L’an I de Sarkozy : quel bilan pour les relations France-Afrique ?
La politique africaine de la France a été oubliée par Nicolas Sarkozy lors de son intervention-bilan télévisée du 24 avril dernier. Par manque de temps (j’ose le croire), le journaliste Vincent Hervouët de LCI n’a pas pu placer une question, pour que le président Sarkozy reconnaisse ses erreurs sur ce plan.
Lui qui avait durant la campagne électorale promis « la rupture » avec les anciennes pratiques des relations franco-africaines. « Il faut débarrasser nos relations des réseaux d’un autre temps [...] Il faut tourner la page des complaisances, de secrets et des ambiguïtés », avait-il dit.
Comme sur d’autres points, un an après, le bilan de Sarkozy sur les relations entre la France et l’Afrique reste très mitigé. On ne peut pas réduire ces relations à la question de l’immigration sur laquelle s’acharne son gouvernement.
En effet, « l’aggiornamento » dans les relations France-Afrique est loin d’être commencé. Et la politique africaine de la France manque toujours de visibilité et de clarté, empêtrée dans des divergences entre la cellule diplomatique de l’Elysée (dirigée par Jean-David Levitte et Bruno Joubert), le secrétaire général de l’Elysée Claude Guéant « plus enclin à ménager les dirigeants africains de la Françafrique » et l’ancien secrétaire d’Etat chargé de la Coopération et de la Francophonie Jean-Marie Bockel issu du Parti socialiste.
Avec le mini-remaniement ministériel du 18 mars dernier au lendemain des élections municipales, Jean-Marie Bockel a fait les frais de ces divergences. Il a été remplacé par un sarkozyste Alain Joyandet trop pressé d’aller « faire allégeance » au président Bongo dès le 10 avril. On se rappelle que l’ancien secrétaire d’Etat avait dénoncé lors de ses vœux en début d’année, la lenteur dans la rupture prônée par le président et avait mis en exergue les mots qui minent le développement de l’Afrique à savoir ; mauvaise gouvernance, gaspillage des fonds publics, prédation de certains dirigeants africains... Revenant à la charge, dans une interview au journal Le Monde du 16 janvier 2008, il déclarait : « la Françafrique est moribonde. Je veux signer son acte de décès ».
Il ne fait aucun doute que Sarkozy a dû subir des pressions de la part de certains dirigeants africains que l’ex-secrétaire d’Etat dénonçait sans pour autant mentionner les noms.
Que peut-on reprocher à Jean-Marie Bockel ? Quel couac a-t-il commis dans ce gouvernement d’ouverture ? Est-ce le fait de vouloir « liquider la Françafrique » ou d’avoir réclamé « la rupture » promise par le président ?
Bernard Debré, ancien ministre de la Coopération, a désavoué Bockel en déclarant dans Valeurs actuelles du 14 mars 2008, p. 44 : « par mimétisme, mais sans méchanceté, il a voulu lui aussi utiliser le mot rupture employé par Nicolas Sarkozy en France. Bockel vient de la gauche avec cette culture très ambiguë de la gauche qui a été le plus souvent le chantre de la colonisation. Quand on ne connaît pas bien l’état d’esprit des relations franco-africaines, faites d’amitiés, de connivences, de culture identique, on risque effectivement de commettre quelques impairs ». Et il semble que l’ancienne garde chiraquienne de la Françafrique est toujours dans l’entourage de Sarkozy.
Un an après l’élection de Sarkozy, la promesse de « rupture » dans la politique africaine de la France ne se nourrit que de discours dont celui fait récemment en Afrique du Sud, le 28 février dernier et portant sur la renégociation des accords militaires entre la France et certains pays africains (qui n’ont servi qu’à maintenir certains dirigeants africains au pouvoir durant plusieurs décennies) et la publication de ces accords en toute transparence avec la promesse « d’associer étroitement le Parlement français aux grandes orientations de la politique de la France en Afrique ».
Sarkozy a dit lors de l’émission : « Je vois très bien les mécontentements, mais je sais où je vais. Je suis persuadé qu’il n’y a pas d’autre stratégie et je sais que mon rendez-vous, c’est la fin de mon quinquennat ». Espérons qu’il tiendra ses promesses quant à « la rupture » dans les relations entre la France et l’Afrique avant la fin de son quinquennat. Mais, pour l’heure, on devra se contenter des discours sur la politique africaine dans une inflation de parole présidentielle et d’abondance verbale présidentielle.
Qu’on ne s’étonne pas que l’image de la France soit très dégradée en Afrique comme l’a révélé le journal Le Monde dans son édition du samedi 26 avril, s’appuyant sur un ensemble de télégrammes rédigés à la demande du Quai d’Orsay à l’automne 2007 par 42 ambassadeurs en poste sur notre continent.
Komi TSAKADI
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