• AgoraVox sur Twitter
  • RSS
  • Agoravox TV
  • Agoravox Mobile

Accueil du site > Tribune Libre > L’Algérie de Bouteflika à Tebboune, de Charybde en Scylla
#29 des Tendances

L’Algérie de Bouteflika à Tebboune, de Charybde en Scylla

L’histoire récente de l’Algérie est une conséquence de la nôtre avec pour effet de trop contraindre la France à la réserve, malgré qu’il devrait être considéré que les algériens d’aujourd’hui ne sont pas plus victimes, que les français d’aujourd’hui ne sont responsables de ce passé commun. L’histoire algérienne est un outil politique tendancieux au service d'une démocratie qui n'en a que le nom. Son passé esclavagiste avec les barbaresques d’Alger (1) s'inscrit dans celui des arabo-musulmans et leurs 15 millions d'esclaves dont 1 million d'esclaves blancs chrétiens. L'arrivée des français finira de mettre un terme au trafic d'êtres humains des barbaresques d'Alger que les livres d'histoires occultent. 

Envahi par les romains le territoire deviendra chrétien, dominé par les arabes il sera renégat en reniant sa religion, sa langue et ses origines amazighs. Son développement sous influence romaine s'arrêtera avec l'islamisation arabe. L'Algérie, une histoire d'allégeances sans identité jusqu’à la colonisation.

Où en sommes-nous avec l'Algérie. 

En 2019 les relations franco algériennes surfaient toujours sur des irritants anciens que la France négligeait et qu'aujourd’hui Tebboune exacerbe, au moins peut-on espérer ainsi que l’abcès sera crevé.

Pour mesurer nos différences on observera l'incidence des cultures sur nos constitutions. En Algérie « L’Islam religion de l'Etat  » est mentionnée en tête de sa constitution quand « Les libertés fondamentales et les droits de l'Homme et du Citoyen… » sont reléguées à l'article 38, et de fait ne sont pas appliquées (voir le racisme en Algérie (2)). La France elle, affiche les Droits de l'Homme en préambule de sa constitution. Des priorités inconciliables qui marquent chaque pays.

Rappel de la situation déjà vue juste avant l’arrivée de Tebboune. En 2019 à l’occasion de la succession de Bouteflika, Benjamin GRIVEAU porte-parole du gouvernement français se contentait d’une banalité révélatrice de la précaution gouvernementale du moment ; « … nous formons le vœu que cette élection donne à l’Algérie l’impulsion nécessaire pour faire face aux défis qui sont les siens et pour répondre aux aspirations profondes de sa population. » 

Pourquoi cette prudence.

La réalité est empreinte de traces que le temps n’efface pas. La colonisation et une culture que nos peuples ne partagent pas les divisent, même si un temps certains ont cru le contraire comme Jean-Marie Le Pen en 1958 qui défendait son idée d’alors avec une Algérie française et des algériens musulmans compatibles avec les valeurs occidentales (3), il changera d'opinion. Deux obstacles insurmontables aujourd’hui pour des rapports sincères et cordiaux. A noter que vingt ans plus tard le PCF de Georges Marchais défendra la nécessité de stopper l’immigration maghrébine (4).

Un temps de réflexion est toujours une nécessité pour un gouvernement français avant de s’exprimer sur le sujet algérien, s’il ne veut pas comme F. Hollande susciter de vives réactions là-bas avec cet article d'Info Alternative (09/2015) : « … Que tous les Musulmans du monde entier sachent que l’Algérie musulmane… déjà placée sous tutelle de la France sioniste, que le peuple algérien est pris en otage par une mafia franco-sioniste... Voilà comment la France propose au peuple Algérien…une réforme qui effacera définitivement sa religion, sa culture, son passé, sa langue et son patrimoine. » etc. Si on pouvait espérer que le temps contribue à effacer ces outrances, les utilisateurs politicards de la décolonisation en ont conservé une amertume qu’ils exploitent pour masquer l’impéritie dénoncée à haute voix de l’intérieur, (voir l’article incroyablement lucide d’EL WATTAN plus loin).

L’ancienne puissance coloniale est associée à l’idée de la France avec ce passé ruminé toujours, et à fleur de peau chez les algériens. Ces arrière-pensées ne sont pas près de s’effacer, et ce pourrait ne pas être un mal si elles permettaient de garder une distance devenue nécessaire entre les pays. 

L'avenir de l'Algérie dépend de ces jeunes qui manifestaient contre l’immobilisme d’un pouvoir dictatorial sclérosé. Ils ont pu susciter alors de la sympathie chez certains ici, à déconnecter de l'accès à notre pays. L'immigration algérienne a démontré ses difficultés voire son refus d'intégration, sans conséquence avec les premiers arrivants mais devenue un obstacle à combattre pour l'intégrité de la nation française. 

Du point de vue algérien, l’image de nos démocraties occidentales relayée par des millions de leurs descendants immigrés en France leur paraît attirante, à en juger par le nombre de candidats au départ. Les jeunes qui interpellaient notre Président dans les rues d’Alger à propos des visas qu’ils souhaitaient obtenir confirmaient ce désir. Mais la France qui compte déjà 5 ou 6 millions de leurs coreligionnaires, n’est plus disposée à faciliter ce mouvement migratoire d'où l’augmentation des rejets des demandes de visas pour les algériens suite à la mise en place d’un dispositif par le ministère français de l’Intérieur (voir le commentaire de l’ambassadeur de France à Alger).

Après tout, l’indépendance doit être assumée par les algériens descendants de ceux qui se sont battus pour cela, et qu’ils reprennent à leur compte. L’avenir de leur pays dépend de leur implication sur place pour le modeler à leur image, s’en échapper relève d'un lâche abandon. De ce point de vue, les manifestations semblaient un pas vers le changement, même si la marche reste haute. Les aider en cela aurait dû être préféré à une distribution de nouveaux droits à pension par E. Macron à Alger (02/2018).

Les jeunes algériens ont bien des raisons de critiquer les gouvernements de ce pays sous perfusion des seuls subsides gazo-pétroliers (97% des exportations). L’immobilisme en matière de développement est consternant comparé au Maroc voisin, dont les exportations dans le même temps, à hauteur de 63%, proviennent des secteurs de l’automobile, des phosphates, de l’agriculture et agro-alimentaire.

Ces quelques chiffres mettent en perspective le constat cinglant du journal algérien EL WATAN repris par les ECHOS. Son article « Quand l’Algérie perd ses repères », dressait un tableau inquiétant du pays « …violence, racisme, individualisme, incivisme, peu d’intérêt pour le travail, culte de l’argent, dévalorisation de soi l’Algérie a tourné le dos à sa lumière salvatrice durant la longue nuit coloniale et les siècles d’invasions… » EL WATAN accuse « la mauvaise politique » éloignée « des grandes figures comme IBN KHALDOUN (XIVe s. !!) ou ABDELKADER » et regrette que « les valeurs séculaires, surtout parmi les jeunes générations sont perdues. Le sacré hypocrite est devenu la règle. » Il dénonce « la petite bourgeoisie néolibérale qui prospère à l’abri d’un capitalisme d’Etat débridé » et « …la stratégie étatique de distribution de la rente qui a eu des effets pervers en détournant les algériens du travail et de l’argent mérité ». Il conclut « Plus de cinquante ans après l’indépendance, l’Algérie paye le prix fort de la prise du pouvoir par des clans aux ambitions centrées davantage sur sa conservation que sur la construction d’un pays moderne et démocratique ».

Ce brûlot de l’intérieur éclaire ceux qui auraient des penchants compréhensifs envers ce pays. Sans ses ressources naturelles, il serait probablement sous influence d’un FMI qui pourrait insuffler des changements. On ne s’étendra pas ici sur ces "…femmes algériennes qui se battent pour porter des bikinis sur la plage sans se faire harceler"

Il n’en reste pas moins, que BOUTEFLIKA au passé apprécié par beaucoup d’algériens, était aussi perçu ailleurs comme le garant de la stabilité de ce pays dont personne ne pouvait dire ce qu’il adviendrait sans lui. Même fatigué il restait un rempart face à l’inconnu que la France pouvait redouter.

Manifestation à Alger – 2019

D’un point de vue français, nous devons considérer que l’Algérie ne fait pas partie de l’Occident concept politique héritier des valeurs, romaines, grecques et chrétiennes. L’Algérie n’en a pas été exclue, elle n’a jamais souhaité se convertir à ce concept. Les arabes leur ont imposé une langue qui subsiste parmi d’autres (tamazight, darja, français) et une culture attachée à l’islam, leur faisant rejeter leurs origines berbères et chrétiennes, dont acte.

1 algérien sur 3 est d’origine arabe (bien plus que les autres pays du Maghreb) et 1 sur 2 d’origine berbère. Nous avons respecté cette culture arabo-islamique qu’ils ont adoptée mais oublié le frein qu’elle représentait à l’intégration des algériens dans notre pays.

Que doit attendre la France d’algériens qui ressassent à chaque diffusion de leur hymne national leur animosité envers la France ? Couplet supprimé puis réintroduit par Tebboune : "…Ô France ! Le temps des palabres est révolu Nous l’avons clos comme on ferme un livre Ô France ! Voici venu le jour où il te faut rendre des comptes Prépare toi ! Voici notre réponse Le verdict, Notre Révolution le rendra..." Ou de ces « français de papier », qui sifflent la Marseillaise lorsqu’elle est chantée au stade de France ? D’où viennent ces démonstrations ? Amertume postcoloniale persistante ? Illustration de l’échec du multiculturalisme ? Ou tout ça à la fois.

Déjà en 2014 les manifestations bruyantes des algériens avaient provoqué des réactions regrettables qui traduisaient les tensions sociétales sous-jacentes, elles n'ont fait que s'aggraver. 

 

Le gouvernement n’est pas sans ignorer les difficultés communautaires dont le niveau de tolérance (d’acceptation) est mauvais pour les maghrébins. Le CNCDH relevait déjà en mars 2018 que « …parmi les minorités vivant en France (noirs, asiatiques, juifs…) les Maghrébins et les musulmans sont les moins acceptés. » Il était donc impératif d’améliorer en priorité les conditions d'une entente avec les algériens devenus français, avant de laisser ouvertes les portes à ceux qui grossiraient les rangs des futurs déçus.

Ces considérations doivent guider les décisions que la France doit prendre, dans le contexte déplorable du moment. Nous n’étions pas encore capables de tout nous dire, le moment est venu.

Si la langue française encore parlée par les algériens doit faciliter une compréhension, de nombreuses mésententes fermentent dans la pomme de discorde, préambule à de graves pépins.

La discorde franco-algérienne du moment doit être l'occasion de remettre les pendules à l'heure.

(1) Un million d’esclaves blancs passés sous silence, et l’Algérie réclame réparation après la colonisation. -

(2) Miss Algérie excite les racistes anti-noirs. Le racisme au Maghreb, un concept à deux faces. -

 (3) Jean-Marie Le Pen à l’Assemblée Nationale en 1958 : « Ce qu’il faut dire aux Algériens, ce n’est pas qu’ils ont besoin de la France, mais que la France a besoin d’eux. C’est qu’ils ne sont pas un fardeau ou que, s’ils le sont pour l’instant, ils seront au contraire la partie dynamique et le sang jeune d’une nation française dans laquelle nous les aurons intégrés.

J’affirme que, dans la religion musulmane, rien ne s’oppose au point de vue moral à faire du croyant ou du pratiquant musulman un citoyen français complet. Bien au contraire, sur l’essentiel, ses préceptes sont les mêmes que ceux de la religion chrétienne, fondement de la civilisation occidentale.

D’autre part, je ne crois pas qu’il existe plus de race algérienne que de race française… Je conclus : offrons aux musulmans d’Algérie l’entrée et l’intégration dans une France dynamiqueAu lieu de leur dire, comme nous le faisons maintenant : « vous nous coûtez très cher, vous êtes un fardeau », disons-leur : « nous avons besoin de vous, vous êtes la jeunesse de la nation ». »

(4) Georges Marchais demandait à « stopper l’immigration officielle et clandestine, il est inadmissible de laisser entrer de nouveaux travailleurs immigrés en France quand notre pays compte plus de 2 millions de chômeurs français ET immigrés… » Le PCF était-il alors raciste, fasciste, populiste, réactionnaire, antiprogressiste… ?


Moyenne des avis sur cet article :  2.33/5   (6 votes)




Réagissez à l'article

7 réactions à cet article    


  • Corcovado 14 janvier 18:41

    On ne peut que souhaiter à ce pays de parvenir enfin à se réveiller et à s’organiser.

    Mais bon, c’est comme allumer un cierge à l’église, si je puis me permettre.

    Après avoir espéré pendant près d’un demi-siècle l’éveil de l’Afrique, je saisis enfin que j’ai été bien naif. A ce jour, je crains même un retour plus loin que le moyen-âge. C’est triste de les voir dire que c’est de notre faute alors que lorsqu’on les laisse faire seuls, tout s’écroule.


    • L'apostilleur L’apostilleur 14 janvier 18:57

      @Corcovado
      « ..On ne peut que souhaiter à ce pays de parvenir enfin à se réveiller .. »
      Oui, mais on ne voit pas comment.

      ☪️ Texte du poète AL-MAGHUT : Cela fait 1 400 ans que nous maudissons les juifs et les chrétiens


    • Durand Durand 14 janvier 22:54

      @Corcovado

      « A ce jour, je crains même un retour plus loin que le moyen-âge. »

      Comme en Syrie ?

      ..


    • Durand Durand 14 janvier 22:57

      @Corcovado

      Comme en Libye ?

      ..



      • L'apostilleur L’apostilleur 15 janvier 00:06

        @Durand
        Comme dit le conférencier « ..je ne suis pas historien, c’est une présentation subjective.. le colonialisme français était violent.. »
        En toute objectivité il aurait dû commencé par mentionner l’activité pirate et esclavagiste des barbaresques d’Alger qui ont pillé, volé, les côtes françaises, italiennes, espagnoles...et détruit les flottes en Méditerranée, avec son implication dans le génocide arabo-musulman des africains...
         Un oubli honteux systématique des algériens dont l’histoire ne commence qu’avec sa création par la France. Il aurait pourtant mis en perspective son propos.
         
        https://onenpensequoi.over-blog.com/2019/01/un-million-d-esclaves-blancs-passes-sous-silence-et-l-algerie-reclame-reparation-apres-la-colonisation.html


      • SilentArrow 15 janvier 02:02

        @L’apostilleur

         

        L’Algérie n’est pas arriérée parce qu’elle a été colonisée ; elle a été colonisée parce qu’elle était arriérée.

         

        Et elle est arriérée depuis que les invasions hilaliennes du Xe siècle l’ont ramenée à l’âge du chameau. Les Berbères qui avaient donné des empereurs romains et des théologiens chrétiens se sont retrouvés sous la gouvernance anarchique des pires sauvages que le désert d’Arabie Saoudite ait pu produire.

         

        Sans la colonisation, les Algériens en seraient encore à soigner leurs maladies en frottant des pages du Coran sur les endroit atteints.

Ajouter une réaction

Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page

Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.


FAIRE UN DON



Publicité



Les thématiques de l'article


Palmarès



Publicité