L’amour multiplié par deux
Entretien avec la cinéaste et romancière caroline pochon, auteur de ‘Deuxième femme’, un récit romancé de son histoire en Afrique, vécue comme seconde épouse d’un cinéaste sénégalais.
Pouvez-vous nous résumer brièvement l’histoire de votre roman semi autobiographique ‘Deuxième femme’ ?
Une femme française se rend pour la première fois en Afrique, elle tombe amoureuse d’un Sénégalais qui lui annonce qu’il est déjà marié avec une Sénégalaise et lui propose de devenir sa deuxième femme.
Hortense, c’est vous ! La polygamie n’est pas dans votre culture française. Comment avez-vous accepté votre statut de deuxième femme ? Cette histoire est-elle le fruit d’une phase maniaque ou « peut-être hypomaniaque », comme précisait le psychiatre de votre héroïne (p292) ?
Je crois que les interprétations peuvent être multiples lorsqu’on aborde une histoire ou un événement. L’interprétation psychiatrique en est une. Devenir polygame pour une Française est une expérience, choisie par amour. Ne pas rejeter d’emblée la culture de l’Autre. Mais jusqu’à quel point peut-on épouser les mœurs et le système moral de l’Autre ?
Vous avez connu l’expérience de la polygamie, y a-t-il d’après vous une polygamie heureuse ? Comment gérer les rivalités au quotidien ?
Une polygamie ne peut être heureuse selon moi car elle met en jeu rivalité et jalousie. Le pire est lorsque les femmes cohabitent. Cependant, la cour offre également la solidarité féminine : c’est tout un modèle de vie à l’Africaine, avec ses qualités et ses défauts. On enseigne aux Sénégalaises à être vertueuses et à dépasser leur jalousie... mouais ! Pourquoi les hommes ne devraient-ils pas en faire autant en matière de vertu !
« La femme émancipée découvre, oh surprise, le bonheur de se soumettre corps et âme à un homme, dans l’amour et le respect, pour la vie si Dieu le veut ! » (p248).
Loin de moi l’idée de vous culpabiliser, mais avez-vous pensé aux millions de femmes musulmanes qui subissent cette polygamie ? Comment les féministes africaines ont-elles réagi à tout cela ?
Les féministes africaines qui découvrent le résumé du récit sont en colère contre une Blanche qui vient « mettre les pieds dans le plat », parler sans connaître, voire ruiner leur travail. En réalité, ce n’est pas le cas, car je ne fais pas du tout l’apologie de la polygamie dans mon livre. Une amie, féministe algérienne, me l’a confirmé après lecture. Mais c’est délicat, j’en conviens.
Hortense se plaignait : « Je suis seule, vilain rejeton des monstres néocoloniaux agneau dévoré par le loup sans autre forme de procès, payant de ma personne la faute de mes aïeux à canon et baïonnette », (p285). Est-ce l’éternel sanglot de l’homme blanc ?
Oui, je crois qu’il y a aussi de cela dans mon récit. Une Blanche en Afrique, cela reste une problématique assez particulière. Enfin, c’est ainsi que je le perçois. Pas neutre, en tout cas, car il y a tout un passif derrière nous.
Toujours musulmane ?
A vrai dire, pas vraiment. De retour à l’athéisme, mais bienveillante envers l’Islam, surtout dans sa version non-intégriste. Connaître (un peu) l’Islam de l’intérieur est une chance pour une occidentale. Je crois que des personnes comme moi peuvent contribuer à défendre le respect de chaque tradition. Mais j’avoue que le climat mondial est inquiétant et j’espère qu’une position plutôt libérale comme la mienne restera tenable. Je le souhaite vivement.
« Deuxième femme », de Caroline Pochon, Buchet Chastel, 316 p
Entretien réalisé par Hamid Zanaz
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