Kagamé-Wrong (suite) – « Macron de Kigali à Paris »
Dans ma livraison précédente[1] sur : « Do not Disturb – The story of a political murder …..[2]” de Michela Wrong, je terminais en me proposant de parler de certains des autres personnages que l’auteur présentait dans son ouvrage. Ceux-ci sont, d’après moi, tout aussi importants en tant qu’acteurs, pour comprendre la complexité de la dictature rwandaise, que ceux qui, en tant qu’« opposants », ont payé de leur vie, la signature du tyran : J’avais cité, parmi ceux-ci, Fred Rwigema, Seth Sendashonga, Patrcik Karegeya. Mais il y en a tant d’autres, « personnages et/ou anonymes ».
Parmi ceux dont j’avais annoncé être l’objet de mes réflexions, je commencerai par Kayumba Nyamwasa (59 ans). Michela Wrong l’appelle « Général », car tout le monde l’appelle ainsi, même son épouse. Il avait été, lui aussi, l’un des éléments rwandais actifs de la rébellion ougandaise (500.000 morts) qui après avoir renversé Milton Obote, a mis Yowéri Musévéni au pouvoir (et là-bas, depuis 38 ans !). Nyamwasa, lui aussi, a été un des bras droits de Kagamé depuis les premiers moments du « busch ougandais du triangle de Luwiro » jusqu’aux pratiques criminelles du FPR, « ante », « durante » et « post » génocide (en ce, y compris les deux « guerres mondiales » du Congo). En 2004, après les prémices d’un « schisme rampant » d’avec son « boss », Nyamwasa est « nommé » ambassadeur en Inde (voie de garage diplomatiquement royale ?). Il est visé par deux mandats d’arrêt : en 2006 par le juge français Jean Louis Bruguière et en 2008 par le juge espagnol Fernando Andreu Merelles, pour crimes de guerre, crimes contre l’humanité et tutti quanti du même acabit. Le 28 février 2010, il abandonne, courageusement, son poste en Inde, rompt les amarres et s'exile en Afrique du Sud, désormais ouvertement « opposé » au pouvoir de Kagamé. Il y fonde avec Karegeya Patrick[3] et d’autres opposants issus de la diaspora rwandaise d’origine socio-culturelle proche du FPR, le RNC (Rwanda National Congrès). Le 19 juin 2010, il est victime d'une tentative d'assassinat à Johannesburg. Depuis lors il a été victime de deux autres tentatives. Les présumés « assassins potentiels » sont arrêtés par la justice sud-africaine, tous proches des affaires étrangères rwandaises ! A propos de ces tentatives de meurtre et des autres meurtres bien réels, ceux-là, on peut citer les cas de Frank Ntwali, beau-frère de Nyamwasa, blessé à coups de couteau à Johannesburg ; Jean-Léonard Rugambage, journaliste qui enquêtait sur les tentatives de meurtre sur Nyamwasa, assassiné en juin 2010 à Kigali ; Pieter Staelens avocat belge assassiné près du Cap en juillet 2018 qui enquêtait sur la mort d’un de ses confrères belge d’origine rwandaise Thomas Ngeze, 27 ans, retrouvé pendu, en juin 2018, dans sa chambre d’hôtel à Johannesburg[4]. Lui-même aurait-il été en train de découvrir la réalité de ce qui se passait en Afrique du Sud entre l’« opposition politique rwandaise » en exile et ce que certains prétendent être des escadrons de la mort du « pouvoir » de Kigali ?
Pour suivre il faut dire quelques mots de Théogène Rudasingwa[5]. Médecin[6] et un des autres ex-bras doits de Kagamé (y compris durant les deux « guerres mondiales » du Congo). Il a soutenu les opérations de lobbying en France et aux USA pour empêcher une intervention internationale en vue d’arrêter le génocide. Après avoir été ambassadeur du Rwanda aux USA, voie de garage diplomatiquement royale. (bis repetita placent ?). Il s’y réfugie suite un « schisme mystérieux » d’avec son « boss », en 2004. Il fait son « coming out »[7] anti-Kagamé, en 2011, après avoir cependant couvert avec zèle la version officielle de Kigali sur les auteurs de l’attentat du Falcon 50, et ce avec constance et conviction durant 17 ans. Après son retournement de veste, il accusera, à ce sujet, nommément le FPR, dans une audition devant le juge espagnol Fernando Andreu Merelles[8]. Il adopte assez tôt une attitude très critique vis-à-vis des initiatives françaises de concessions et d’exonérations opportunistes du FPR, lancées depuis la présidence de Nicolas Sarkozy[9] et poursuivie par Emmanuel Macron[10].
Pour en finir, j’en viens à Gérald Gahima[11]. Lui, aussi, a été un des bras droits de la première heure de Kagamé et du FPR (en ce, le deux « guerres mondiales » du Congo). Il a été le premier Procureur Général de la République Rwandaise post-génocide. Il s’est réfugié aux USA et est “a senior fellow at the United States Institute for Peace from 2006-2007” (rien que ça !), fort de son « expérience » de la justice transitionnelle (transactionnelle ?), du TPIR et de la justice « Gacaca »[12]. Il a, depuis sa défection[13], occupé un certains nombres de postes dans les arcanes de la CPI, d’autres organismes internationaux et/ou ONG des droits de l’homme. Gérald Gahima est le frère de Théogène Rudasingwa, avec qui il a fondé le RNC, comme, dit plus haut, parti d’opposition à Kagamé. Il faut cependant se souvenir qu’il a participé au lobbying pour la non-intervention de la communauté internationale dans l’arrêt du Génocide [14]. Il a, en, mars 1997, menacé le TPIR de le priver de la coopération du Rwanda dans l’affaire Barayagwiza. (obstruction rwandaise que Louise Arbour a reconnue[15]) Mais plus important, ce dont ne parle pas Michela Wrong, c’est le fait qu’il est allé à l’ONU pour obtenir de Koffi Annan avec l’aide de Pierre Richard Prosper[16] la « destitution » de Carla Del Ponte de son poste de procureur du TPIR. De plus, il a déclaré à une journaliste belge[17] : « C’est nous qui avons assassiné Kabila » ! Rien de moins..... !
Le RNC dont question ci-dessus connaît rapidement des dissensions internes, révélatrices des objectifs de chacun des candidats en compétition pour un « changement » à la tête du Rwanda : « Le tires-toi de là que je m’y mette » ? La démocratie .... quoi !!!!
Dans ces conditions comment interpréter la visite de Kagamé à Paris (Salon sur le numérique et l’innovation, où seuls 18 pays africains sur 54 avaient répondu à l’invitation de Macron [18]) ?Et son interview sur RFI du 17 mai 2021 ?
Dans ces conditions comment interpréter les paroles de Macron : « Monsieur le Président, Cher Paul ». ?
Dorénavant, le bon ménage entre « Langue de bois » et « Lèche-cul » serait-il l’ABC de l’« Ubengwe » ?
(A suivre ?)
[2] Ed : « 4thEstate-London « ISBN 978-0-00-823887-2 (2021)
[4] https://www.lemonde.fr/afrique/article/2018/08/24/en-afrique-du-sud-la-mort-suspecte-de-deux-belges-en-lien-avec-le-rwanda_5345686_3212.html
Enquête sur la mort de deux Belges en Afrique du Sud, en lien avec le génocide rwandais
Par Jean-Pierre Stroobants (Bruxelles)
[7] Il se serait simultanément convertit au christianisme, à partir de quelle autre religion. L’Islam ? Le Judaïsme ? ?
[8] https://www.jambonews.net/actualites/20131014-esapgne-rwanda-theogene-rudasingwa-comparait-devant-un-juge-dinstruction-espagnol/
[10] https://www.jambonews.net/actualites/20200707-theogene-rudasingwa-emmanuel-macron-a-trahi-les-rwandais/
[11] https://www.ledevoir.com/opinion/lettres/339762/lettres-s-ouvrir-les-yeux-sur-la-situation-au-rwanda - La nuance entre le « l » et le « r » étant très subtile en kinyarwanda Michela Wrong entends « Gérard » au lieu de « Gérald ».
[12] Tribunal communautaire villageois.
[13] Dont la date exacte est difficile à trouver.
[14] http://www.france-rwanda.info/article-rwanda-pour-gerald-gahima-kagame-a-tue-plus-de-gens-que-kadhafi-85324676.html
[15] https://www.jambonews.net/actualites/20170201-rwanda-kagame-a-bloque-les-enquetes-selon-louise-arbour-1er-partie-3/
[16] https://www.letemps.ch/monde/carla-del-ponte-vers-fin-dune-histoire-rwandaise
P.-R. Prosper, ambassadeur américain pour les crimes de guerre à l’époque.
[17] Colette Braeckman. http://espoirpourtous.blogspot.com/2011/04/qui-tue-kabila-par-colette-braeckman.html
[18] Cybertech has landed in Africa ! Cybertech Africa 2020, taking place on March 24-25th at the Kigali Convention Center in Rwanda – Reportée pour cause de Covid - Quand on sait que l’espionnage, dans la capitale Européenne (Bruxelles), connaît trois grands « intervenants » dans les réseaux du « renseignement », de la « cyber-criminalité » et des « services secrets » : la Russie, La Chine et le ..... Rwanda (dans l’ordre !!!!)
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