L’antijihadisme des imbéciles, réponse à Taguieff, Bruckner et leurs amis
Il était forcément à prévoir qu’après les événements qui ont eu lieu le 07-09 janvier 2015 certains idéologues bien connus du Tout-Paris réactionnaire et conservateur allaient en tirer profit pour déverser leurs élucubrations, parfois bêtes et méchantes.
Dans un article, qui sent le règlement de compte, écrit par l’inénarrable Pierre-André Taguieff et co-signé par ses amis Pascal Bruckner, Michelle Tribalat et Jacques Tarnero[1], tous d’obédience réactionnaire et d’une sympathie aveugle et sourde envers l’Etat hébreu, on est estomaqué par tant d’affirmations gorgées de raisonnements fallacieux et antihumanistes.
En parcourant ce texte, on est sidéré par une analyse qui s’empêche volontairement de voir les effets des politiques d’interventions militaires occidentales dans les agissements de ses terroristes : ils sont justes barbares et nous devrions les civiliser. Il n’y a pour eux rien à creuser dans ce qu’Alain Badiou appelle les « retombées criminelles »[2] de guerres que nos infatigables militants pro-israéliens ont longtemps défendu bec et ongles.
Bien sûr, chercher une forme de réponse à nos questions sur les causes ne serait qu’« excuser les tueurs ». Donc évitons de penser que quand l’Etat israélien massacre impunément 2 000 personnes dans des territoires qui ne sont pas les siens, il tient une forme de responsabilité dans la montée du radicalisme et de l’hostilité à l’endroit de l’Occident qui, sournoisement, laisse faire. Evitons également de penser que l’ingérence agressive et criminelle de certains pays occidentaux est quelque part, comme l’affirme Dominique de Villepin, responsable de la création de ses « nouveaux monstres » et des nouvelles contradictions meurtrières du monde arabo-musulman. Bien sûr, tout est à expliquer dans le coran et la nature de l’Islam.
Raisonnement aussi stupide qu’imputer à Marx les crimes de Staline et Mao.
Premier postulat nourrit de sous-entendus malveillants et de casuistiques fallacieuses : nommer l’ennemi.
« S’il ne faut bien sûr pas assimiler tous les musulmans à des terroristes, écrivent-ils, tous ces terroristes se réclament de l'islam. Certes, tous les musulmans ne sont pas jihadistes mais tous les jihadistes sont musulmans ». Belle rhétorique qui se retourne d’elle-même à coups de comparaisons tout aussi simplistes : s’il ne faut bien sûr pas assimiler tous les Allemands à des Nazis, tous les Nazis étaient Allemands. Voilà une erreur de logique commandée par un besoin tenace d’assimiler musulmans et djihadiste sous couvert de basses raisons idéologiques. S’il est vrai, depuis Carl Schmitt, que le politique aime à se chercher un ennemi- et donc le nommer, encore faut-il ne pas amalgamer et prendre la partie pour le tout. Faute de quoi, tous les Français seraient pétainistes puisque tous les pétainistes étaient Français.
Second postulat, plus sérieux : qualifier le crime.
Notre bande des quatre a trouvé l’astuce pour qualifier un crime sous une appellation juridique : en distordant la notion de jihad. Comme tout un chacun sait, chaque civilisation à une législation et une doctrine pour définir la Guerre juste. De Mahomet à Saint Thomas D’Aquin, et même bien avant eux, la notion de guerre et de légitime défense a toujours revêtu un caractère normatif et doctrinaire avec ses interdits. Mais nos faussaires ne s’arrêtent pas là ; pour eux, le jihad (c’est-à-dire la notion de guerre chez « nos ennemis »), c’est d’abord et avant tout la volonté d’extermination et d’esclavage du non croyant dans une volonté de domination totale. Pour faire court (parce que les faussaires aiment faire courts), le jihad est par définition un crime contre l’humanité.
Il n’est pas sûr que le plus modérés des musulmans (mettons feu Abdelwaheb Meddeb) adhérerait à leur définition de jihad. Mais enfin, il est bien connu que Taguieff et Bruckner sont de très grands spécialistes de l’Islam. Si l’histoire revient souvent comme une farce, rappelons-nous seulement qu’il y a juste trente ans les Américains faisaient l’apologie des moudjahidines Afghans, vus comme des résistants…aux ingérences militaires russes. Un moudjahidine n’est rien moins que ce qu’on appelle aujourd’hui un djihadiste. Et les Russes eux-mêmes traitaient les Afghans de…terroristes tandis que les Américains les traitaient de résistants. Allez savoir pourquoi.
Relevons seulement qu’avant de commencer par définir pénalement un crime devant l’ONU, il faudrait d’abord en relever (certaines) causes. C’est ainsi que la notion de légitime défense est l’une des deux seules possibilités autorisée par le l’ONU, (l’autre étant l’aval du Conseil de sécurité), pour qu’un Etat fasse usage de sa force contre un autre Etat. C’est ainsi que la résolution 3314 définit le crime d’agression en droit international.
L’islam n’est pas par définition criminogène. « Les régimes islamiques ne menacent l'occident que depuis que l'Occident les menace....souligne Michel Onfray, qu’il est difficile de taxer d'islamophilie. "On confond la cause et la conséquence : les régimes islamiques de la planète ne menacent concrètement l'Occident que depuis que l'Occident les menace. Et nous ne les menaçons que depuis que ces régimes aux sous-sols intéressants pour le consumérisme occidental ou aux territoires stratégiquement utiles pour le contrôle de la planète, manifestent leur volonté d'être souverains chez eux."[3]
Précision : J’ai pris ici Onfray pour exemple car il ne faudrait pas que nos Grands esprits Germanopratins nous fassent le reproche de citer Plenel, Mamère ou Hessel étiquetés inlassablement « idiot utile de l’islamisme ». Et donc du fascisme.
Et c’est ici que vient le troisième postulat : ouvrez les yeux !
Ce sont nos grandes lumières qui vous le disent. En juillet dernier, écrivent-ils « c'est un pogrom qui a été tenté à Sarcelles et rue de la Roquette à Paris. » Vous avez bien lu : un pogrom, c’est-à-dire une attaque sanglante et meurtrière accompagnée de pillage contre une minorité juive. Décidément, on ne se départira jamais de cette terminologie de la Seconde guerre mondiale. Mais enfin tout ce qui est excessif est insignifiant.
Peut-être une affirmation intéressante : « Ne pas faire le lien entre la part proche-orientale et anti-israélienne pour ne considérer que l'offensive islamiste en Occident, c'est s'interdire de penser la globalité de cette menace. »
Posons une question : pourquoi les terroristes ne s’en prennent pas à la Finlande, au Chili, à l’Autriche, au Congo, à l’Ukraine, à la Hongrie, au Vietnam, etc ?
Ouvrir les yeux : oui.
Quatrième postulat très indécent : islamophobes vs islamistes
Cela sent bon le règlement de compte contre l’antiracisme vu comme, je cite, la « nouvelle arme anti-juive. » Mettre sur un plan de comparaison des racistes ordinaires avec des criminels de masse pour jauger le poids des torts est un beau procédé de la part de nos éminents esprits. Que de confusion !
On ne sait qui parmi les auteurs cités par nos experts a tenu l’affirmation selon laquelle l’islamophobie serait LA cause de ses actes terroristes. Certes les tueurs ont eu un passé difficile, une intégration dans la société encore plus difficile. Mais qui est assez sot pour croire que le seul racisme antimusulman a été le facteur principal de leur crime ? La comparaison en soi est indécente car esquinter un racisme ne signifie pas que l’on approuve le terrorisme. De même que désapprouver vigoureusement le terrorisme ne signifie pas, comme semble le vouloir nos amis, qu’il faille se laisser aller au racisme envers une communauté.
Si l’antisémitisme ne peut jamais être acceptable même lorsqu’Israël tue, l’islamophobie ne peut être acceptable au nom du combat contre le terrorisme islamiste.
Cinquième postulat : remettre la Palestine là où elle est
Comparer un mouvement de résistance contre l’occupation, le Hamas, avec un mouvement terroriste et dévoyé de l’islam, Daesh (condamné par tous les plus grands savants musulman) est une vulgaire ineptie. L’OLP de Yasser Arafat qui était considéré comme terroriste aussi voulait détruire Israël en son temps avant que sa position n’évolue au gré des positions plus ouvertes d’Israël.
C’est une manie qui revient souvent chez l’extrême-droite sioniste que de mettre sur le même plan différentes organisations islamistes du seul fait qu’il y a le nom islam sur leur bannière pour ainsi mieux les accabler. Une hydre à plusieurs têtes ! Une cinquième colonne ! De la science politique à la mythologie !
Sixième postulat : Israël complétement irresponsable !
Il n’y a bien que le voleur récidiviste qui peut s’inquiéter d’accusation de vol. Mais qui a dit qu’Israël était responsable du malheur arabe ? Il est certes responsable du malheur palestinien et c’est déjà un gros fardeau. La colonisation, l’occupation, les assassinats ciblés, les destructions de biens et de personnes ainsi que les différentes interventions militaires d’Israël avec le soutien et le silence de l’Occident ne peuvent que générer de l’hostilité et de l’amertume dans la rue arabe. Le problème palestinien est une affaire qui nous concerne tous et si l’on ne « considère pas et ne comprend pas, comme disent nos auteurs, cette composante, l’on programme en effet notre défaite ».
Questions
Pensez-vous, messieurs, dames, que quand un pays intervient dans d’autres régions du monde pour faire tomber des régimes, détruire des populations, déstabiliser la région au nom de « nos » valeurs, il n’épouse pas ce que vous appelez le terrorisme que vous avez du mal à définir ? Pensez-vous réellement que notre armée n’a pas commise d’exactions quand elle est intervenue en Irak, en Libye et au Mali au nom de « nos » valeurs ? Pensez-vous que ces actions illégales dans le droit international n’ont pas eu pour effet d’attiser une certaine antipathie envers notre pays de la part de certaines personnes démunies ?
Et si le cynisme est une façon déplaisante de dire la vérité, vous devriez au moins reconnaitre que ceux qui ont dit « gare à la guerre » n’avaient pas juste un sentiment de « haine de soi » ou de « haine de l’Occident » ou de honte « d’être Français » mais aussi une crainte des répercussions d’une telle intervention. Elle est extraordinaire cette mécanique qui consiste à aller bombarder là-bas pour ensuite venir nous parler de "chocde civilisations" ici. Qui provoque quoi ? Mais que croyez-vous ? Vous pensiez que nous accomplirions notre mission civilisatrice et reviendrions comme si de rien n’était ? Que deux trois bombardements par-ci, deux trois accords et un leader sans légitimité imposé par-là, l’affaire serait réglée ! Allons donc ! Votre logiciel du manuel de la guerre fonctionne encore sous l’époque clausewitzienne ! Bienvenue dans le Nouveau Monde.
Il est certain, qu’à vous lire, Israël et la communauté juive de France ont déjà connu meilleurs avocats.
33 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON