Et puis à force de parler corruption, on finit par la découvrir. Tardivement, à vrai dire, mais cette fois elle est quantifiable. Cette évasion qui n’est pas fiscale, je vous en avais déjà touché un mot dans un précédent épisode (l’exemplaire n°4). Celle que pratiquait assidûment la famille Karzaï. Et voilà justement que le Wall Street Journal et le Washington Post, le 25 juin dernier, sortent les chiffres de leur longue enquête, qui sont mirobolants (il y en aurait pour plus de 3 milliards de dollars, soir le quart des revenus du pays !) et donne également les noms des principaux responsables, parmi lesquels on retrouve au premier plan, comme prévu, Mahmood Karzai, citoyen américain et non afghan, mais aussi le vice-président Fahim, et son businessman de frère, A.H. Fahim ! Le journal débusquant au passage le lien principal par où s’évaporaient les billets : l’aéroport de Kaboul, tout simplement, où l’argent était chargé dans des gros porteurs par palettes entières.
L’enquête révélée par le Washington Post est désastreuse pour le pouvoir en place. Elle y décrit l’argent liquide sortant de l’aéroport de Kaboul par palettes entières, par valises, ou par valisettes, dans des proportions phénoménales, à la barbe des douanes, que l’on retrouve bien entendu avoir eu la patte graissée au passage : au pays de la corruption on ne pouvait en espérer moins. Tout y passe, comme toutes les sortes de devises : les billets proviennent en effet directement des dons au nom de l’aide humanitaire de pays étrangers, détournés : "Des dollars américains, des riyal saoudiens, des roupies pakistanaises, des couronnes norvégiennes et même d’anciens deutschmarks échangeables contre des euros, sont détournés vers l’étranger". Le volume constaté est considérabe : "cet argent liquide - qui représente plus que les impôts et les taxes douanières récoltés annuellement - est officiellement déclaré avant d’être chargé dans des valises ou des palettes à bord d’avions au départ de Kaboul. Selon les enquêteurs, il provient en partie de projets humanitaires financés par des ONG occidentales et de contrats passés par les forces de la coalition et de l’OTAN. " Il s’agit bien d’économie parallèle, constate le Post :"Tout cela ressemble à nos impôts qui seraient volés. Et à l’opium, bien sûr", a déclaré un responsable américain chargé d’enquêter sur la corruption et le financement des talibans". Et révèle également que l’enquête a été freinée par deux individus, deux membres du gouvernement de Karzaï : "Le "Washington Post" révèle que des responsables du gouvernement afghan ont régulièrement entravé des enquêtes sur des opérations de corruption". Bref, le scénario attendu car décrit durant tous les épisodes précédents, l’argent partant essentiellement pour Dubaï et lïle en forme de palmier où résident ceux qui bénéficient de ces détournements.
Pour ce qui est des principaux responsables, le journal en cite donc deux essentiellement : "D’après les enquêteurs, de hauts responsables afghans et l’entourage du président Hamid Karzai seraient impliqués dans ces détournements, parmi lesquels le frère de M. Karzai et celui de son vice-président, Mohammed Fahim. Les deux hommes ont nié toute participation." L’argent s’évapore du pays à flots ininterrompus, avec l’accord des douanes afghanes : "dans le même temps, l’argent continue à couler. Les formulaires de déclaration en espèces déposés auprès de l’aéroport international de Kaboul examinés par le Washington Post montrent que des passagers Afghans ont emporté avec eux plus de 180 millions de dollars pour Dubaï au cours du délai de deux mois seulement à compter de juillet. Si ce taux se maintenait toute l’année, le montant d’argent qui aura quitté l’Afghanistan en 2009 aurait dépassé de loin l’impôt annuel du pays et les autres recettes domestiques, de l’ordre de 875 000 000 de dollars".
Evidemment, le gouvernement ne pouvait ne pas savoir, avec un tel volume ; selon le Washington Post, il a en effet mis au panier toute velléité d’enquête sur le sujet : "le volume élevé de liquidités passant par l’aéroport de Kaboul est apparu au grand jour l’été dernier quand la société britannique Global Strategies Group, qui a hérité du contrat de sécurité de l’aéroport, a commencé à déposer des rapports sur les transferts d’argent, à la demande de la Direction Nationale des Services de Sécurité Afghans, le service de renseignement intérieur. Le pays, qui a une police notoirement corrompue, s’est alors plaint de l’enquête, de Global, qui a cessé ses rapports en septembre, selon une personne connaissant le dossier". Le général Asif Jabar Khail, directeur général des douanes à l’aéroport de Kaboul, assez candide, déclare même sans hésiter aux journalistes "que l’année dernière, ses officiers des douanes ont découvert un tas "de millions de dollars", tous non déclarés, et qu’il a essayé d’arrêter leur porteur sur un vol à destination de Dubaï. Mais "il y a eu beaucoup de pression à partir de mes supérieurs", at-il déclaré au journal."Ils m’ont dit qu’il y avait un arrangement avec la banque centrale et on m’a dit de laisser faire"... on ne peut être plus clair ! Pour parfaire le système, soit les passagers portent effectivement l’argent sur eux soit le transfèrent selon le principe de l’hawala islamique, reposant sur un accord tacite entre individus, un procédé qui le plus souvent échappe aux recherches ou est difficile à "pister". "Le principe de base de tout Hawala est de faire circuler l’argent dans un réseau d’agents de change (les hawaladars) : un client donne une somme d’argent à l’un de ces agents, qui contacte l’agent le plus proche du destinataire de cette somme et lui demande de lui verser cette somme (moins une commission, généralement) en échange de la promesse de lui rembourser plus tard" nous dit le Wiki. C’est quasiment imparable, car, comme le précise le dictionnaire en ligne "le système fonctionne sans transmission de moyen de paiement (outil de représentation de valeur, comme la monnaie), en reposant entièrement sur la confiance existant entre les agents du réseau". En prime, comme c’est informel, il n’y a pas de taux de change officiel à appliquer : celui qui le décide peut décider ce qu’il veut, et se servir davantage au passage d’ailleurs, et surtout cela échappe à tout contôle douanier !
Où donc le gouvernement de Karzaï a-t-il pu prendre l’idée d’aller ainsi puiser dans les ressources du pays, détourner l’aide humanitaire à son profit et tout expédier par palettes de billets ? C’est simple : l’exemple vient d’à côté, et a été donné par.. le Pentagone lui-même, au process de transport identique en Irak. Car cette disparition d’argent n’est pas sans en rappeler une autre : "un mois après l’invasion de l’Irak, les Etats-Unis ont commencé le transport aérien de cargaisons d’argent pour Bagdad. Entre avril 2003 et juin 2004, un total de 12 milliards de dollars dollars de monnaie américaine a été expédiée en Irak où il devait être répartis par la "Coalition Provisional Authority for reconstruction". À ce jour, au moins 9 milliards de dollars n’ont laissé aucune trace." L’argent, comme celui de Kaboul, était amené par palettes entières. "Les piles de billets de 100 dollars ont été conditionnés en paquets, assemblés ensuite en palettes plus grandes et chargées sur des avions cargo à destination de la capitale irakienne". En fait, c’était le retour, logiquement, de l’argent irakien gelé par les USA ou l’ONU, résultant de la vente de pétrole avant le conflit : " l’argent provenant d’Irak était essentiellement la "mise en fourrière" : "des actifs irakiens qui remontaient à l’origine à la guerre du Golfe, le pétrole de l’argent qui avait été mis sous le contrôle de l’ONU. Et cet argent était essentiellement sous la garde du gouvernement des États-Unis et de la Banque de la Réserve Fédérale de New York". Les irakiens n’ont donc pas, loin s’en faut, récupéré leur argent, dérobé au passage, mais par qui ?
Volé, ou distribué sans aucun contrôle, note Amy Goodman, et pas aux irakiens eux-mêmes, l’argent ayant été stocké aux USA dans un simple hangar et amené par camions semi-remorques ordinaires : "Ce qui nous a frappés, c’est que le contrôle incroyable, la supervision de tout dans ce pays, disparaissait lorsqu’il s’agissait de l’Irak, où tous les contrôles, toute la surveillance se sont évaporés. Une grande partie est allé dans d’anciens palais de Bagdad, parmi tous les palais de Saddam Hussein disséminés à travers le pays. Il a surtout été distribué tel quel, car beaucoup d’argent est allé à des entrepreneurs américains ou irakiens. C’était du genre : "prenez tout ce que vous pouvez emporter". Et les gens de le fourrer dans leurs propres poches, bien au fond, dans beaucoup de cas". Le "Coalition Provisional Authority for reconstruction" n’en a tenu aucun registre ! Selon Amy Goodman, pour vérifier un tant soit peu la distribution, le Pentagone a nommé un cabinet "indépendant" pour effectuer des rapports sur l’usage de cet argent, pour donner le change, un contrat à 1,4 million de dollars. Ce fut NorthStar Consultants, installé à La Jolla, en Californie et aux Bahamas qui fut choisi, une minuscule société déjà prise les années précédentes dans des détournements à 200 millions de dollars. Lors d’une audition, on découvre qu’ il s’agit d’une simple boîte aux lettres, qui était clairement... une création totale du Pentagone. L’un des usages de cet argent en cash fut par exemple pour payer une compagnie de sécurité de deux anciens rangers, Scott K. Custer et Michael J. Battles, "Custer and Battles", pour garder l’aéroport de Baghdad où il n’y avait aucun avion qui atterrissait ou décollait à cette époque ! Cela rappelle le coup des sociétés privées payées pendant des années en Irak pour surveiller les pylônes d’électricité où ne circulait aucun courant ! Un contrat à 2 millions de dollars, puis des rallonges successives pour arriver au final à ...100 millions de dollars ! Les deux hommes travaillaient aussi des années auparavant pour la CIA, ceci explique cela. Au total, 16, 5 millions de dollars ont été octroyés à des entreprises de ce type pour surveiller un aéroport où il n’y eut pendant longtemps aucun passager !
Et où Karzaï avait-il pu apprendre à placer ses amis et sa famille dans le pillage de son propre pays ? Aux Etats-Unis auprès de G.W.Bush et du Coalition Provisional Authority irakien, pardi ! "Pour superviser le développementdu secteur privé irakien, la Coalition Provisional Authority (CPA) a choisi deux hommes qui n’avaient aucune expérience diplomatique, Michael Fleischer, un homme venu du capital-risque et frère de l’ancien porte-parole de la Maison Blanche Ari Fleischer, et Bush "Pioneer" Thomas Foley, qui a un jour décrit l’Irak comme étant "une version moderne de la ruée vers l’or en Californie." Le CPA a nommé Simone Ledeen en tant que "Conseillère principale au ministère des Finances de l’Irak", or elle était sans expérience aucune. Son père, Michael Ledeen, a été un consultant du National Security Advise , qui a aidé à coordonner dans les années 1980 le scandale Iran-Contra. Il a nommé également Jay Hallen, 24 ans qui venait de remplir une demande d’emploi à la Maison Blanche, à la tête du lancement de la nouvelle bourse de Bagdad, et Scott Erwin, un stagiaire de 21 ans de Dick Cheney, comme "Coordonnateur des finances et du budget" pour le "marché intérieur les forces de sécurité" du pays. Le principal du collège où il était décrit son emploi préféré comme étant celui de "chauffeur de camion de crème glacée..." et on aurait voulu qu’avec ça, l’Irak s’en sorte ?
Le résultat, comme d’habitude, c’est le peuple afghan qui va en faire les frais, avec la décision prise par une assemblée bi-partite américaine qui est chargé d’évaluer l’aide afghane : "Un important comité de la Chambre des représentants des États-Unis a voté mercredi pour couper près de 4 milliards de dollars d’aide destinée au gouvernement afghan en attendant que soient menées des vérifications sur des allégations de corruption et de détournement de fonds provenant de l’aide étrangère" apprenait-on le 30 juin dernier. La représentante (démocrate) de la commission n’ayant pas de mots assez durs pour fustiger l’évasion de dollars : "Mme Lowey a dit ne pas avoir l’intention « d’affecter un seul centime de plus à l’assistance au gouvernement afghan "tant qu’elle n’aura pas eu "l’assurance que l’argent des contribuables américains n’est pas utilisé pour remplir les poches de responsables afghans corrompus, de seigneurs de la drogue et de terroristes". Pendant ce temps, les villas des enrichis de Kaboul prospèrent, et en contrebas de leurs balcons les afghans crèvent de faim. CBS peut cyniquement titrer "peu de progrès sur la pauvreté en Afghanistan". La pauvreté y tue encore davantage que les bombardements...
Pour ne rien arranger, le 9 juillet dernier tombait dans les rédactions une énième enquête sur l’Afghanistan, signée "Integrity Watch Afghanistan", un organisme installé à Kaboul. Selon cette enquête, c’est aujourd’hui un afghan sur sept qui se retrouve obligé de payer des bakchichs, et la corruption a doublé depuis 2007, puisqu’en 2010 c’est un milliard de dollars qui s’évapore en paiement de ce type. Selon les 6500 personnes interrogées dans 32 régions différentes, le verdict est sans appel, et les principaux nommés comme responsable sont le ministre de l’intérieur (General Bismillah Khan Mohammadi), celui de la justice (Habibullah Ghaleb) et celui des services secrets, qui seraient perçus comme étant les plus corrompus. Résultat "La corruption existe désormais en Afghanistan à un degré bien supérieur à celui qui prévalait sous le règne des taliban," comme dit l’Express. Cette enquête, nous y reviendrons, en fait, car elle provient d’ailleurs... et constitue un vrai réquisitoire contre le régime de Karzaï.
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La culture du pavot ne sert pas à fabriquer de la cocaïne mais de l’opium, qui est à la base de l’héroïne. La cocaïne à base de coca se fabrique en grande partie en Amérique du sud.
exact - en parlant de ce crash d’avion plein de cocaïne je réagissais au trafic organisé de la drogue en général par l’armée américaine en soutien aux guerres
L’opium afghan transite par le Kosovo, toujours entre les mains de l’armée US
Les talibans avaient éradqiué la culture du pavot ! Soit les talibans sont plus efficaces que les étatsuniens soit la drogue est nécessaire aux états-uniens pour continuer à traîner leur mal vivre.
@Morice Cela n’a rien à voir avec le sujet de l’article mais vous êtes notre spécialiste des forces armées américaines et c’est pourquoi je m’adresse à vous. Je souhaite publier sur Agoravox un article le 22 ou le 23 juillet une fois que la CIJ aura rendu son avis sur l’indépendance du Kosovo. Je suis à la recherche d’informations sur la guerre de 1999 et des évolutions politiques qui l’ont suivie. Pourriez-vous me renseigner plus sur ces questions ? Merci d’avance.
@ Morice je vais publier un article prochainement sur ce site au sujet des américains que c’ est des salauds , je voudrais que vous me transmettiez des arguments dans ce sens .
Comment puis-je dans la même phrase dire qu’ ils ont été en première ligne lors de l’ opération du débarquement , que de nombreux soldats sont morts au moment de cet événement et finir la phrase en disant que ces gens c ’est des salauds .
Des 569 votants en faveur des pleins pouvoirs, 286 parlementaires
avaient été élus avec une étiquette de gauche ou de centre-gauche et
283 avec une étiquette de droite, de centre-droite ou non inscrits.
il y avait donc plus de gens de gauche que de droite en faveur du Maréchal !!!
