, et des morceaux d'aile ne laissant aucun doute. Deux personnes à bord, alors que les Sukkhoi de Kadhafi sont en majorité des monoplaces : en fait c'est un autre type d'appareil qui avait été fracassé.
Un engin fort coûteux, biplace et bimoteur, à aile à géométrie variable intégrale, aperçue sur un document de la BBC le montrant en train de faire une passe : un Su-24 Fencer, le fleuron de la flotte actuelle de Kadhafi.
La preuve en est sa dérive arrière, retrouvée intégrale ou presque, avec dessus encore le blason de la base aérienne dont il provenait. Le reportage de CNN, encore plus précis, révèle des détails qui ne trompent pas, dont l'entrée d'air gauche et la dérive marron avec le blason de la base.
C'est bien un SU-24 MK, le numéro 38, de l'escadron 1124. Marron chocolat et marron clair, bleu en dessous : il n'y a aucun doute. La BBC avait réussi à le filmer beaucoup mieux en plein vol, il ne pouvait déjà plus y avoir de doute à son sujet (voir sur la première vidéo). Or la perte de ce SU-24 est encore plus dramatique pour Kadhafi : des Fencer, il n'en n'avait que deux, et le premier (le 37) avait déjà été rayé des listes en 2008 sur incendie : résultat, c'était le dernier disponible ! Sa base étant celle de Ghurdabiya à Sirte, à moitié chemin de Benghazi.
Actuellement, le rythme des bombardements aériens en Libye est de... quatre sorties par demi-journée, en moyenne, quelle que soit la météo, plutôt favorable pourtant. En somme, on peut imaginer pour un tel résultat que seuls deux appareils tiennent l'air, voire quatre, grand maximum : en l'absence de Mirages qui ne peuvent bombarder (les fameux biplaces) et des Su-24 détruits, ne restent dans les stocks disponibles que les vieux Sukkhoï Su-22. Sur les 39 achetés jadis, combien sont encore en état de marche ; mystère. Deux avions ou quatre seulement, ont été photographiés en combat, ceux régulièrement vus par les spotters ! Toujours aucune trace en effet de Mig 23... dans le ciel libyen, ni de trace des possibles L-39 ou Galeb reconvertis en avions COIN. Les Su-22, en revanche, ces chasseurs-bombardiers, lâchent du lourd sur les insurgés. La bombe standard, chez lui, est là FAB-500M... de 520 kg !
Et pourtant, donc : interdire l'espace a aérien à quelques avions...ou presque, étant donné l'état d'entretien de la flotte kadhafienne, avouez qu'il ne s'agît-là pas vraiment d'une prouesse impossible à réaliser. Reste aussi l'autre idée, celle de former les révolutionnaires à mieux utiliser leurs missiles Strela, dont certains semblent avoir été confondus avec des bazookas anti-chars (au grand plaisir des posteurs neocons des sites suivant les événements).
C'est peut-être à quoi devaient servir les envoyés des SAS faits prisonniers, ou ceux qui ont été vus sur place ces derniers jours. C'était certainement la solution la plus adroite... car la plus discrète. Bien utilisés, les Strela auraient fabriqué leur propre zone d'interdiction aérienne. Les forces de Kadhafi réussissant hélas à faire prisonnier l'équipage d'un Lynx néerlandais, très certainement au départ venu pour déposer discrètement un groupe de "formateurs", qui seront plus tard libérés par les opposants.
Dans cette optique, de déstabiliser l'adversaire, justement, Kadhafi a réussi un grand coup en allant faire sauter le dépôt d'armes de Benghazi, à Arrajmah, certainement réalisé par un groupe d'infiltrés dirigés par le fils aîné du dictateur. Il y avait là de quoi sérieusement embarrasser le pouvoir en place. Qui a donc gardé la maîtrise des armes : si quand bien même les insurgés héritent comme on l'a vu de caisses de SS-11, ils ne savent ni les monter et encore moins les envoyer : ce sont les troupes de Kadhafi qui possèdent les lanceurs (et les dérouleurs de fils de guidage !).
La balance des armements est alors en net défaveur des insurgés, comme le note justement IISS. "A partir de l'imagerie satellitaire, les différences entre les unités militaires stationnées dans l'est du pays, qui a toujours été anti-Tripoli, et ceux de l'Ouest sont criants. Mis à part quelques unités mécanisées à Benghazi et Tobrouk, et quelques bataillons blindés près de Albayda, les zones contrôlées par les rebelles n'ont aucune matériel important avec lequel prendre le bastion pro-Kadhafi à Tripoli". Les révolutionnaires se seraient saisis d'un Mig 23 capable de bombarder, qui aurait même "réussi à couler deux navires de guerre de la marine nationale au large du golfe de Syrte" annonce le site de Brniej, mais c'est bien à prendre avec des pincettes, même si effectivement des pilotes et au moins une base complète à fait désertion.
Ce sont donc plutôt les chars lourds plus modernes (des T-72 contre les T-55) et non l'aviation proprement dite qui seront les vecteurs de la reprise en mains du pays. Seuls quelques Katioucha capturés, faciles d'emploi, auraient pu retarder l'échéance, ainsi que les obus autopropulsés de 120 mm, l'arme évidente des conflits récents mais dont les insurgés ne connaissent pas le maniement précis (le ciblage, notamment). Ce à quoi s'emploie le tyran, qui clame déjà victoire, alors qu'il vient de montrer la gabegie de ses dépenses militaires depuis des décennies. Khadafi n'achetait des armes que s'il bénéficiait lui-même de commissions, pour en reverser à ceux qui avaient réussi à le séduire. Ceux qui ont crû un jour pouvoir lui vendre des Rafale n'avaient aucune idée de l'état de délabrement de son armée, l'une des plus mal entretenues au monde. Et encore moins de celui de son cerveau...
(*) le plus connu étant celui découvert en Sicile après la catastrophe de l'Ustica : "l’époque où la chasse au Khadafi était ouverte"
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