L’après-coronavirus : à quoi ressemblera le monde ?
La pandémie de coronavirus va bouleverser l’ordre mondial actuel, une affirmation étonnante pour certains chercheurs. On les retrouve à désavouer à la va-vite qu’un virus imperceptible à l’œil nu va transformer le monde.
Les changements historiques ont toujours fait suite à des événements majeurs, qu’il s’agisse de guerres mondiales ou de grandes ententes internationales. C’est historiquement vrai. Mais ce jugement me paraît assez précipité. On doit voir les choses dans leur globalité, ne se focaliser pas seulement sur la cause mais également sur les implications.
Il ne faut non plus oublier que des grands moments et des profondes transformations ont été déclenchés par de simples incidents dont nul n’imaginait les conséquences au départ.
Pour voir plus clair, il faut mettre en relief deux éléments de réflexion. D’abord, la pandémie de coronavirus n’est pas une sinécure, comme en témoignent toutes les pertes humaines, économiques et stratégiques qu’elle a entraînées et la perturbation presque totale de tous les mécanismes de coopération et d’échanges internationaux sur divers fronts.
Les économistes estiment à 5 000 milliards de dollars l’ampleur des pertes que la pandémie du virus coronavirus laissera en héritage à l’économie mondiale. Plus grave encore, le monde traverse la plus grande récession économique en période de paix depuis les années 1930. Les économies développées ne retourneront pas à leur niveau pré-crise avant le troisième trimestre 2021, craignent les experts de la banque américaine Morgan Stanley.
Pour mettre les choses en perspective, le FMI est d’avis que la taille des pertes économiques mondiales dues au déclenchement du virus équivaut l’économie combinée de l’Allemagne et du Japon. Le Grand Confinement, terme utilisé par le Fonds pour désigner la récession mondiale actuelle, pourrait coûter à l’économie mondiale environ deux mille milliards de dollars en deux ans. La récession est la pire depuis la grande dépression des années 1930.
Ces immenses dégâts ont le potentiel de redessiner les relations internationales à la lumière du nouveau normal. La crise a changé la donne, en redéfinissant les intérêts et les rapports ainsi que les priorités des pays et des individus.
En matière de sécurité nationale, les priorités se recentrent sur les risques, les menaces et les défis sanitaires résultant des épidémies tout comme les conflits traditionnels, les guerres, les cybermenaces, les désastres écologiques.
Par la suite, et naturellement dans de telles circonstances, tous les pays devraient réviser leurs priorités, intérêts et structures de relations internationales en fonction de leur performance dans la crise et de l’étendue du risque, mais aussi en fonction de leur propre perception des opportunités et des défis inhérents à cette crise.
Dans ce chapitre, le monde sera forcément différent de celui de l’avant-épidémie. Le monde ne sera pas le même et les affaires ne seront pas comme avant février 2020 qui marque le début de la grande fermeture mondiale provoquée par le déferlement du virus.
Dans tous les domaines, tant en médecine et en santé qu’en économie, les voyages, l’aviation, il existe de nouvelles règles de jeu, de même pour ce qui est des conflits biologiques et des armes non conventionnelles, qui seront le théâtre d’une concurrence féroce entre nations pour leur usage à des fins de dissuasion des adversaires.
Le conflit sino-américain pour l’hégémonie monopolaire a résonné bien avant la pandémie de coronavirus. Après la crise, le monde verra poindre de nouveaux équilibres, règles et normes qui définiront le statut, l’influence et la domination dans l’ordre mondial. Même celui-ci devient discutable.
Même la capacité des Nations unies à gérer les affaires du monde est remise en question, puisque les institutions onusiennes peinent à agir et assumer l’initiative au plan global dans des circonstances aussi délicates.
Le doute plane aussi sur l’efficacité de certaines de ses composantes, comme l’OMS, accusée de prendre le parti de la Chine et de cacher des faits au monde entier dans les prémices de la crise. Même si ce n’est qu’une question de doutes et d’accusations sans preuves, le rythme auquel l’OMS gère le risque sanitaire mondial causé par l’épidémie de coronavirus a été critiqué par bien des experts.
Dans l’après-coronavirus, les relations internationales se compliqueront davantage. Ces rapports seront remodelés au gré des faits et des réalités chez de nombreux pays. Les alliances et les blocs politiques vont changer. Le vent du changement, voire du recul et de l’effondrement, soufflera sur eux à hauteur des dégâts et des pertes qu’ils ont subis dans cette crise révélatrice.
La Chine et la Russie, que certains pays appellent des adversaires stratégiques, ont été plus proches de leurs peuples. Quant aux alliés, ils ont paru plus indolents et ont refusé d’aider les malades et les victimes pour des motifs de calcul stratégique que les peuples ne comprennent pas dans de telles conjonctures critiques.
Les intérêts économiques et les liens vitaux gagneront en pertinence tandis que les idéologies, les slogans et le language humaniste s’estomperont progressivement. La mondialisation, l’interdépendance et d’autres théories qui ont depuis longtemps été envisagées comme des garde-fous en cas de catastrophe sont remises en question par tout un chacun.
Au bout du compte, parler d’un changement du monde n’est pas le fruit de fantasmes et d’émotions provoqués par le choc du coronavirus, mais une simple réalité qui n’a pas encore pris toute sa forme.
La crise évolue. On ne sait pas encore à quoi elle aboutira. Parler de changement n’est qu’une simple esquisse de ce qui pourrait réellement se passer sur le terrain si les incidences de cette crise s’accentuent et s’approfondissent.
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