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Accueil du site > Tribune Libre > L’Allemagne a perdu son président et cherche ses valeurs

L’Allemagne a perdu son président et cherche ses valeurs

Ce billet sera court mais l’importance d’une info ne se mesure pas au poids de papier frappé d’encre ou au nombre de signes comptabilisés par Word. Au passage, j’en profite pour évoquer une situation méritant une analyse plus profonde. Les journalistes disposent des mêmes informations et donc, il est de leur ressort d’en extraire ce qui est signifiant et parlant pour notre époque et notre actualité. Sur ce point, on note un mimétisme, un suivisme de la presse qui du reste en a conscience mais le pratique comme si c’était la fatalité d’un système voué à satisfaire une opinion publique pensée comme homogène. Alors, un exemple, le blocus de Gaza et la décision de Moubarak datée du premier juin. Un détail pourtant analysé par votre serviteur qui a réagi le lendemain alors que la presse a snobé ce fait comme s’il c’était un détail. Comme s’il ne fallait pas pointer cet événement s’inscrivant dans la thèse du fiasco complet d’un Israël ayant perdu la face.

Cette mise au point effectuée, il sera question ici d’un événement lui aussi passé sous silence. Le président de l’Allemagne Horst Köhler a démissionné le 31 mai 2010. Ce fait n’a pas une grande importance sur le plan politique au vu des prérogatives accordées à ce personnage de l’Etat par la constitution allemande. Köhler était assez populaire, un peu comme un Chirac qui serait président honorifique dans une France gouvernée par un chef de gouvernement comme Sarkozy et qui aurait quelques prérogatives pour signer des textes mais rien de plus. Le président allemand démissionnaire fut directeur du FMI de 2000 à 2004, et bien que populaire, il fut préoccupé des réformes économiques, critiquant notamment le salaire minimum dans la poste pour des raisons spécifiques qu’on ne peut juger chez nous. Bref, Köhler était un personnage plutôt ambigu mais tout de même soucieux de défendre l’intérêt de son pays et surtout, de son économie. Il a démissionné suite à une interview où il défendait l’action de l’armée allemande en Afghanistan au nom de la stabilité du monde et des intérêts économiques. Vexé par la réaction de la presse, il s’en est allé. Il se pourrait bien que la presse allemande soit assez virulente, frondeuse et indépendante, un peu comme la presse israélienne. Et la critique adressée à Köhler n’est pas un point de détail mais relève d’un débat de société sur l’engagement des actions en fonction des finalités et des valeurs. L’économique, le militaire, les valeurs humaines, la nation. En Allemagne comme en Israël, ce sont des thèmes qui s’entrechoquent alors que les événements choquent l’opinion.

La démission du plus haut personnage de l’Etat allemand en pleine crise européenne illustre bien la crise politique majeure que vit ce pays, d’autant plus que Köhler, bien que refusant toute allégeance à un parti, était le ciment de l’alliance noir et jaune entre le CDU de la chancelière Merkel et les libéraux du FPD. L’éditorialiste de gauche Joachim Frank invite la chef du CDU à réfléchir aux valeurs qu’elle défend afin d’un découvrir plus sur elle-même (lire le dernier Courrier international). Ce qui en fin de compte témoigne de cette question déjà soulevée dans un précédent billet sur les valeurs et la question du nihilisme financier qui semble-t-il, traverse nos sociétés, révélant en filigrane une scission entre les fanatiques du marché consumériste et les défenseurs de l’humanisme. Affaire à suivre mais pas un point de détail. A rapprocher de la crise politique au Japon qui en quatre ans, a usé quatre premiers ministres. Nous sommes donc à la croisée des chemins et en pleine crise politique, morale et économique.

Sans en tirer aucune analyse mais avec toute la facétie d’un peintre de fresques historiques, je rappelle qu’en 1932, le président Hindenburg avait refusé de nommer chancelier un certain Adolf Hitler, affichant son mépris pour celui qu’il qualifiait de petit caporal bohémien et dont il affirmait qu’il avait tout juste l’envergure pour faire un ministre des postes.

Facétieux ? Vous en voulez plus ? Après tout, ce Köhler, si préoccupé du statut des postiers, aurait pu très bien être ministre des postes. Et que penser de l’avenir en 2012 du dernier successeur de Köhler au FMI, un certain DSK ? Futur président ou bien PDG d’EDF en remplacement de Proglio ?


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14 réactions à cet article    


  • Yannick Harrel Yannick Harrel 4 juin 2010 10:51

    Bonjour,

    Pour l’heure, l’Allemagne nage dans la Lenamania (référence à ce petit bout de femme ayant décroché le titre de l’Eurovision 2010). Et elle a bien besoin de cette fraîcheur et insouciance au moment où la tourmente s’accentue autour, enfin au sein plutôt, de la zone Euro et qu’elle est désormais accusée par plusieurs de ses partenaires de ne se soucier que de ses propres intérêts.

    Je salue le courage de Herr Köhler, comme celui du Premier Ministre Japonais Yukio Hatoyama : tous deux se sentant désavoués n’ont pas préféré aller plus en avant et courroucer davantage. Un phénomène bien entendu impensable en France où la mauvaise foi politicienne comme l’impunité atteignent des sommets. Le particularisme gallican sans doute...

    Le Président Fédéral c’est un peu comme le Roi des Belges : un arbitre au-dessus de la mêlée politicienne s’autorisant toutefois s’immiscer dans les débats nationaux lorsque les intérêts supérieurs du pays sont en jeu. Ce fut le cas sur le sujet épineux des troupes Allemandes opérant hors du territoire national, Horst Köhler a parlé car à mon humble avis il désirait le faire impérativement, et en a assumé les conséquences (peut-être trop hâtivement car il n’y avait pas de réelle fronde populaire non plus)., ce qui mérite le respect quoiqu’on en pense sur le fond.

    Cordialement


    • Bernard Dugué Bernard Dugué 4 juin 2010 10:57

      Bonjour,

      Cette démission ne paraît pas claire sur le fond, si ce n’est que le président allemand a réveillé quelques démons en parlant armée et économie. J’ai cru comprendre qu’il y avait en Allemagne une presse assez critique, comme par exemple le Haaretz en Israël, avec des éditorialistes musclés, pas comme les sans-culottes Olivennes, Fotorino, Joffrin et autres Colombani.

      Je dis une chose, crise des valeurs, nihilisme, économisme, à lire, Nietzsche


    • L'enfoiré L’enfoiré 4 juin 2010 13:08

      Yannick,
       Bonne comparaison avec notre Roi, qui fait encore le ciment entre nos communautés.
       On se plaint chez nous de la fréquence des changements de gouvernements, des retours aux élections... Au Japon, c’est loin d’être mieux. Cela fait le 4ème gouvernement qui échoue en moins de 4 ans.
       Centriste de gauche, Hatoyama avait il y a moins d’un an créé l’espoir.
       Là aussi, un prétexte invoqué, le non-renvois des troupes américaines d’Okinawa.
       Comme si l’homme de la rue s’occupait de cela, alors que parfois il en profiterait. smiley 


    • L'enfoiré L’enfoiré 4 juin 2010 13:01

      Bonjour,
       Bonne prise en main de l’info qui c’est vrai est passé au bleu.
       Wiki est assez succinct :

      « Le 22 mai 2010, de retour d’Afghanistan, il estime que la société « comprend la nécessité d’engagements militaires » pour protéger les intérêts économiques de l’Allemagne. Face aux critiques suscitées dans le pays, il démissionne neuf jours plus tard et est remplacé à titre intérimaire par Jens Böhrnsen, président du Conseil fédéral »

       Vous faites la comparaison avec Sarkozy. Je trouve que le contraste est flagrant.
       C’est Madame Merkel qui est connue à l’étranger, pas son président, même si à l’intérieur, le président était populaire.
       Cherchez l’erreur, pourrait-on dire.  smiley


      • Zoorro 4 juin 2010 13:09

        A l’auteur

        Si Horst Köhler a été contraint à la démission c’est uniquement parce qu’il avait suggéré que l’Allemagne était en Afghanistan afin (entre autres) d’y défendre ses intérêts économiques, chose qui est officiellement prohibée par la loi fondamentale de l’Allemagne (autrement dit sa constitution).

        En gros, et pour paraphraser Guy Béart, il a dit la vérité, il doit être démissionné.

        Mais je ne vois là aucun signe de crise politique en Allemagne, seulement la bonne vieille hypocrisie commune à tous les pays et à tous les régimes. Et aussi probablement le signe que Köhler n’était que peu apprécié par la classe politique allemande pour un certain nombre d’autres raisons.
        En outre on ne peut absolument pas dire que cet évènement ait été « passé sous silence » (les média en ont tous rendu compte).

        Vous deviez faire court, mais vous auriez pu tout aussi bien vous épargner la peine d’écrire un article inutile.


        • rastapopulo rastapopulo 4 juin 2010 13:21

          Avant d’occuper ce poste, Horst Koehler a dirigé le Fond monétaire international et la Fédération allemande des caisses d’épargne ; il est donc certainement bien informé sur l’état de désintégration avancé du système financier et de la zone euro. Notons aussi que cette annonce intervient six jours après que le ministre-président de la Hesse – la région de Francfort, c’est à dire le centre de la finance allemande et européenne continentale – ait lui aussi annoncé sa démission.

          http://www.solidariteetprogres.org/article6687.html


        • L'enfoiré L’enfoiré 4 juin 2010 14:13

          Zooro,
           Apparemment, on manque d’un Zorro chez nous.
           Si l’info est passée dans le Monde, elle n’a pas sauté sur tous les quotidiens belges.
           J’ai trouvé cet article
           Les commentaires y sont d’ailleurs piquants et confirme la comparaison de Yannick.
           Alors, article inutile, pas si sûr.
           smiley


        • Zoorro 4 juin 2010 20:06


          OK, je me suis mal exprimé,

          Je change le mot ’ uniquement ’ dans la première ligne de mon commentaire, donc :

          "Si Horst Köhler a été contraint à la démission c’est officiellement parce qu’il avait suggéré que l’Allemagne ... « 
           Je ne retire rien au reste, mais je précise en confirmation de ce que je suggérais, que la classe politique allemande ne l’appréciait pas car il avait tendance à prendre un peu trop position politiquement, il n’était pas assez »potiche« .
          Je vous signale qu’en cette période d’incertitudes sur le plan financier et monétaire il y a suffisamment de cacophonie oratoire comme ça (en particulier en Allemagne) sans en rajouter un couche avec un président du style de Köhler...

          J’ajoute qu’il avait réussi à se faire détester par beaucoup de citoyens Allemands pour avoir, entre autres, pris position contre le salaire minimum à la Bundespost.
          En gros c’est un libéral pur jus (sur le plan économique), et d’ailleurs l’ami Guido Westerwelle lui a tressé une couronne (mortuaire) de lauriers.

          Donc je ne crois pas que tout cela cache grand chose d’autre...

          Pour L’Enfoiré, j’ai lu l’article de »La Libre" et je ne vois pas ce que les commentaires qui le suivent ont de piquant (à moins qu’entre temps La Libre ait fait le ménage comme c’est son habitude...)

          Salutations.


        • dom y loulou dom 4 juin 2010 14:05

          c’est étrange, la presse suisse a relayé chez nous le fait que Kohler avait justement émis de gros doutes sur l’utilité de l’engagement de l’Allemagne en Afghanistan...

          quelle est la bonne version alors ?


          • dom y loulou dom 4 juin 2010 14:10

            merci l’enfoiré pour le rappel exact de ses mots, j’avais pas encore lu les commentaires.


            • Sylvain Reboul Sylvain Reboul 4 juin 2010 16:09

              L’Allemagne n’est plus gouvernée depuis plus de 8 mois ; la coalition au pouvoir CDU-CSU/FTP est incapable de s’unir sur une politique économique, sociale, sécuritaire et militaire . 


              Qu’on en juge :
              Aucune décision sur la politique fiscale, aucune sur la sécurité sociale alors qu’Angela Merkel avait promis un accord pour le mois de mai ; aucune sur le service militaire ; Le FTP membre de sa coalition est en train de la trahir en NRW au profit d’une Alliance avec l coalition au pouvoir perd en conséquence la majorité au Bundesrat pourtant indispensable pour prendre les décisions fiscales et sociales. Un des plus conservateurs personnages de la CDU, le populiste Roland Koch, démissionne de la politique, après avoir appelé sans succès (et c’est tant mieux) à des économies drastiques dans le domaine de l’aide à l’enfance et de l’éducation, voire de la recherche. Quant au plan de secours de l’Euro, il a été imposé à Angéla Merkel par Obama , le FMI (DSK) et la BCE (Trichet) , après ses tergiversations qui ont aggravé pour un temps la situation. 

              La seule bonne décision qu’elle ait prise concerne l’interdiction les ventes à découverts sans apport des fonds souverains européens en Allemagne. Or elle n’a pas obtenu pour le moment d’être suivie par NS (honte à lui). Quant à l’impôt sur les transactions financières qu’elle appelle de ses voeux en Europe, Nicholas Sarkozy le bloque malgré ses déclarations fracassantes. Comme toujours il parle pour ne rien faire : il n’est même pas fichu de reprendre tout ou partie du programme de régulation d’Obama, pourtant approuvé par le Sénat américain. 

              Les Allemands n’attendent qu’une chose : un changement de coalition pour lequel ils ont voté en NRW, dès lors que celle qui est au pouvoir montre son incapacité foncière à gouverner et s’enfonce jour après jour dans la paralysie du fait des tendances anti-soviales démocrates du FTP. 

              Or les allemands sont viscéralement attachés à des valeurs sociales-démocrates que ce soit à travers la variante qu’en donne de la CDU ou à travers celle qu’offre le SPD ou des deux associées dans un compromis qui a fait les preuves de sa capacité à gouverner dans la précédente législature. 





              • Sylvain Reboul Sylvain Reboul 4 juin 2010 16:16

                Le FPP est en train de trahir la coalition au pouvoir au profit d’une alliance (die Ampelcoalition vert, jaune rouge : Vert, FTP, SPD) en RNW, lander le plus peuplé d’Allemagne. Avec les excuses


              • brieli67 4 juin 2010 21:13

                oh Mann oh Mann oh Mann

                F D P leur site officiel
                die Liberale

                Le Parti libéral-démocrate (Freie Demokratische Partei, FDP) ....


              • L. D. T. L. D. T. 4 juin 2010 19:47

                Vous diminuez un peu le problème il me semble : c’est l’ensemble du monde occidentalisé, mondialisé qui subit une crise. Au Japon, cela s’est traduit par la défaite des Libéraux-Démocrates au pouvoir depuis 50 ans(!) et l’échec des Démocrates à changer quoi que ce soit de la politique en place depuis trente ans, en Allemagne par la démission de Köhler et bien avant cela par l’alliance CDU-CSU et SPD, autrement droite et gauche unies comme l’UMPS chez nous(à quelques détails près), en Espagne c’est l’affaiblissement des socialistes, en Italie et en France c’est le maintien au pouvoir de libéraux-sécuritaires de « droite » qui fonctionnent uniquement sur la com’, dit en termes moins faux-culs la propagande, et l’inexistance de la gauche(et, je n’ai aucun doute là-dessus, la montée de l’extrême-droite), en Angleterre c’est une crise à venir vu que les conservateurs remis au pouvoir sont parfaitement incapables de diriger avec leur programme véreux(et que leur alliance avec des gauchistes ultra-libéraux ne les aidera pas !) et que la gauche semi-libérale des travaillistes est très fatiguée, bref, à l’exception de la Russie qui reste distante des bêtises d’Occident, et des E-U dont les habitants sont bien trop bêtes pour s’occuper de leur économie déjà cliniquement morte et dont les dirigeants n’attendent que de voir leur économie s’arrêter pour s’accuser les uns les autres et sauver leur part du gâteau, il n’y a pas un endroit en Occident qui ne soit en crise grave, dans la même crise qui plus est.
                Seuls les étatsuniens ne voient pas de crise, la crise idéologique est passée pour eux, ils n’attendent plus que leur mort.

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