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L’ami fidèle d’André Tardieu : Jacques Bardoux, futur grand-père de Valéry Giscard d’Estaing

Le choc de la victoire du Cartel des gauches en 1924 n’a sans doute pas été moins violent, pour la droite et les possédants, que celui qu’a induit le Front populaire en 1936.

Il devait entraîner la création, en novembre 1924, de la Ligue républicaine nationale, dans le comité directeur de laquelle on retrouvait le président de la république démissionnaire : Alexandre Millerand.

François Monnet, dans sa biographie d’André Tardieu, nous la présente ainsi :
« Cette Ligue, fondée avec l’appui des grandes personnalités du camp conservateur, se présentait comme un "point de concentration" de tous les républicains "sincères", résolus à "barrer la route à l’œuvre de destruction" entreprise par le Cartel des gauches, fourrier de la terreur et de la dictature communistes. » (page 228)

Sur le plan partisan, les activités de la Ligue se trouveraient prolongées, en juin 1932, par la création, autour d’André Tardieu, d’un Centre républicain, dont les visées institutionnelles allaient être définies plus particulièrement lors d’un discours prononcé le 27 janvier 1933 devant la Société des conférences, discours de Tardieu que François Monnet rapporte dans les termes suivants :
« Le plan de réaménagement institutionnel proposé par l’orateur comportait cinq grands chapitres, esquissés ou clairement développés dès cette conférence : la réhabilitation du droit de dissolution, la suppression de l’initiative parlementaire en matière financière, l’institution du référendum, la mise en œuvre du droit de vote des femmes et le rappel des fonctionnaires à leur devoir envers l’État, ce qui exigeait un cadre réglementaire nouveau et donc l’élaboration d’un véritable statut des fonctionnaires. » (pages 245-246)

Ici, cette petite précision du même auteur :
« L’homme qui travaille au rassemblement des nationaux sur la plate-forme Tardieu fut Jacques Bardoux. » (page 256)

Comme j’ai déjà eu l’occasion de l’indiquer, il s’agit du futur grand-père de Valéry Giscard d’Estaing, dont la carrière politique aura, en quelque sorte, culminé à l’occasion de la préparation du projet de traité constitutionnel européen qui aura été repoussé par le suffrage universel français le 29 mai 2005…, puis ratifié par voie parlementaire le 8 février 2008 sous une forme modifiée (traité de Lisbonne), ce qui bafouait… le suffrage universel, que plus rien ni personne n’est venu défendre véritablement.

Ce qui montre jusqu’où a pu glisser la citoyenneté à l’intérieur de notre pays.

Mais revenons au grand-père…

Selon François Monnet, Jacques Bardoux n’était pas qu’un second couteau dans l’ombre d’André Tardieu. Il en était le principal conseiller :
« C’est ainsi qu’en novembre 1933, il lui suggéra de déposer à la Chambre une motion invitant le président de la République [Albert Lebrun] à "imposer la trêve des partis et à former un gouvernement de salut public, muni des pleins pouvoirs, dont la tâche exclusive serait de rétablir l’ordre dans les finances et de maintenir la paix en Europe". » (page 214)

Voilà qui est effectivement plutôt rugueux, puisque, en y regardant de près, il paraît bien s’être agi de proposer au président de la république le recours à un coup d’État, en comptant obtenir, comme par enchantement, l’appui des masses. En effet, voici comment François Monnet nous décrit la suite de la manœuvre projetée :
« Au cas où la Chambre refuserait le vote d’une telle motion, Bardoux assurait alors que la majorité du pays était prête à se rallier sous son autorité à une "ligue de salut public".  » (page 264)

Il est remarquable que tout ceci se soit passé deux ou trois mois avant les émeutes du 6 février 1934, à l’occasion desquelles - et contrairement à ce qu’espéraient certains - André Tardieu n’a pas manqué de faire le mort.

Pour sa part, François Monnet souligne l’incrédulité de l’ancien président du Conseil face au volontarisme affiché par Jacques Bardoux  :
« Tardieu ne donna pas suite à cette proposition, qu’il jugea "nettement inconstitutionnelle" et refusa de céder à la tentative ligueuse, et de prendre aussi la tête de l’agitation antirépublicaine. » (page 264)

Pour mieux apprécier l’état d’esprit de celui qui aurait pu être l’homme fort du 6 février, il ne sera pas inutile de rapporter ces quelques phrases qu’il avait prononcées le 26 novembre 1933 à Chambéry, au moment même où Jacques Bardoux lui recommandait de ne pas hésiter à franchir le Rubicon. Il visait ce qu’il avait tenté de faire lorsqu’il était au pouvoir :
« Contre moi, j’ai trouvé, pour une fois d’accord, la quasi-totalité des élus de tous ordres. Je m’y attendais. Mais je n’ai pas rencontré l’appui actif des masses, dont pourtant je défendais les intérêts profonds. » (page 26)

Si profonds que, bien sûr, le suffrage universel ne saurait jamais les exprimer lui-même…


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