L’année celtique, un calendrier original
L'année celtique, un calendrier original
De tous temps, les travaux agricoles mais aussi les célébrations, cérémonies et fêtes religieuses devaient être exécutées à des dates particulières. Les astres ont toujours été utilisés par les anciens comme repères temporels périodiques précis et synchrones avec la nature, sans dérive évidente à l'échelle séculaire. À l’époque encore plus reculée de l’âge de la Pierre, des sites mégalithiques furent délibérément orientés vers des positions particulières et remarquables du Soleil ou de la Lune. Aujourd'hui, l'outil de mesure le plus précis est l'horloge atomique Pharao.
Si les calendriers de nombreuses civilisations anciennes sont bien connus et abondamment documentés, celui des Celtes apparaît plus discrètement. Le calendrier de Coligny, ou « calendrier gaulois », est une grande table de bronze du IIe siècle, trouvée à Coligny (Ain) et dont les inscriptions se sont révélées être celles d'un calendrier en langue gauloise. Il est exposé au Musée gallo-romain de Fourvière à Lyon. Des études approfondies nous révèlent que ce calendrier gaulois primitif était Lunaire, synchronisé approximativement sur la période synodique de notre satellite, c'est-à-dire l'intervalle entre les conjonctions successives de la Lune avec le Soleil, observés depuis la Terre. Autrement dit, c'est le temps qu'il faut en moyenne à la Lune pour faire un "tour" de notre planète dans son orbite autour du Soleil, précisément 29.53059 jours.
L'instant précis de la phase du premier quartier de la Lune est le plus aisément connaissable par un observateur, contrairement à la nouvelle Lune que l'on ne peut pas voir, et à la pleine Lune laquelle, bien qu'étant 10 fois plus lumineuse varie très peu d'un jour sur l'autre. Cet instant de fin de premier quartier se produit en fin d'après midi lorsque la Lune passe à son zénith, faisant un angle de 90° avec le soleil couchant. Néanmoins, la précision de synchronisation calendaire avec le premier quartier n'est jamais que relative car la durée vraie de la lunaison varie dans une fourchette de presque ± 7 heures dans l’année, la Terre et la Lune n'évoluant à vitesses ni constantes ni synchronisées, du fait de leurs orbites respectives elliptiques : maximales aux périgées et minimales aux apogées.
Dans l'ouvrage "Locronan, la Troménie et les peintres, par J.-Y Nicot" Donatien Laurent décrit l'année celtique qui était composée de 12 mois comportant alternativement 29 et 30 jours afin de se synchroniser approximativement sur la période moyenne de la Lune, soit environ 29,5 jours. Les mois débutaient au premier quartier réalisé. La première quinzaine de chaque mois était donc dominée en son milieu par la pleine lune, la seconde par la nouvelle lune. Les jours dont le début était fixé au moment du coucher du soleil, ne portaient pas de nom, mais étaient selon "Les Druides du Québec", en vertu de leur position dans le mois et du mois dans l'année, réputés "bons, complets, intègres" (mat), et " non bon, incomplet " (anmat) ou simplement neutres (*)
Pour assurer l'accord avec la course du soleil et éviter le glissement des saisons, on rajoutait tous les 30 mois - c'est-à-dire tous les cinq semestres - alternativement devant un semestre hivernal puis devant un semestre estival, un mois supplémentaire de 30 jours. Ainsi se constituait, au dessus du jour, du mois et des années, une nouvelle unité "le lustre ", comportant en son début un mois intercalaire suivi d'une série de 30 mois, puis, en son milieu, un nouveau mois intercalaire suivi d'une deuxième série de 30 mois ; la première série de cinq semestres était donc composée de deux années complètes suivies d'un hiver ; et la seconde, inversée, composée d'un été suivi de deux années complètes. Un lustre comportait ainsi 62 lunaisons équivalent à cinq années solaires complètes. Il fallait encore quelques derniers réglages : selon Eoin MacNeill, un érudit irlandais, le neuvième mois ou neuvième Lune - equos, sans doute, ou une forme archaïsante du nom gaulois de cheval, epos, qui correspondait au mois de juillet - ne comportait semble-t-il, les deuxième et quatrième années du lustre, que 28 jours au lieu de trente.
Selon Pline, les gaulois appelaient "saitlon", "saeculum" en latin, une période de 30 ans, qui équivalait à un groupement de six lustres. Les recherches de P.-M. Duval et G. Pinault ont montré de façon convaincante que cette rupture du "siècle" devait se marquer par l'omission du mois intercalaire qui aurait dû récapituler les 30 derniers mois du sixième lustre. Ainsi, cinq lustres de 62 mois et un de 61 donnaient bien les 371 lunaisons de 30 années solaires. (7) Le compte est bon, en effet : cinq lustres de 1831 jours suivis par un sixième n'en comptant que 1801 en début de "siècle" quand le mois intercalaire n'intervient pas, font 10956 jours cependant que trente années solaires de 365,242 jours font 10957,26. L'écart était négligeable pour les besoins des hommes de ce temps, et facile à corriger, quand dans la suite des siècles il venait à grandir de manière trop gênante.
C'étaient finalement des opérations mentales simples, régulières et faciles à mémoriser : regroupement des années par séries de cinq ; récapitulation tous les cinq semestres des trente mois écoulés (5x6) par les trente jours supplémentaires ; sauf tous les trente ans où, après cinq lustres complets et un sixième défectif, l'on passait directement à la lune de novembre qui marquait le début du nouveau "siècle". Cinq semestres, cinq ans, cinq lustres ... trente jours, trente mois, trente ans ... on voit ainsi transparaître le système d'emboitements successifs qui paraît caractériser cette conception si originale de mesure du temps. D'un niveau d'emboîtement à l'autre se répondaient donc des formes analogues : non pas deux unités conjointes, mais bien une seule unité à deux faces ou deux pôles inversés - sombre et claire - tour à tour en position de force, mais inséparables et complémentaires, et qu'il était naturel d'associer à la lune et au soleil, les deux astres majeurs semblant se disputer la maîtrise du ciel. Il ne s'agit pas de constructions de l'esprit arbitraires et conventionnelles, mais bien de réalités observables, vivantes, liées entre elles par la conformité à des rythmes identiques - deux, trois, cinq, six, douze, trente ... - dont la répétition constante au fil du temps, à tout moment contrôlable, garantissait l'ordre de la nature.
Mais, si cette unité simple qu'est le jour s'est imposée à tous les peuples, pourquoi les Gaulois ont-ils produit cette conception différente et originale des lunaisons et des saisons ? Pourquoi ont-ils placé le changement de mois, six jours après la nouvelle lune, au moment du premier quartier ? Et le changement de saison un mois et demi avant les solstices, les 1er novembre et 1er mai ? quand la plupart de leurs voisins comptaient leurs lunaisons à partir de la nouvelle lune et leurs saisons à partir des solstices ... La raison de ces décalages paraît découler d'une conception bipolaire inversée de la mesure du temps où les deux forces antagonistes - ténèbres et lumière - s'organisent autour d'un point d'équilibre et non à partir ou en direction d'un point d'amplitude maximum. Le breton, mieux encore sans doute que les autres langues celtiques, a gardé l'empreinte de ce système de mesure du temps : le partage de l'année en deux saisons cardinales, fractionnées secondairement, y est perceptible dans l'opposition entre l'usage de mots simples, de substantifs pour désigner l'hiver et l'été (goañv, hañv) et de locutions pour qualifier le printemps (nevez amzer, diskar amzer, littéralement "renouveau du temps" et "déclin du temps").
Les deux axes de l'année celtique - l'un séparant les semestres ; l'autre décalé de trois mois opposant les deux divinités, féminine et masculine, qui patronnent chacun d'eux - restent clairement décelables à travers l'opposition des termes kala et gouel, empruntés au au latin calendae et vigilium (fête religieuse par opposition à fête profane) qui distinguent encore aujourd'hui les deux fonctions calendaires de ces axes du temps : kala goañv (calendes d'hiver) et kala hañv (calendes d'été) pour les deux fractures du 1er novembre et du 1er mai ; gouel Berc'hed (fête de Brigitte) et gouel eost (fête d'Auguste ou d'Août) pour les deux fêtes médianes féminine et masculine du 1er février et du 1er août.
Pour conclure, je noterai ici que ces quatre fêtes correspondent à nos solstices et nos équinoxes, mais décalées d'une demie saison.
Noms bretons relevés dans le Calendrier des Sapeurs pompiers de Rennes :
Jours : Lun, Meurzh, Merc'her, Yaou, Gwener, Sadorn, Sul
Mois : Gwenver, c'hewverer, Meurzh, Ebrel, Mae, Mezheven, Gouere, Eost, Gwengolo, Here, Du, Kerzu
Saisons : Nevez-amzer, Hañv, Diskar-amzer, Goañv
Sources diverses :
Le calendrier gaulois : synthèse et hypothèses, restitutions par David ROMEUF
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